Environnement, guerre… quelles conséquences après la destruction du barrage de Kakhovka en Ukraine?

Potentiellement catastrophique pour l’environnement, la rupture partielle du barrage de Karkhova aura également des répercussions sur la suite de la guerre en Ukraine.

Barrage de Kakhovka
Barrage de Kakhovka ©Belga

La guerre va-t-elle entrer dans une nouvelle phase en Ukraine, après la destruction partielle du barrage de Kakohvka (sud du pays) ? Depuis la rupture de l’édifice- dont Kiev et Moscou se renvoient chacun la responsabilité- dans la nuit de lundi à mardi, les habitations de milliers de personnes sont menacées ; au moins 20.000 personnes se trouvaient en zone critique, selon l’Ukraine.

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Plus de 2.700 personnes ont déjà été évacuées des zones inondées, ont affirmé mercredi les autorités ukrainiennes et celles d’occupation russe, qui contrôlent chacune une rive du Dniepr dans la région.

La destruction de ce barrage de 30 m de haut étendu sur 3,2 km, érigé à l’époque soviétique (1956), pourrait avoir des conséquences écologiques importantes, ainsi que sur le déroulé de la contre-offensive ukrainienne.

Eaux polluées et modification du climat local

«Une catastrophe écologique mondiale se joue maintenant […], et des milliers d’animaux et d’écosystèmes seront détruits dans les prochaines heures», a dénoncé la présidence ukrainienne. «La Russie est en guerre contre la vie, contre la nature, contre la civilisation», a assené Volodymyr Zelensky.

Selon l’ONG Ukrainian Nature Conservation Group (UNCG), il est «actuellement impossible d’évaluer la situation » et son impact environnemental. «Il est évident que ces événements auront des conséquences imprévisibles sur l’environnement : certaines zones seront inondées, à certains endroits, le fond du réservoir sera exposé», redoute toutefois l’organisation.

 

Ce sont des dizaines de milliers d’animaux qui pourraient périr, sans compter la végétation qui va disparaître sous l’eau. Une eau polluée notamment par 150 tonnes d’huile moteur qui se sont déversés dans le Dniepr. Des fuites supplémentaires sont à craindre, selon les autorités ukrainiennes.

Dans quelques jours, après que les eaux du gigantesque réservoir de Kakhovka, en amont du barrage, se seront entièrement déversées dans le fleuve, on devrait en savoir un peu plus sur les dégâts provoqués par la catastrophe. Certains spécialistes s’attendent à ce que la rupture du barrage provoque à terme une intensification de la désertification dans la région, ainsi que des altérations du climat.

La centrale nucléaire de Zaporijjia menacée?

La destruction du barrage de Kakhovka a également suscité de nouvelles inquiétudes autour de la situation de la centrale nucléaire de Zaporijjia, sous contrôle russe. Suite à l'incident, les autorités ukrainiennes ont rapidement réagi, mettant en avant le risque de catastrophe nucléaire qu'il pouvait provoquer dans la centrale, située à 150 kilomètres en amont du barrage. Avec la rupture de ce dernier, la centrale aurait en effet perdu sa source principale de refroidissement.

 

«L’eau qui sert au refroidissement des réacteurs provient, en effet, d’un bassin de rétention, alimenté par le fleuve. Et son niveau est stable pour l’heure», expliquait à Sud Ouest Karine Herviou, la directrice générale adjointe de l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Il n’y a pas «de danger nucléaire immédiat»,  a déclaré l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui affirme disposer de solutions alternatives pour le refroidissement des réacteurs.

À qui profite le crime ?

La rupture du barrage et les inondations qu'elle a provoquées pourraient enfin avoir des conséquences sur la contre-offensive ukrainienne, annoncée depuis plusieurs mois par Kiev. La rive droite du Dniepr, en aval du barrage, a été libérée par les forces ukrainiennes en octobre. Pour continuer son opération de reconquête, l’armée ukrainienne doit notamment traverser le Dniepr.

«L'objectif des terroristes est évident : créer des obstacles pour les actions offensives des forces armées [ukrainiennes, ndlr]», a estimé Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de Volodymyr Zelensky. On ignore à qui doit être imputé la destruction du barrage; celle-ci pourrait également ne pas avoir été directement provoquée, mais causée par l'usure de l'ouvrage. Quoi qui en soit, il semble cependant que le «crime» profite davantage à la Russie.

 

«L'inondation impose aux Ukrainiens de se retirer parce qu'ils avaient une petite partie de la rive gauche qui était occupée, qu'ils avaient réussi à récupérer en face de Kherson, soulignait auprès de RFI le spécialiste en armement Xavier Tytelman. Le Dniepr deviet aussi infranchissable surtout que le courant étant beaucoup plus fort, les engins de franchissement comme les ponts moteurs ne peuvent plus, a priori, être utilisés. Les Russes n'ont donc plus besoin de s'inquiéter et peuvent repositionner leurs troupes pour être prêt à mieux encaisser la future contre-offensive».

La destruction du barrage pourrait toutefois gêner aussi la Russie, dans la mesure où le barrage de Kakhovka, en permettant notamment d'envoyer de l'eau dans le canal de Crimée du Nord, contribuait à l’approvisionnement en eau de la péninsule ukrainienne, annexée depuis 2014 par la Russie.

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