La deuxième vague ravive le racisme anti-asiatique

Des deux côtés de l’Atlantique, les personnes d’origine asiatique sont de nouveau prises pour cible par des attaques racistes. Mais selon les pays, les autorités sont plus ou moins réactives.

@BelgaImage

L’affaire a fait grand bruit en France. Le 28 octobre, quelques minutes après l’annonce d’un reconfinement en France, un message incite sur les réseaux sociaux à «agresser chaque chinois croisé dans la rue» en Île-de-France. Stigmatisés à cause de la provenance du coronavirus, les personnes d’origine asiatique ne tardent pas à en ressentir les effets. En deux jours, l'Association des Jeunes Chinois de France (AJCF) constate un déferlement de signalements pour des appels à la violence. Jeudi dernier, trois hommes ont été condamnés pour une trentaine d’agressions, toujours envers des membres de la communauté asiatique. Et il ne s’agit ici que d’un exemple. Ces derniers jours, que ce soit en France, aux États-Unis ou au Canada, le même phénomène se répète et s’intensifie avec l’arrivée de la deuxième vague de Covid-19.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Un phénomène difficilement visible?

En janvier, la peur du coronavirus avait déjà provoqué une flambée raciste. Depuis, la maladie s’est étendue au monde entier. Et si l’épidémie est aujourd’hui contrôlée en Chine, cela n’a pas suffi à apaiser cette vague de xénophobie. Même avant le reconfinement, la France était déjà témoin de la persistance inquiétante de ce mouvement qui touche non seulement les personnes d’origine chinoise mais aussi des pays voisins. C’est par exemple le cas d’un Français d’origine coréenne qui a confié dans une vidéo qu’avant la fermeture des bars à Paris, il avait été agressé physiquement ainsi que deux de ses amis.

En Belgique, le MRAX (Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie) a déjà reçu plus de signalements concernant du racisme anti-asiatique en 2020 qu’en 2019. «Mais pour l’instant, d’après nos données, il semble que la deuxième vague n’ait pas aggravé la situation», confie la directrice, Esther Kouablan. «Je dis bien "il semble" parce que cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’actes de racisme», ajoute-elle, «surtout qu’il s’agit d’une communauté assez discrète. Et tant que le phénomène n’est pas apparent, c’est difficile de juger de la situation».

L’affaire devient politique dans l’Hexagone

En France par contre, le renforcement du climat de haine est manifeste, comme a pu le constater France Bleu. «Il y a des enfants qui se font harceler à l'école, des parents d'élèves, c'est très grave», raconte ainsi un représentant de commerces asiatiques à Paris. «Quand je dois prendre les transports, ça me traverse l'esprit : est-ce que tu ne prendrais pas un Uber parce que tu as juste peur de sortir de chez toi, prendre le métro, te faire potentiellement agresser et que personne ne bouge?», ajoute une femme.

L’affaire est devenue si sérieuse qu’elle a interpellé l’Assemblée nationale. Le 5 novembre, «Libération» publie une tribune signée par plus de 100 députés de tous les partis (sauf du PS et du Rassemblement national) qui appellent à une réaction forte pour «soutenir nos compatriotes d’origine asiatique». «Il nous faut surmonter collectivement cette résignation générale», disent-ils en proposant plusieurs mesures comme la sensibilisation à l’école.

L’Amérique du Nord touchée de plein fouet

Mais si ce racisme interpelle le parti au pouvoir en France, c’est loin d’être le cas aux États-Unis. Là-bas, Donald Trump ne cesse de mettre de l’huile sur le feu en parlant du «virus chinois». Il a de plus été vu avec une copie de son discours où il a personnellement tenu à ajouter cette formulation qu’il n’était pas censé dire au départ. Interrogé en conférence de presse par une journaliste à ce sujet, celui-ci a déclaré ne pas voir quel pouvait être le problème avec cela.

Pourtant, cette formule parle à un certain nombre d’Américains. Début novembre, CNN relaye par exemple l’appel d’une journaliste américaine d’origine coréenne, Amara Walker, qui a été frappée par le nombre d’insultes sur les Asiatiques dont elle était victime en une heure de temps. Selon elle, si ce racisme existait déjà avant, cela n’avait jamais été à ce point. La chaîne californienne ABC 7 rapporte le même phénomène. «Ils m’ont dit que je devrais mourir parce que j’avais causé l’épidémie», raconte une autre journaliste. «Ou alors ils me demandent pourquoi j’aurais le droit de parler de ce sujet alors que c’est moi qui en serait à l’origine», ajoute-elle.

Au Canada aussi la tension est palpable. «Le Journal de Montréal» a ainsi rapporté le 31 octobre que la communauté chinoise de la métropole québécoise s’inquiétait «d’une hausse des actes de discrimination en raison du Covid-19». Pour apaiser la tension, celle-ci a distribué 5.000 biscuits avec des messages de sensibilisation comme «La discrimination fait mal, la solidarité guérit». Mais contrairement à l’administration Trump, le gouvernement Trudeau se dit conscient de la gravité de la situation. Déjà en mai, le Premier ministre avait fustigé des agressions «inacceptables» commises contre les Canadiens d’origine asiatique.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité