
Les hôpitaux sortent de l’urgence: quoi de neuf pour les patients non-Covid?

Ce samedi a été synonyme de bouffée d’air frais pour les hôpitaux. Enfin ceux-ci ont le feu vert du comité interfédéral «Hospital & Transport Surge Capacity» pour sortir de la phase d’alerte maximale de la pandémie, à savoir celle 2B. D’après la nouvelle circulaire, les services hospitaliers vont pouvoir libérer des lits auparavant destinés aux cas de Covid-19 pour les réattribuer à des patients non-Covid. Ces derniers, mis de côté pendant le mois de novembre, vont donc pouvoir reprendre le chemin de l’hôpital. Sauf que cela ne va pas sans poser quelques dilemmes aux professionnels de santé.
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Une nouvelle attendue avec impatience
Le premier changement est d’ordre numérique. En phase 2B, tous les lits de soins intensifs (UCI), à savoir 2.000, étaient dédiés au Covid-19. Maintenant, seulement 1.200 de ces installations sont réservées à cette maladie puisque l’on compte aujourd’hui près de 1.000 patients Covid en UCI, et ce chiffre continue de décroître. Quant aux services réguliers, on passe de 8.000 lits dédiés aux patients Covid-19 en phase 2B à 4.800 en 2A. Un chiffre suffisant pour soigner les 4.000 malades du coronavirus actuellement hospitalisés. Cette modification libère donc dans ces deux catégories 40% des lits auparavant réservés.
Du côté de l’Absym (Association belge des syndicats médicaux), on se réjouit de cette décision. Depuis des semaines, seuls des cas considérés comme urgents et nécessaires étaient pris en charge, à savoir par exemple des accidents avec plaie ouverte, ou une chimiothérapie. Il y a deux jours, l’Absym, estimant qu’il y avait une «grande disponibilité» du personnel hospitalier, a justement demandé à reprendre en charge les autres personnes. «Certes, ces patients n'ont pas de pronostic vital engagé à court ou moyen terme. Ils ont cependant des souffrances physiques ou psychiques non soulagées actuellement», insistait-elle dans une lettre publiée via Belga.
Cette situation était difficilement tenable, comme nous l’explique Gilbert Bejjani, secrétaire général de l’Absym. «On a eu des débats incessants sur ce qui relevait des soins nécessaires ou pas. Chaque conseil scientifique a été invité à se prononcer sur le sujet. On a notamment entendu que le nécessaire, c’était ce qui ne pouvait être remis à plus tard. Mais je pense par exemple au cas d’un étudiant qui a besoin d’un traitement orthodontique très lourd alors que les examens approchaient. Il ne comprenait pas qu’on lui dise que son opération était considérée comme non-nécessaire. Et cette situation, elle a été vécue par plein de gens. Je pense qu’il a été non-éthique d’avoir des choix linéaires imposés comme ça», explique-t-il. Heureusement, aujourd’hui, cela va enfin changer.
Une sélection des patients différente mais toujours présente
Avec la phase 2A, des cas comme celui de cet étudiant vont par exemple être traités et ce dès début décembre. «Ce qui reprend maintenant, c’est l’habituel électif», nous précise Gilbert Bejjani. «Par exemple, une personne qui a besoin d’une prothèse de la hanche, elle peut la faire. Concrètement, on va pouvoir réaccueillir des personnes pour qui il n’y avait pas de risque pour la vie si on retardait l’opération d’une semaine ou deux».
C’est une bonne nouvelle mais cela ne va pas pour autant faire cesser les débats entre médecins. Car si avant il fallait déterminer quel cas était urgent et/ou nécessaire, il faut désormais savoir quels sont ceux les plus importants à traiter. Un dilemme complexe qui promet de grandes discussions. «On va devoir notamment prendre en compte l’intensité de la douleur et le contexte de la personne, par exemple si elle est seule ou pas, etc. Si les soins intensifs le permettent et en fonction des ressources disponibles, on doit à nouveau s’occuper de tout cela», ajoute le secrétaire général de l’Absym.
Des hôpitaux inégaux?
Mais comme le constate ce dernier, ce problème va se poser différemment selon les hôpitaux. Certains sont en effet moins encombrés que d’autres et cela va forcément se faire ressentir par la suite. Gilbert Bejjani rappelle notamment qu’au cours des semaines qui ont précédé, «certains hôpitaux criaient au loup alors qu’il n’y en avait pas, et cela pas seulement en Flandre», où le cas de l’hôpital d’Alost refusant des patients Covid de Bruxelles a créé la polémique.
Maintenant, il va falloir voir comment cela va se répercuter au cours de ce déconfinement hospitalier. À Erasme par exemple, on assure que l’on fait le maximum. «On essaie de soigner tout le monde dans la mesure du possible, au fur et à mesure que les lits Covid se vident. En soin intensif, c’est plus compliqué parce que le nombre de places est limité et parce que les patients restent plusieurs semaines, mais dans les unités de soins classiques, l’hôpital tend à revenir vers la normale. Mais c’est clair qu’on est toujours à flux tendu et on va le rester puisqu’on rattrape le retard», explique-t-on à l’hôpital Erasme.
Pour avoir une réelle amélioration, il va aussi falloir attendre un passage en phase 1B (1000 lits UCI et 4000 normaux réservés au Covid-19) voire 1A (respectivement 500 et 2.000). Mais pour cela, il va falloir scruter la poursuite de la décrue de l’épidémie. Or les épidémiologistes craignent des rebonds liés au déconfinement. Yves Coppieters estime par exemple qu’un premier rebond lié au retour des écoles après Toussaint devrait arriver d’ici quelques jours. Un second lié aux commerces devrait se faire sentir mi-décembre. Reste à voir si l’ampleur de ces reprises ne mettront pas en péril les chances des autres patients de revenir à l’hôpital. En l’état des choses, il est déjà question d’un passage en phase 1B dans les provinces avec moins de 50% d’occupation des lits Covid UCI.