
Les concours de beauté sont-ils devenus un miroir de l’évolution de la société ?

De stéréotype en stéréotype
Les concours de beauté sont des machines à produire et reproduire des stéréotypes de genre imposant des injonctions à la beauté physique de plus en plus contestées. Ces diktats sont dirigés vers les femmes à travers des compétitions nationales de miss (depuis 1928 pour la Belgique), mais les hommes ont eu tout le temps de développer leurs propres complexes grâce aux concours de culturistes qui projettent une certaine idée des canons de la beauté masculine. Le plus célèbre de ces challenges reste Mr. Olympia, créé en 1965, et remporté sept fois par Arnold Schwarzenegger; le plus vieux, Mister Univers, né en 1948 - remporté une fois par Arnold Schwarzenegger! Si la philosophie sexiste de ces compétitions a donné naissance à des déclinaisons critiquables (les concours de mini-miss destinés aux enfants), d’autres, plus récentes, ont aussi permis d’attirer l’attention sur des minorités souvent discriminées.
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En juillet, Rikkie Valerie Kollé, candidate trans, a été élue, pour la première fois, Miss Pays-Bas. Elle pourra participer à l’élection de Miss Univers, ouverte aux femmes trans depuis 2012. Avec leur narratif kitsch (épreuve du maillot, défilé sourire, look téléréalité), les concours de beauté sont-ils devenus un miroir de l’évolution de la société? Sans doute, même si en 2019 dans Le Point, Geneviève de Fontenay déclarait: “Une Miss France ne peut pas être un homme qui a changé de sexe! Ce n’est pas possible, c’est vraiment contre nature”.
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La lutte contre le validisme
L’un des combats le plus en phase avec notre époque est celui qui s’attaque au validisme, système de pensée et de normes privilégiant les personnes valides sur l’échiquier de la société. Pour illustrer le mouvement, le concours Miss Monde en fauteuil roulant s’est tenu pour la première fois à Varsovie en 2017. Cofondatrice de l’événement, Katarzyna Wojtaszek-Ginalska a expliqué qu’il s’agissait de “changer l’image des femmes en fauteuil roulant, pour qu’elles ne soient pas définies à travers cet attribut, mais aussi d’insister sur le fait que, dans certaines parties du monde, le fauteuil roulant reste un luxe”. Les candidates étaient retenues sur des critères d’engagement dans la lutte contre le validisme. La couronne est allée à la Bélarusse Alexandra Chichikova, 23 ans.

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La reconnaissance du tatouage
Grâce à sa dimension esthétique et la sagacité d’une communauté à l’origine de nombreux salons et conventions, le tatouage est l’un des domaines qui a le plus engendré de concours de beauté. Depuis les années 80, on ne compte plus les compétitions qui mettent en évidence cette branche du “body art” et luttent contre les préjugés inspirés par la culture du tatouage. Parmi celles-ci, la licence belge de Miss et Mister Tattoo dernièrement incarnée par Amber Lemey, élue Miss Tattoo Belgique en 2022 et Jeroen Simaeys, Mister Tattoo Belgique 2022.

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Le combat contre la grossophobie
Autre axe de combat pour plus de tolérance dans notre société: la lutte contre la grossophobie. Pour réagir aux injonctions de minceur imposées par les concours de beauté traditionnels, des comités ont mis sur pied des compétitions dont le premier but est d’alerter sur les discriminations dont sont victimes les personnes (et en particulier les femmes) aux formes rondes ou en surpoids. Miss Ronde France, Miss Plus Size Belgium, Miss Chubby…, certains de ces événements sont encadrés et soutenus par des nutritionnistes et des thérapeutes.

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La visibilité LGBT
Mister Gay Belgium, Mister Bear Belgium (dont la prochaine élection a lieu le 30 septembre à Bruxelles), International Mister Leather (dédié aux fétichistes du cuir), Mister Leather Belgium, Miss International Queen (célèbre concours pour femmes transgenres), Mr. et Miss LGBTQ… S’il y a une communauté qui s’est amusée à récupérer et à détourner les codes des concours de beauté, c’est la communauté LGBT. Souvent reliés à des associations caritatives, ces événements - organisés (presque) partout dans le monde - ont pour but d’augmenter la visibilité d’un discours qui, depuis la fin des années 60, prône la différence, la tolérance et l’inclusivité.

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La critique d’un système
Les compétitions de miss ont souvent été questionnées par le prisme de la comédie. Miss B, one-woman-show de Laurence Bibot créé en 1998, décrit la violence symbolique des concours de beauté (“Car il ne suffit pas d’être jolie, il faut être belle”). Il y a trois ans, Miss Revolution, le film avec Keira Knightley montre l’intervention du mouvement de libération des femmes (MLF) lors du concours de Miss Monde en 1970. La même année, Miss de Ruben Alves met en scène le rêve d’un jeune garçon de participer à l’élection de Miss France. En 2006, Little Miss Sunshine raconte l’odyssée d’une famille dont le plus jeune membre (7 ans) se rêve en reine de beauté.

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