
Les effets étonnants de la crise sur les enfants: sédentarité, myopie, anorexie...

Comment la jeunesse est-elle affectée par la crise sanitaire? Depuis presque un an, c’est la question qui hante les pédiatres. Aujourd’hui, les dernières études confirment toujours plus leurs craintes. Même lorsque les écoles sont ouvertes, les enfants sont les victimes collatérales d’autres mesures sanitaires. Les recherches montrent ainsi que la motricité a incroyablement baissé et que les jeunes myopes sont toujours plus nombreux. Le stress est parfois tel que certains finissent à l’hôpital dans un état psychologique déplorable. Mais les études montrent aussi que les jeunes ne sont pas tous sur un même pied d’égalité. Certains s’en sortent beaucoup mieux que d’autres, voire se sentent bien malgré ce climat agité. Des différences intimement liées au cadre dans lequel ils évoluent.
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Une explosion de la sédentarité
Les enquêtes ont tout d’abord révélé une augmentation frappante de la sédentarisation. C’est le cas du Report Card en France qui montre que pendant la première vague, seuls 4,8% des 5-11 ans et 0,6% des adolescents ont atteint la recommandation de 60 minutes d’activité physique (modérée et/ou intense) par jour. Avant la crise, 28 % des garçons et 18 % des filles de 6 à 17 ans les atteignaient. Logiquement, les trois quarts des jeunes ont ainsi passé plus de temps assis qu’auparavant, avec plus de sept heures par jour dans cette position. En parallèle, le temps devant les écrans a explosé: +62% chez les enfants et +69 chez les ados. Aujourd’hui, 93% des jeunes dépassent largement la limite de deux heures par jour, avec une moyenne (potentiellement sous-estimée) de quatre heures.
Mais ce que montre aussi cette étude, c’est que ces augmentations sont directement en lien avec l’environnement. L’impact du confinement sur les jeunes a ainsi été plus ou moins importants en fonction de leur situation familiale et leur type de domicile (appartement ou maison ; milieu urbain ou rural).
L’influence de la pauvreté
Ces différences liées au contexte sont précisées par une enquête de l’Institut national d'études démographiques (Ined) qui montrent que les familles les plus modestes cumulent les facteurs aggravants. «Hors confinement, la régulation du temps d’écran est plus stricte dans les familles aisées, qui font plus confiance à d’autres activités (sports, jeux, livres, pratiques artistiques…) pour distraire et éveiller les enfants. […] Et la probabilité de passer plus de temps sur les écrans augmente si on habite dans un petit logement», confient deux chercheurs de l’Ined à 20 Minutes. Conséquence: les enfants d’ouvriers et d’employés ont passé respectivement 2,7 et 2 fois plus de temps face aux écrans que ceux de cadres pendant la crise.
L’Ined a également remarqué que la situation est pire chez les jeunes dont les parents étaient au chômage ou lorsque leur situation financière s’était dégradée en 2020. «Les conditions d’habitat ont aussi été déterminantes: les familles habitant dans de petits logements sans balcon ont davantage trinqué, d’où des conflits plus fréquents», notent les scientifiques.
Si ces jeunes combinent temps d’écran excessif, dérèglement du rythme quotidien, logement défavorable et tensions économiques, l’Ined constate les pires pathologies. C’est alors qu’apparaissent altération du sommeil, difficultés émotionnelles, anxiété, isolement et impulsivité.
Quand la crise se reflète sur le physique et le mental des enfants
Dans un tel contexte, il n’est donc pas étonnant de voir certains enfants littéralement sombrer. Autant en France qu’en Belgique, les hôpitaux ont vu le nombre de troubles psychologiques et alimentaires exploser. Certains jeunes grossissent, d’autres maigrissent de façon inquiétante. La Libre a rapporté par exemple hier que l’UZ Brussel faisait face à une «augmentation vertigineuse du nombre d'enfants souffrant d'anorexie mentale sévère». La situation serait particulièrement critique chez les 10-15 ans. Un problème d’autant plus difficile à gérer alors que les capacités d’accueil des centres hospitaliers sont insuffisantes, malgré des efforts pour les augmenter.
Plus globalement, c’est toute la santé psychologique des enfants qui pâtit du contexte sanitaire. Au Royaume-Uni, l’agence de santé publique NHS a remarqué une forte augmentation des enfants avec problèmes mentaux entre 2017 et 2020. Chez les garçons, de 11% d’enfants concernés, on est passé à 15% chez les 11-16 ans et à 18% entre 5-10 ans. Chez les filles, les 5-10 ans sont passés de 7% à 11% et les 11-16 de 14% à 20%.
Plus frappant encore: une étude publiée dans la revue médicale JAMA Ophtalmology a remarqué un triplement du nombre d’enfants myopes de 6 ans pendant la crise dans la ville de Feicheng, au sud de Pékin. Un effet qui s’étend jusqu’à ceux âgés de 9 ans. En Europe, aucune enquête similaire n’a été faite, mais cela n’étonne pas Abdelhakim Youssfi, ophtalmologue pédiatrique à l’hôpital Erasme, interrogé par la RTBF. Lui et ses collègues parlent même d’une «épidémie» de myopie. Un constat qui est d’après le docteur dû au temps passé à la maison, devant un écran plutôt qu’à jouer à l’extérieur.
En quête de solutions pour limiter la casse
Tous ces résultats inquiètent évidemment les pédiatres qui rivalisent de recommandations pour éviter un maximum les dégâts. Tout d’abord, il est important que les jeunes aient des activités physiques, et ce d’autant plus que l’enfance est une période cruciale pour le développement du cerveau et de la motricité. Cela ne signifie pas qu’il faille arrêter les écrans, tant que cela est limité. Le docteur Dieter Declercq, de l’Université du Kent, rappelle même à la presse anglaise que les jeux-vidéo, notamment ceux multi-joueurs, représentent «un moyen important pour les adolescents de socialiser avec leurs amis», et ce d’autant plus pendant le confinement.
Il faut aussi différencier les enfants selon leur âge. Célia Levavasseur, pédiatre au Centre Hospitalier du Belvédère, rappelle par exemple sur France Bleu que la crise sanitaire est même bénéfique pour les bébés qui ont pu profiter d’une présence accrue de leurs parents, ce qui est essentiel pour eux. Cependant, à partir de 18 mois, il faut trouver un moyen pour que l’enfant ait des interactions avec d’autres personnes (avec des rencontres, des jeux, etc.). Il ne faudrait cela dit pas s’inquiéter de l’impact des masques sur le développement du langage. «Les enfants s'adaptent de façon incroyable: ils regardent les yeux, écoutent la voix et se développent tout à fait normalement», remarque-t-elle. Célia Levavasseur s’inquiète plus de l’augmentation des cas de violences et de maltraitance envers les jeunes constatée depuis un an, surtout chez les familles en difficulté.
Enfin, les parents sont invités à faire attention aux changements de comportement de leurs enfants (s’ils deviennent renfermés ou irritables, s’ils ont du mal à dormir, s’ils se plaignent de douleurs quelconques, etc.). Dans ces cas-là, une aide professionnelle peut s’avérer utile pour éviter que la situation n’empire.