Masques Avrox potentiellement toxiques: qu’en est-il des autres marques?

Un rapport confidentiel de Sciensano révèle que les masques distribués par le gouvernement belge seraient dangereux pour la santé. Une menace assez sérieuse pour que ceux-ci soient retirés du marché.

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L’État s’est-il fait avoir en achetant 15 millions de masques à Avrox? La question se posait déjà avant au vu d’éléments suspects sur leur température de lavage (établie un temps à 30°C et non 60°C) et sur les liens du patron d’Avrox avec des sociétés off-shores. Et voilà que ce mardi, la RTBF a révélé que l’institut de santé publique, Sciensano, a détecté dans ces masques des nanoparticules d’argent et de dioxyde de titane. Or si elles sont inhalées, il y a un risque pour les voies respiratoires. Une hypothèse qui doit encore être établie mais qui interpelle, surtout si cela s’avère vrai et que d’autres masques en utilisent.

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Des craintes plusieurs fois soulevées mais encore en suspens

Tout d’abord, que sont les composants ici incriminés? Les nanoparticules d’argent sont des biocides. Autrement dit, il s’agit d’une substance destinée à neutraliser des organismes nuisibles comme des virus ou des bactéries. Cette propriété amène les industriels à les utiliser dans le textile (pour les chaussettes notamment), les sprays, les pansements… Quant aux nanoparticules de dioxyde de titane, elles servent uniquement à blanchir le tissu.

Il n’y aurait pas vraiment ici de problème si ces composés ne risquaient pas d’être inhalés. Or c’est justement la crainte de certains toxicologues. On pourrait en effet imaginer qu’au fil des lavages, le tissu se dégrade, laissant la possibilité de voir ces nanoparticules finir dans les voies respiratoires puis dans le sang, avec une inflammation pulmonaire à la clé. Une possibilité qui préoccupe Dominique Lison, toxicologue à l’UCLouvain, ainsi que son collègue Alfred Bernard, lui aussi de l’UCLouvain, même si ce dernier précise à la RTBF qu’il s’agit «de risques peu documentés et qui concernent des expositions chroniques par inhalation». De son côté, Sciensano estime dans un communiqué que «les résultats actuels ne permettent pas d’estimer si ces nanoparticules sont effectivement libérées des masques et dans quelle mesure les utilisateurs y sont exposés».

L’étude préliminaire de Sciensano ne représente cela dit pas le premier signal d’alarme. En juin dernier, les organisations sectorielles Creamoda, Febelsafe et FBT avertissaient déjà sur la présence «controversée» de nanoparticules d’argent dans les masques d’Avrox. Selon elles, 60% des particules d'argent sont déjà libérées après 10 lavages et elles disparaissent complètement après deux ans. Or, ces substances seraient «si petites qu'elles peuvent pénétrer dans des parties du corps et des cellules où elles n'ont normalement pas leur place», disaient-elles. À l’époque, Avrox avait riposté en affirmant que ses masques ne contenaient pas de nanoparticules, qualifiant l’affirmation des organisations sectorielles de «calomnie» passible de poursuites judiciaires. La Défense avait elle aussi soutenu Avrox, dont elle estimait que les masques commandés répondaient bien aux exigences sanitaires européennes.

Avrox, un cas isolé?

Pour l’instant, il est donc impossible de trancher sur la toxicité réelle de ces composés en cas d’inhalation. Mais ce mercredi, la menace a été estimée assez sérieuse pour que les masques Avrox soient retirés du marché. Dès lors, la question se pose de savoir si d’autres masques pourraient également être concernés.

Mais pour Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral Covid-19, de toute évidence, l’utilisation de ces nanoparticules dans les masques serait plus spécifique à Avrox et non une généralité. «À mon avis, il n’y a pas d’autres masques qui utiliseraient ça puisque logiquement, l’utilisation de ces nanoparticules fait augmenter le prix», explique-t-il. Yves Van Laethem précise aussi qu’il n’y a «pas de réglementation à propos des nanoparticules d’argent» qui obligeraient les fabricants à en utiliser dans leurs masques. Il n’y a donc pas d’incitant à utiliser ces substances qui ne s’avèrent pas nécessaires. «Et je ne vois pas une mamie fabriquer des masques avec du sel d’argent», dit-il en souriant.

Du côté de Test-Achats, le ton est relativement différent. Dans un communiqué, l'association de consommateurs demande aux autorités "le retrait d’autres masques potentiellement nocifs pour la santé des citoyens". Test-Achats souligne en ce sens que "de nombreux autres masques contiennent des (nano)particules d’argent tels que certains masques d’AS Adventure, ThinkPink, fruugo, Di, etc.". Dès lors, faudrait-il traiter tous les masques avec des nanoparticules d'argent comme ceux d'Avrox qui ont été retirés du marché? C'est la question que pose Test-Achats, qui interpelle le gouvernement pour avoir plus de précisions à ce propos.

Bien utiliser son masque pour n’avoir aucun problème

Cette affaire n’est en tout cas pas pour rassurer l’opinion publique sur l’utilisation des masques. Encore faut-il rappeler que les études scientifiques ont fini par s’accorder sur l’efficacité des masques pour lutter contre la pandémie de Covid-19, après quelques hésitations au début de la crise sanitaire. Et contrairement à ce qu’affirment des rumeurs sur les réseaux sociaux, les masques, utilisés correctement, ne provoquent ni une chute du taux d’oxygène dans le sang (c’est-à-dire une hypoxie), ni d’intoxications au CO², ni de proliférations de microbes, ni d’infection des bronches. L’allergie aux masques est «exceptionnelle» selon Madeleine Epstein, allergologue à Paris, interrogée par Sciences & Avenir, qui précise aussi que les problèmes de peau liés à leur utilisation prolongée sont peu courants.

Quant aux masques commandés à Avrox, 3,5 millions étaient encore à distribuer dans les pharmacies avant leur retrait du marché.

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