
Covid-19 : le cri de détresse des aide-ménagères

« On a eu du mal à avoir des gants et des masques. J’ai eu le corona. On a fait pression sur moi pour que je retourne travailler, y compris chez les personnes âgées. C’était horrible », témoigne Loretta. « C’est compliqué avec tout le monde à la maison de nettoyer. C’est le stress. Tous les clients ne sont pas honnêtes. Certains ne disent pas qu’ils sont en quarantaine », souffle Virginie. « Le chômage corona c’est 70% d’un tout petit salaire. Ce n’est pas la joie. Alors on travaille. On doit tourner autour des enfants qui sont sans masque et nous on étouffe sous le nôtre », ajoute Laetitia.
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Les témoignages s’accumulent, terribles et désespérants. La crise sanitaire a amplifié de manière dramatique les mauvaises conditions de travail des aides ménagères, leur grande solitude face à des clients trop souvent peu respectueux de leur santé. Depuis le début de la crise, elles ont été déclarées comme essentielles sans que nul ne s’inquiète pour elles. Dans un livre noir qui compile des dizaines de récits recueillis dans un premier temps en ligne sur le site www.parolesdaidesmenageres.be , les témoignages s’accumulent montrant que leurs employeurs les ont trop souvent envoyées travailler sans moyens ni protection. La Centrale Générale – FGTB a décidé de publier ces témoignages « bruts » dans un livre noir, « Paroles d’aides-ménagères ».
Pour que la maison sente bon
En période covid-19, elles sont amenées à côtoyer des dizaines de personnes, passant d'un foyer à un autre, à cause du télé-travail. Plus d’une est tombée malade suite à un contact avec un client qui avait « omis » de prévenir qu’il avait des symptômes. « Les gens n’ont pas conscience du fait qu’elles sont précieuses. On oublie tout ce que font ces personnes pour que votre maison sente bon et soit bien rangée », dénonce Sébastien Dupanloup, délégué FGTB qui est au front pour les soutenir.
Elles sont 140 000 en Belgique. La profession est composée de 98% de femmes qui occupent neuf fois sur dix un temps partiel. La moyenne du nombre d’heures prestées ne s’élève qu’à 18 heures alors qu’elles sont payées 11 euros bruts de l’heure. « Ce sont des bas salaires avec beaucoup de femmes isolées. Quand elles sont en couple, c’est difficile pour elles de se séparer avec si peu en poche. Le système actuel ne permet pas leur émancipation. En plus, la mention technicienne de surface sur un CV les empêche bien souvent de trouver un job dans un autre secteur», explique Sébastien Dupanloup.
Sur le dos des aide-ménagères
Le système des titres-services a pourtant sorti un pan entier de l’économie au noir, à grands renforts de subsides puisque les pouvoirs publics financent l’ensemble à hauteur de 75%. Mais il y a urgence. « On est à la veille de décisions importantes dans le secteur alors que Bruxelles et le ministre Clerfayt (Défi) trouvent que ça coûte trop cher. Or quand on sera en période post-corona, les pouvoirs publics va chercher des sous. Je ne veux pas que ce soit sur le dos des aide-ménagères », fustige le délégué FGTB.
Ce 4 mars, des femmes de ménages déposeront leur livre noir au ministre Pierre-Yves Dermagne (PS). Si les titres-services ont été régionnalisés, une partie des compétences relève toujours du fédéral comme les contrats et les conditions de travail. C’est le début d’actions qui seront menées auprès des différents ministres régionaux compétents.