

Selon la police: 34.000. Selon les organisateurs: 40.000. Allez, on fait pichepotte: disons 37.000 personnes. Ce qui fait 9.000 de plus qu’à Anderlecht-Standard. Et 343.000 de moins qu’au Salon de l’auto.
C’est très bien: les cinq jeunes cyber-organisateurs de la Manif de la honte ont réussi. Bravo, les garçons. Mais comme on dit chez moi: et kwè? Ou comme on dit à Bruxelles, qu’est-ce qu’on fait en bas de ça? C’était quoi, encore, ce que vous réclamiez? Ah oui: un gouvernement. Mais un gouvernement qui fait quoi et comment et avec qui? "Un gouvernement où il y a de la solidarité", disait Félix De Clerck (photo), organisateur et fils de son papa ministre CD&V de la Justice, Stefaan De Clerck.
"On veut des politiques qui décident. Un moment, il faut avoir les couilles de sauter!" Oui, Félix. Mais sauter sur quoi? Moi aussi, je kiffe la solidarité. Mais tu vois, la solidarité, ce n’est pas un mot sympa ou un hochet qu’on sort pour une manif du dimanche. C’est du concret, la solidarité. Par exemple, c’est refuser qu’un enfant flamand vaille plus d’argent (en allocations familiales) qu’un enfant francophone.
C’est refuser que l’accès à la Sécurité sociale varie d’un poil de quéquette de mouche selon qu’on vit au nord, au centre ou au sud. C’est refuser qu'il y ait une concurrence fiscale entre les Régions. C’est refuser qu’une région, Bruxelles, soit pillée et que son juste financement soit soumis à un chantage (flamand).
C’est admettre que des plus riches aident des plus pauvres, où qu’ils soient. C’est admettre qu’une minorité de 80.000 néerlandophones soient surreprésentés au Parlement et au gouvernement bruxellois, mais ne pas admettre que 130.000 francophones de la périphérie, eux, n’aient plus droit à rien. C’est refuser que 80 ou 90 % de citoyens francophones des communes à facilités soient emmerdés par des ministres flamands de l’Intérieur à chaque fois qu’ils veulent obtenir un document administratif dans leur langue.
Bref, c’est mettre l’intérêt de TOUS les citoyens au-dessus de tout. C’est ça, Félix, la solidarité qui soude un pays: le bien commun.
Or il y avait un gros souci, dimanche à votre manif. On ne le dit pas trop pour ne pas casser l’ambiance, mais c’était comme d’hab: elle n’était composée que de 20 % de gens du Nord. Si je reprends ma pichepotte de 37.000, ça faisait donc 7.400 Flamands…
Contre 785.000 voix de préférence à Bart De Wever. Et deux millions et demi de Flamands qui, le 13 juin, ont voté séparatisme ou confédéralisme ou égoïsme financier ultralibéral. Tous ces gens, tu vois Félix, j’ai comme l’impression qu’ils veulent tout, sauf de la solidarité. Mais ce n’est pas certain!
Alors j’ai une idée: tu organises une autre grande manif, mais en Flandre uniquement. Juste pour voir combien de Flamands réclameront de la solidarité. Tu fais ça à Anvers, par exemple, là où la N-VA et le Vlaams Belang tapent dans les 50 %.
Ca, tu vois Félix, ce serait vraiment avoir des c… Ou pas. Et alors au passage, est-ce que tu veux bien donner une grosse fessée à papa? Je dis ça parce que dimanche, pendant que tu manifestais, ton paternel disait ceci à la télé: "Le CD&V continuera de suivre la N-VA". Et lundi, son parti y allait d’un joli communiqué sur sa vision de la manif: "C’est la preuve qu’il faut un accord communautaire, donc scinder BHV". C’est juste très con.