
Voici le jour le plus meurtrier de l'Histoire... et il n'est pas lié à une guerre

C'était un mardi, tôt au matin dans la Chine de la dynastie Ming. Mis à part la menace des Mongols au Nord, l'Empire du Milieu profite alors d'une période de paix relative. Rien ne semblait donc indiquer que cette date allait être témoin d'un véritable cataclysme qui allait mener à la mort de centaines de milliers de personnes. C'est en effet ce 23 janvier 1556 (ou plutôt le 12/12 de l'an 34 de l'ère Jiajing, selon le calendrier local) qui restera gravé dans les livres d'Histoire comme l'un des jours les plus meurtriers de tous les temps, si pas le plus important. Car il y a encore quelques débats sur le sujet et d'autres dates concurrentes ont été proposées. Mais qu'importe le jour retenu, la cause de ces désastres est toujours la même: un tremblement de terre en Chine.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Ensevelis dans les montagnes
C'est dans le centre du pays que l'on trouve la faille du Shanxi, du nom de la province qui s'y trouve. En cet hiver 1556, ce rift entre en activité. Alors que tout est calme, la terre se met à trembler dans la province voisine, celle du Shaanxi. L'épicentre est situé à quelques dizaines de kilomètres à l'est de l'ancienne capitale, Xi'an (anciennement dénommée Chang'an). Des crevasses de 20 mètres de profondeur s'ouvrent et d'énormes glissements de terrain dévalent les pentes de cette région montagneuse.
Mais surtout, le principal danger pour les habitants, c'est qu'ils sont des millions à habiter dans des yaodong. Ce mot désigne des maisons troglodytes typiques de la région, notamment sur le plateau de Lœss tout proche. Ces habitations ont une histoire millénaire et ont l'avantage de rester frais en été et chauds en hiver. Il y a toutefois un revers à la médaille: ils sont vulnérables aux séismes. En 1556, le tremblement de terre atteint une magnitude d'environ 8 sur l'échelle de Richter. Beaucoup de yaodong n'y résisteront pas. Leur effondrement représentera la principale cause de mortalité ce jour-là.
Suite à ce séisme, des villes entières sont rayées de la carte. Dans certains comtés, près de 60% de la population est décédée. Selon les estimations, 100.000 personnes sont mortes sur le coup au grand minimum, mais le bilan pourrait être beaucoup plus lourd encore. Un nombre très important de Chinois ont tout perdu et sont morts de leurs blessures, de maladies, de faim, etc. Les registres impériaux notent qu'au total, près de 830.000 personnes ont perdu la vie à ce moment-là. Il faut dire que le tremblement de terre a été ressenti à travers une très grande partie de l'empire. Même des bâtiments à Pékin, Chengdu et Shanghai ont été endommagés, bien qu'ils soient situés très loin de l'épicentre.
En 1303: même région, même circonstances
Le désastre de 1556 aurait donc pu être en partie évité si les yaodong n'étaient pas si prisés. Pourtant, deux siècles plus tôt, un autre séisme aurait pu servir de mise en garde. Nous sommes cette fois-ci le 25 septembre 1303 vers 20 heures du soir, près de la ville de Linfen dans le Shanxi. Ici, même scénario: l'épicentre atteint une magnitude de 7,2 à 8 sur l'échelle de Richter, affectant ainsi toute la région. Près de la moitié de la population des villes voisines périt suites à ces secousses, les bâtiments étant parfois tous détruits. Encore une fois, les yaodong feront office de cimetière.
Les estimations sont encore plus difficiles à établir pour ce cataclysme de 1303. Cette époque est marquée par la désintégration de l'empire mongol, qui donne naissance à ce moment-là à la dynastie Yuan. Le bilan le jour même du séisme pourrait cela dit être encore pire qu'en 1556, avec 200.000-270.000 morts.
Le séisme qui marqua la fin du règne de Mao
Une troisième date, cette fois-ci beaucoup plus récente, pourrait aussi revendiquer le triste record du plus grand nombre de morts en 24 heures: le 28 juillet 1976. C'est encore une fois un tremblement de terre qui est mis en cause et le pays reste le même, mais on change de région. Direction le nord-est, et plus précisément la ville de Tangshan dans le Hebei, c'est-à-dire la province qui entoure les métropoles de Pékin et de Tianjin.
À 3h42 heure locale, en pleine nuit, un séisme de 7,6 sur l'échelle de Richter ébranle cette zone surpeuplée où habitent des millions de personnes. À 18h45, une réplique de 7 à 7,4 donne le coup de grâce. Les bâtiments ne respectent généralement pas les normes de sécurité sismique et à Tangshan, presque aucun n'a tenu le coup.
S'il pourrait paraître aisé d'établir un bilan humain pour une période si proche de nous, ce n'est en réalité pas si simple dans les faits. La Chine vit alors les derniers moments de la révolution culturelle qui ébranle alors le pays depuis une décennie, avec des millions de morts. La dictature communiste ne se montre pas totalement transparente et décompte officiellement plus de 240.000 morts. Ce chiffre pourrait cela dit être plus élevé et atteindre 300.000 morts, voire 655.000 selon le gouvernement nationaliste installé à Taïwan. Mao Zedong mourra quelques semaines plus tard, le 9 septembre, et la révolution culturelle prendra fin le 6 octobre.
D'autres séismes très meurtriers à travers le monde
Au cours de l'histoire, d'autres grands séismes ont ébranlé d'autres pays, avec des bilans humains qui rivalisent avec ceux cités jusqu'ici. C'est notamment le cas de celui de Sumatra, le 26 décembre 2004, qui a provoqué le tsunami qui reste encore gravé dans les mémoires aujourd'hui. Selon les décomptes les plus complets à ce jour, près de 228.000 personnes ont trouvé la mort ce jour-là, principalement à cause des vagues qui ont frappé les côtes de tout l'Océan Indien.
Encore plus proche de nous: le 12 janvier 2010, un tremblement de terre de 7 sur l'échelle de Richter se produit au sud-ouest de Port-au-Prince, à Haïti. Pas moins de 52 répliques s'en suivront, dévastant ainsi la capitale du pays et les environs. Le bilan exact est difficile à établir et va de 100.000 à 316.000 morts. Une étude de l'Université de Michigan est pour sa part parvenue un décompte de 160.000 victimes.
À une époque beaucoup plus reculée, le Moyen-Orient a lui aussi particulièrement souffert. C'était le cas le 11 octobre 1138 à Alep, dans le nord de l'actuelle Syrie, alors sous la domination de l'empire zengide d'origine turque. La région faisait l'objet de croisades opposant chrétiens et musulmans et les deux camps ont subi de plein fouet le séisme. Il est difficile d'émettre des certitudes mais près de 230.000 personnes auraient pu périr ce jour-là.
Enfin, le 22 décembre 856, c'est dans l'actuel Iran qu'a eu lieu un autre de ces grands désastres sismiques. Nous sommes ici près de Damghan, au nord-est du pays, dans ce qui était l'immense califat abbasside. Le tremblement de terre a eu lieu durant la nuit, au pied des monts Elbourz. Il aurait fait au moins 200.000 morts.