

Ce 23 juillet, les Espagnols sont invités à se rendre vers les bureaux de vote. À nouveau. Après la débâcle de son parti lors des élections régionales et municipales à la fin du mois du mai, le président du gouvernement Pedro Sanchez a, immédiatement, fixé une nouvelle date pour des élections législatives anticipées.
Une décision très rapide qui a surpris tout le monde, mais qui se comprend vu la lourde défaite de la gauche. Habituellement, le parti de Sanchez, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et Podemos, formation de gauche radicale et partenaire de coalition du PSOE, sortent vainqueurs de ces élections. Mais pas cette fois. Ce sont les partis les plus à droite qui ont eu les faveurs des votants, principalement le Parti populaire (PP) ainsi que Vox, formation d’extrême droite lancée il y a moins de 10 ans. L'actuel chef du gouvernement espère certainement que les résultats de mai ont créé un électrochoc, qui mènera les électeurs de gauche vers les urnes.
Pour ces élections législatives, un duel oppose donc deux blocs, celui du conservatisme avec le PP et Vox, d’un côté contre celui de la gauche avec le PSOE, qui devrait s’allier cette fois avec Sumar, le mouvement écologiste et féministe de Yolanda Diaz, ancienne ministre du Travail, qui rassemble une quinzaine de plus petits partis de gauche. Surtout, il s’agit d’une formation moins clivante que Podemos, dont les relations parfois tendues au sein de la coalition ont joué sur la popularité du gouvernement.
D’après El Païs, c’est le PP qui arriverait en tête des intentions de vote (32,9%), suivi par le PSOE (28,7%). Ils auront donc besoin de former une coalition pour obtenir la majorité. Les scores des autres partis seront alors essentiels. Et selon les derniers sondages, Sumar (13,7%) et Vox (13,5%) sont au coude-à-coude.
Alberto Nuñez Feijoo , le président du Parti populaire, a déclaré ne pas exclure une alliance avec Vox si cela est nécessaire, comme c’est déjà le cas à d’autres niveaux de pouvoirs.
Alberto Nunez Feijoo, la candidat du Parti Populaire. (@Belga Image)
Depuis les élections de mai, Vox est déjà présent dans toutes les assemblées régionales du pays et il l’était déjà au Congrès avec plus de 50 sièges depuis 2019. Crée il y a seulement 10 ans par des anciens du PP qui n’appréciaient pas les relations de leur parti avec les indépendantistes catalans, Vox est un parti avant tout nationaliste, qui a vu son succès croitre lorsque la Catalogne a voulu prendre son indépendance. Vox a alors su conquérir certains partisans d’une Espagne unie.
Le candidat Vox Santiago Abascal lors de son discours de fin de campagne ce 21 juillet. (@Belga Image)
Le programme du parti est ultraconservateur et son modèle est la famille catholique traditionnelle. «Vox est un parti climatosceptique, islamophobe, qui ne reconnaît pas l'existence des violences faites aux femmes», a expliqué la politologue Maria Elisa Alonso, enseignante à l'Université de Lorraine, à Franceinfo. Sans surprise, un de leurs axes de campagne est la criminalité, imputée aux migrants, que les élus veulent renvoyer dans leur pays d’origine. Pour la chercheuse, Vox s’inscrit dans la lignée des autres partis européens d’extrême droite qui gouvernent, comme la Hongrie de Viktor Orban ou l'Italie de Giorgia Meloni.
Le parti séduit aussi les anciens partisans du Franquisme. «Après la mort de Franco, ses partisans étaient toujours présents, mais ils n'avaient plus de moyens de s'exprimer», poursuit Maria Elisa Alonso. «Ils attendaient une force politique qui réponde à l'idéologie du franquisme, et c'est Vox». Le parti ne s’affiche pas ouvertement comme franquiste, mais maintient une certaine ambiguïté sur le sujet.
Si le PP s’associe à Vox, un scénario tout à fait probable, l’Espagne deviendrait donc le 6e pays européen dirigé, totalement ou en partie, par un parti d’extrême droite.
Il y a bien évidemment la Hongrie, menée par le Premier ministre Viktor Orban depuis 2010, et ses tristement célèbres mesures homophobes et anti-immigration. Ce samedi encore, lors de l’université d’été de Baile Tusnad, en Transylvanie roumaine, le dirigeant hongrois a déclaré que «l’UE rejette l’héritage chrétien et organise des échanges de populations à travers la migration», abordant aussi des sujets comme « l’offensive LGBT + de l’UE contre les nations européennes favorables à la famille» et des théories complotistes comme celles du grand remplacement.
Elle fait moins parler d’elle que la Hongrie, mais la Pologne est également dirigée par le parti ultraconservateur Droit et Justice (PiS), allié à la formation d’extrême droite Pologne solidaire (SP) depuis 2019. Dirigé par le Premier ministre Mateusz Morawiecki, qui en est à son second mandat, ce gouvernement s’est déjà fait remarquer pour ses mesures allant à l’encontre de la liberté de la presse ainsi que des projets de loi contre l’adoption par les couples homosexuels ou un durcissement des lois sur le blasphème. La Pologne est également un des rares alliés de la Hongrie dans l’UE sur le sujet des migrations.
Et depuis peu, l’Italie a rejoint ce petit club fermé en élisant Fratelli d’Italie, parti régulièrement qualifié de postfasciste, et Giorgia Meloni, à la tête du pays. Dernièrement, la Première ministre a invité tous les pays méditerranéens pour une conférence à Rome dans l’idée de négocier des accords pour stopper les arrivées de migrants.
Viktor Orban et Giorgia Meloni lors d'une réunion de l'OTAN. (@Belga Image)
Outre ces trois pays, l’extrême droite est aussi membre de coalitions gouvernementales ailleurs, même si un de ses élus ne dirige pas.
C’est le cas en Lettonie où le parti Alliance nationale, très anti-immigration, fait partie de la majorité depuis 2019. Plus récemment, la Finlande se trouve dans le même cas. Le Parti des Finlandais, formation qui défend un modèle identitaire de la société, est arrivé deuxième des élections législatives en avril et fait partie de la coalition menée par le Parti de la coalition nationale (centre droit), depuis juin, avec plusieurs postes ministériels pour ses élus.
Enfin, en Suède, le parti des Démocrates de Suède (SD), crée par des nationalistes et même quelques néonazis, ne fait pas partie du gouvernement, mais le soutient, et vote régulièrement leurs propositions de loi.
Sans parler de la montée de l’extrême droite, dans de nombreux autres pays, pas forcément éloignés de la Belgique. En France, tous les sondages sur les présidentielles de 2027 annoncent le Rassemblement national au second tour, et dans la majorité des cas, Marine Le Pen en tête. Aux Pays-Bas, le gouvernement vient de tomber à cause de désaccords autour de l’immigration, une situation en or pour les partis populistes et conservateurs, dont le Mouvement agriculteur–citoyen (BBB), vainqueur des dernières élections provinciales.
Et chez nous, tous les sondages de 2023 à propos des prochaines élections indiquent toujours que le Vlaams Belang sera le premier parti de Flandre.