
Les grands de la Silicon Valley voudraient créer une "ville idéale"... en plein désert californien

C'est une immense plaine où il n'y a que de l'herbe à perte de vue. Les arbres sont rares, contrairement aux éoliennes qui prennent toute la place. Mais à l'avenir, le paysage pourrait radicalement changer. C'est en effet là, dans l'arrière-pays du comté de Solano, en Californie, que naîtrait une nouvelle "méga-ville" voulue par plusieurs entrepreneurs de la Silicon Valley. Dernièrement, ceux-ci ont entrepris d'énormes efforts pour acheter les terrains tout en restant mystérieusement silencieux sur la teneur de leur projet. Un mutisme qui soulève des questions auprès de la population locale et des responsables politiques.
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Un projet XXL
Selon le New York Times, qui vient de publier un article sur le sujet, plus de 800 millions de dollars ont déjà été investi ces dernières années pour acheter les terrains nécessaires. Petit à petit et dans la plus grande discrétion, la compagnie devenue propriétaire de ces 22.000 hectares, connue sous le nom de Flannery Associates, a ainsi plus composer un véritable puzzle foncier sur un immense territoire.
Plusieurs hommes d'affaires importants seraient impliqués dans cette idée un peu folle d'après le quotidien américain. On y retrouve notamment l'ancien membre du conseil d'administration de Google Michael Moritz (qui est, accessoirement, l'homme le plus riche du Pays de Galles), le co-fondateur de LinkedIn Reid Hoffman, Marc Andreessen, Chris Dixon et d'autres. La chaîne de télévision ABC ajoute à cette liste le nom de la veuve de Steve Jobs, Laurene Powell Jobs. Au cœur du dispositif, une personne servirait de ciment à toute cette organisation: Jan Sramek, un ancien trader de Goldman Sachs.
Mais ça, ce ne serait que la première partie du plan. Ces pâturages, situés à près de 70 kilomètres au nord-est de San Francisco à vol d'oiseau, pourraient ainsi voir pousser des bâtiments un peu partout, comme le certifie le San Francisco Chronicle. L'objectif final serait de créer une "cité idéale" digne des idéaux de ces géants de la tech "avec des dizaines de milliers de nouvelles maisons, une grande ferme solaire, des vergers avec plus d’un million de nouveaux arbres et plus de 4 000 hectares de nouveaux parcs et d’espaces verts".
Une chimère?
Ce but, longtemps gardé secret, n'a été révélé qu'après de "premiers échanges tendus" entre ce groupe et la population locale. Le San Francisco Chronicle parle entre autres d'un éleveur qui aurait subi les "foudres" de cette compagnie après avoir refusé de vendre ses terres. Le groupe serait prêt à semer la zizanie dans les familles concernées pour arriver à ses fins. Flannery Associates se montre également capable de payer ces terrains à un prix bien plus élevé que le prix du marché. Leur détermination serait d'autant plus grande que les géants de la Silicon Valley manquent de place là où ils sont installés aujourd'hui, dans la surpeuplée baie de San Francisco.
Si ce projet est confirmé, il risque toutefois de répondre à de sérieuses questions. Le représentant démocrate de Californie, John Garamendi, se montre particulièrement circonspect. Il demande à ce que des précisions soient faites sur les personnes impliquées, sur leurs ressources en argent, et sur leurs intentions exactes. Puis il pose une série de questions pratiques sur les transports, l'écosystème, etc. Enfin, il se demande ce que pourrait devenir une base militaire de l'Air Force située à proximité immédiate du site. Aujourd'hui paumée au milieu des champs, quel sera son avenir si des gratte-ciel sont construits à ses portes? En l'état, John Garamendi ne croit pas à ce projet.
De nombreux points d'interrogation persistent donc. Les autorités sont encore dans le flou, alors que ce sont elles qui devront éventuellement donner le feu vert, notamment du point de vue des règles environnementales. Interrogée par le New York Times, la mairesse de la ville voisine de Fairfield, Catherine Moy, se montre sceptique. Elle pointe "l'incapacité des infrastructures" locales à assurer la viabilité de cette "mega city", ne serait-ce au vu de la multiplication des "sécheresses et des incendies" dans la région. "Tout cela ressemble à une sacrée chimère", soupire-t-elle.