
Chérie je t’aime…

D’abord parce que j’ai pieusement écouté Ma Majesté: "La famille royale doit, en toutes circonstances, donner l'exemple", a-t-elle déclaré la main sur le cœur et l’œil humide lors de son allocution de Nouvel An devant les Corps constitués de l’Etat. En toutes circonstances…
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Quand je pense qu’il y a 17 ans et 14 ans, je suis allé à la commune déclarer et reconnaître mes deux enfants! Qu’est-ce qui m’a pris? Pour bien suivre le royal exemple (en toutes circonstances), il faudrait peut-être que je pense à renier une de mes Louloutes. Mais j’hésite un peu…
Pour vous dire, rien qu’à y penser, ça me retourne les boyaux. Donc non, tiens, pas envie. Certes un peu gêné de ne pas imiter mon roi, je me forcerai à vivre comme ça, dans la digression. Je ferai avec, en toutes circonstances. Tant pis.
Mais il n’y a pas que ça. Saint Bart d’Anvers a décrété que le hip-hop était "criminogène". Comme le rap, il "incite les jeunes à la violence". Un peu comme le rock dans les années 60, si on veut. Ou le punk à la fin des seventies.
Ou la new wave dans les années 80. Etc. Dangereux, tout ça. Raison pour laquelle Bonabart veut très logiquement laver sa ville, ses rues et ses parcs de ces funestes groupes hip-hop qui donnent le mauvais exemple à la jeunesse anversoise.
Et là, je commence à rougir de honte. Parce que figurez-vous que mes Louloutes font toutes les deux de la danse hip-hop avec leurs copines. Nooon!? Si. Et chaque semaine, en plus!
Pire: je leur paie des cours. Donc, non seulement je fais preuve d’un terrible laxisme paternel, mais je paie pour en faire de futures délinquantes, voire des criminelles! C’est du joli.
Et mon inconscience ne s’arrête pas là. Elle est citoyenne, aussi. Parce qu’il m’arrive d’enfiler un t-shirt avec écrit dessus: "Chérie je t’aime, chérie je t’adore!" (Mon amoureuse aime bien.)
Mais étant donné que "chérie" est écrit au féminin, j’affiche ostensiblement mon hétérosexualité. Et ça, ce n’est pas bien, d’après Bart. Surtout si je veux devenir fonctionnaire à Anvers. Je sais, ce n’est pas pour tout de suite, mais on disait…
Ce week-end, le nouveau bourgmestre anversois et penseur de la Flandre a tranché: les gays qui travaillent aux guichets de sa ville ne pourront plus porter des "tee-shirts arc-en-ciel". Et pourquoi donc? "Parce qu’un homosexuel indique clairement, par cette symbolique, à quelle obédience il appartient." Et c’est mal, comme le foulard.
Une question de "neutralité", a précisé le président de la N-VA.Donc, c’est promis: vu que je vais travailler à la ville d’Anvers (on disait…), vu que je suis hétéro, je ne mettrai donc jamais mon tee-shirt "Chérie je t’aime…", qui indiquerait clairement mon "obédience" hétéro.
Et alors, Bart, juste pour que je ne commette aucun impair question "obédiences" interdites… Si j’ai un tee-shirt à l’effigie d’Abba ou de Dalida? Je peux pas, OK. Et Queen? Je peux, mais sans Freddie Mercury? OK. Et alors le foot, c’est aussi une "obédience"?
Parce que j’ai un maillot du Standard, donc ça montre que je ne suis pas supporter du Beerschot. Et ça, à Anvers, je ne sais pas si c’est encore permis. Et puis le rouge, ça pourrait faire socialo.
Interdit? OK, normal. Comme le bleu, l’orange ou le vert. OK. Et je mets quoi? Que du jaune et noir. OK.