
Dieu est-il vraiment un homme ? Une nouvelle version non genrée de la Bible fait polémique

Se replonger dans les textes sacrés pour les réécrire au goût du jour, il ne fallait pas être grand clerc pour présager des réactions hostiles qui pourraient en découler. Mais qu'à cela ne tienne, la maison d'édition américaine Jewish Publication Society, active depuis 1888, vient de faire entrer la notion du genre au cœur des écritures testamentaires.
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Libération revient sur l'analyse. Dans le livre d'Isaïe, la formulation "Cherchez Dieu tant que vous pouvez, invoquez Dieu tant qu'il est proche", est préférée à "Cherchez le Seigneur tant qu'il se laisse trouver ; invoquez-le tant qu'il est proche."
Une adaptation critiquée
Dans les colonnes du quotidien français, Elias Sacks, le directeur de la maison d'édition confie : "Notre mission est de présenter à un large public le meilleur du savoir juif dans la rigueur intellectuelle." Selon eux, il n'est pas question de faire entrer ces textes sacrés dans une polémique très contemporaine, mais au contraire de rendre cette version "plus précise linguistiquement et historiquement, reflétant les avancées du savoir et les changements de la langue".
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La traduction faite de la Bible par cette maison d'édition faisait jusqu'à présent autorité. Mais cette nouvelle version ne fait pas l'unanimité au sein de la communauté juive. Publiée sur le site de référence Sefaria, bibliothèque en ligne de textes religieux juifs, cette Bible revue pousse certains à des commentaires acerbes : "Sefaria est une formidable ressource pour la Torah. Faire n'importe quoi avec les textes sacrés pour se conformer aux idées occidentales d'égalité est une faute inacceptable", se fend sur Twitter le directeur d'un journal ultra-orthodoxe.
Dieu au masculin, mais pas que...
Mais pour le directeur, cette nouvelle publication n'est qu'une adaptation au monde moderne. "Nos traductions aident des lecteurs et des communautés de toutes les tendances à rencontrer l'Ecriture telle qu'elle était comprise autrefois. C'est la mission qui nous a conduits à publier cette nouvelle version", argumente-t-il d'abord avant de poursuivre: "Quand d'anciennes traductions désignaient Dieu par "Lui" ou "Seigneur", elles ne signifiaient pas nécessairement que Dieu est un homme. Or en raison des changements de l'anglais, un tel langage heurte désormais beaucoup de lecteurs et de communautés précisément parce qu'il suggère cette masculinité de Dieu. Pour prendre en compte ces évolutions, notre traduction va, phrase après phrase, déterminer les moments où la traduction anglaise doit employer un langage non genre."
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Une réponse qui peine à convaincre. Toujours à Libération, Olivier Catel, membre de l'école biblique et archéologique de Jérusalem, remarque : "Le texte a été écrit à une époque où la société était patriarcale et où Dieu ne pouvait qu'être reçu comme un homme. Le fait que Dieu soit désigné au masculin dans la Bible oblige les traducteurs." Il pose ensuite la question : "Comment traduire elle Avinou Malkenou, une grande prière dont le titre peut être traduit par "Notre père, notre roi"?"
Voilà qui laisse de nombreuses questions en suspens. Mais in fine, seul l'usage de cette nouvelle version permettra de lui donner ou non une certaine légitimité.