Covid: la baisse de la motivation prédirait l’arrivée de nouvelles vagues

Les psychologues ont remarqué une corrélation entre le relâchement de la population et les pics de contaminations. Une prédiction qui a de quoi inquiéter au vu de la situation actuelle.

Une forte affluence au Bois de la Cambre, le dimanche 21 février 2021 @BelgaImage

La dernière étude de la Taskforce Psychologie et Corona le clame haut et fort: il y aurait une corrélation étroite entre la motivation à suivre les mesures sanitaires et les pics de contaminations. Il est ainsi possible de prédire un pic d’infection huit semaines après que la population décide d’ignorer les gestes barrières. Arrivent ensuite le pic de taux de positivité après neuf semaines, puis celui des hospitalisations à dix semaines et enfin celui des décès à onze semaines. Une conclusion établie sur base d’un an de données sur le respect des règles sanitaires. Malheureusement, cette étude pourrait être de bien mauvais augure si on en croit le taux actuel de personnes convaincues de la nécessité des mesures: 25-35%. Doit-on s’attendre à une nouvelle vague? Possible, mais d’autres éléments entrent aujourd’hui en jeu.

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Un lien de corrélation confirmé et attesté

L’exemple le plus frappant de la justesse de ces prévisions est la situation antérieure à la deuxième vague. En août 2020, le taux de motivation était à son plus bas historique, soit 23%. Deux mois après, en octobre, la Belgique a atteint son record de nouveaux cas de Covid-19. En novembre, un pic de décès est survenu. Au contraire, lorsque cette motivation est élevée, comme au début de l’été dernier, la situation épidémiologique est calme.

Lorsqu’ils sont parvenus à cette prédiction, les scientifiques ont fait preuve de prudence et ont d’abord partagé leurs résultats avec les épidémiologistes pour en discuter. «Et là, nous sommes parfaitement rassurés quant au fait qu’effectivement, il y a un lien de corrélation», assure à la RTBF Vincent Yzerbyt, professeur de psychologie à l’UCLouvain.

Mais attention : il ne faut pas se tromper sur la définition de la motivation. Les psychologues préviennent qu’il est bien ici question d’une action volontaire, c’est-à-dire quand on est personnellement convaincu de l’importance de respecter les mesures sanitaires. Faire peur à la population se révèle au contraire contre-productif. L’étude montre que paradoxalement, plus la crainte de se faire contaminer est grande, plus cette anxiété pèse sur la santé mentale et moins les personnes sont motivées à adopter les gestes barrières.

L’échec de la communication gouvernementale

Au vu de ces résultats, un détail n’a pas échappé aux scientifiques: le fait que seulement 25-35% de la population adhère aujourd’hui aux mesures. «La motivation de la population s’est mise à diminuer mi-janvier», explique Vincent Yzerbyt à La Libre. «Ça a commencé après la réouverture des salons de coiffure. Sans doute la mesure ne prenait-elle pas tout son sens dans le contexte de l’époque. Il y a sans doute eu incompréhension des bénéfices recherchés».

L’étude n’est également pas tendre avec la stratégie de communication des autorités. Contrairement à ce que celles-ci ont pu croire, cela ne sert à rien de dire «accrochez-vous», «utilisez votre bon sens», ou de jouer sur la peur, que ce soit par des «menaces de contrôle et de sanctions sévères, en passant par la culpabilisation due à des comportements jugés inciviques». Bref, c’est un échec. Les messages envoyés à la population n’ont eu que très peu d’impact. Pour être clair sur ce point, Vincent Yzerbyt fait une comparaison avec le domaine du sport. «Pour entraîner un sportif de haut niveau, un coach ne peut pas se contenter de dire qu’il va se fâcher s’il ne gagne pas, de le menacer de sanctions ou de juste lui répéter : allez, vas-y !», dit-il à La Libre.

Des pistes pour motiver la population

Il faut donc trouver un autre moyen de faire réaugmenter cette motivation. La question, c’est comment. Certes, lorsqu’il y a une hausse des hospitalisations, il y a une prise de conscience du risque, mais aussi plus d’anxiété. Si cela arrive, il faut dès lors trouver un moyen d’optimiser la motivation à suivre les règles sanitaires sans provoquer de panique générale. Mais cela ne répond pas vraiment au casse-tête de la stratégie de communication gouvernementale.

Pour avancer dans ce débat, les psychologues ont fait quelques recommandations. Leurs enquêtes montrent par exemple une très grande confiance envers les médecins et les infirmiers. Les autorités pourraient dès lors leur accorder une plus grande place pour s’adresser à la population. Autre piste: réfléchir à la manière de s’adresser à ceux qui ne consultent pas les médias traditionnels et restent cantonnés aux réseaux sociaux pour s’informer. Ces personnes ont en effet moins tendance à suivre les recommandations sanitaires.

Vincent Yzerbyt plaide aussi pour une «feuille de route avec les étapes à franchir pour permettre à chacun de voir où on va». Il insiste aussi pour que les autorités renforcent leurs efforts pour mener la campagne de vaccination à bien, contrairement aux couacs de ces dernières semaines. Ce n’est que comme cela qu’un «contrat» pourrait se créer entre le gouvernement et la population, où chacun tiendrait ses responsabilités. Une bonne administration des vaccins donnerait des perspectives claires sur une sortie de crise définitive, et chacun saurait ce qu’il doit faire et pour combien de temps.

Une troisième vague en vue?

Il faudra attendre le prochain comité de concertation vendredi prochain pour voir comment les autorités réagiront. En attendant, les chiffres de la motivation sont toujours bas, même si une légère remontée semble se dessiner depuis quelques jours selon les psychologues. Si cette amélioration ne se confirme pas, «on pourrait avoir des pics d’hospitalisations en mai», confie à Belga Olivier Luminet, un autre psychologue de l’UCLouvain.

De son côté, Vincent Yzerbyt fait une analyse plus balancée de la situation. «Nous montrons effectivement qu’il y aura encore quelque temps un peu difficiles à passer dans les semaines qui viennent», dit-il à la RTBF, mais il est possible que de nouveaux éléments entrent en jeu. Les études ne cessent de confirmer l’efficacité des vaccins et avec leur généralisation progressive, cela pourrait rebattre les cartes. En parallèle, les variants du Covid-19, connus pour leurs hauts taux de contagion, continuent de se répandre. Il est donc extrêmement difficile de prédire ce qui arrivera par la suite. Une chose est sûre: si les autorités arrivent à faire remonter le niveau de motivation de la population, cela ne fera pas de mal.

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