L’adhésion des soignants au vaccin Covid: un sujet sensible

Si une bonne partie du personnel de santé est favorable à la vaccination, ce n’est pas le cas de tout le secteur. Les doutes de certains soignants ont d’ailleurs provoqué l’indignation, voire des appels à rendre le vaccin obligatoire.

@BelgaImage

Depuis un mois, les signaux très contradictoires se succèdent pour savoir si les soignants sont pro-vaccins ou pas. Début février, un sondage de l’Union Générale des infirmiers de Belgique (UGIB) notait que 80% du corps infirmier était favorable à la vaccination contre le Covid-19. Mais chez les autres professionnels de santé, la moitié hésitait encore, voire refusaient catégoriquement pour 10% d’entre eux. Le cas des maisons de repos (MR) est particulièrement sensible. Au vu du retour du Covid-19 dans certaines d’entre elles et à la réticence d’une partie du personnel à se faire vacciner, la directrice d’un réseau d’hôpitaux flamands, Margot Cloet, a appelé ce lundi à rendre le vaccin obligatoire. Mais quelle est l’ampleur réelle du nombre de soignants non-candidats à la vaccination et pourquoi font-ils ce choix? C’est ce que nous avons voulu savoir.

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Des chiffres ambivalents

De manière générale, en plus des infirmiers et infirmières, les médecins généralistes sont très favorables au vaccin. Selon une association issue de la VUB, Medische Wereld, 91% d’entre eux voudraient se faire vacciner dès que possible. Mais parmi les réfractaires, il y a quelques trublions. Mi-février, un reportage de VTM a créé la polémique en Flandre. Il s’est alors avéré que certains médecins généralistes non seulement déconseillaient le vaccin à leurs patients, mais qu’en plus ils leur proposaient de falsifier leurs vaccinations avec de fausses attestations. Consternation du côté de l’Ordre des médecins qui a promis de sévères sanctions contre les coupables.

Quant aux soignants de première ligne, une déclaration de la Cocom hier a posé question. Selon celle-ci, 75% des soignants bruxellois de ce secteur n’ont pas répondu à leurs invitations numériques pour se faire vacciner en février. Parmi eux, on retrouve les dentistes, les ORL, les généralistes, les infirmières à domicile, les pharmaciens ou encore les kinésithérapeutes. Est-ce que cela veut pour autant dire qu’ils refusent le vaccin? Il est trop tôt pour le savoir selon Inge Neven, responsable de l’Inspection d’hygiène de Bruxelles. Elle nous avoue que lorsque les autorités ont envoyé les invitations, «on n’avait jamais été sûr du nombre d’adresses email correctes». Il peut donc y avoir eu des ratés avec ces mails. Mais elle assure aussi aujourd’hui que 2.000 vaccinations supplémentaires ont été faites et qu’il faudrait revoir les 75% à la baisse.

Le cas des soignants en maison de retraite a lui aussi fait parler de lui. Selon la DH, «sur 26 maisons de repos contactées, 19 d'entre elles enregistrent un taux de vaccination inférieur à 55% auprès de leur personnel». Un constat confirmé par Femarbel, la fédération des maisons de repos (MR), qui a déploré cette situation par la voix de son président, Vincent Frédéricq. Inge Neven nous confirme qu’à Bruxelles, on est ici aux alentours de 60% des soignants de MR vaccinés. Cette moins grande adhésion au vaccin a parfois provoqué l’indignation, notamment en Flandre. De Morgen a ainsi parlé d’une «attitude stupide, dangereuse et égoïste» et émis l’idée d’une vaccination obligatoire des soignants.

Quand l’anxiété répond à l’incertitude

Mais cette obligation serait évidemment très mal reçue par ceux qui hésitent à franchir le pas. C’est le cas d’une infirmière de Charleroi qui nous avoue qu’elle attend encore avant de se faire vacciner. Elle n’a pas peur des effets indésirables à court terme comme des douleurs et de la fièvre, puisqu’elle sait que c’est normal pour un vaccin, mais elle a des doutes sur le long terme. Elle pointe ainsi «un manque de recul et une angoisse» à ce propos. Mais ce n’est pas le seul problème pour elle: «oui, ça nous empêcherait d’éviter les formes graves, mais cela n’empêcherait pas la transmission à 100%. Donc je ne vois pas pourquoi je devrais être obligée de faire ça».

Elle explique ensuite que dans son hôpital, la direction a annoncé que 80% du personnel s’était fait vacciner. Un pourcentage qui correspond plus ou moins à ce qu’elle a vu dans son unité. «Dans notre équipe d’une quarantaine d’infirmières, on est 5-6 à ne pas avoir fait le vaccin, avec à chaque fois les mêmes raisons derrière ce choix», nous dit-elle. «Puisque ce n’est pas obligatoire, on préfère d’abord regarder comment les choses évoluent». Certes, elle sait que le vaccin contre l’hépatite B est déjà obligatoire pour les soignants mais selon elle, il ne peut être fait de même pour celui contre le Covid-19 tant que les effets à long terme ne sont pas tout à fait connus. «Pour moi, ce serait aussi une atteinte à nos libertés et cela manquerait d’arguments».

Une volonté de répondre aux questions…

Du côté de la direction des hôpitaux, on se veut rassurant sur ces points. L’hôpital Saint-Pierre a par exemple mis au point un FAQ dans lequel la question des effets à long terme est abordée. Son document explique ainsi que sur base «des vaccins déjà existants, on sait que 95% des effets secondaires surviennent dans les 6 semaines». Or, au vu des millions de vaccins déjà administrés, aucune complication grave et notable n’a été relevée, si ce n’est des réactions allergiques chez de rares personnes connues pour être à risque. L’hôpital ajoute que «la plupart des effets secondaires des vaccins qui ont été observés plus tardivement l’ont été car ils étaient rares» et ne s’inquiète donc pas.

Quant au problème de la transmission du virus une fois vacciné, les derniers résultats sont plutôt rassurants. Une étude de l’Université de Cambridge assure par exemple que le vaccin de Pfizer réduit le nombre d’infections asymptomatiques de 75%. Selon l’université d’Oxford, après une dose, le vaccin AstraZeneca atteint aussi une réduction de 67%.

… Mais est-ce que les soignants sont si bien informés?

Répondre à ces questions, c'est une chose, mais pour qu'il y ait une réelle discussion à ce sujet avec les soignants, encore faut-il que l'information leur parvienne. Or il n'est pas toujours certain que ce soit le cas. L’infirmière que nous avons contactée nous confirme qu’il n’y a eu aucune campagne de sensibilisation à destination de son équipe. Pour avoir des informations sur le vaccin, ses collègues allaient plutôt voir un infectiologue de leur hôpital de Charleroi. Par contre, Gilbert Bejjani, secrétaire général de l'association belge des syndicats médicaux (Absym), nous confie qu'au sein du Chirec où il travaille, ces informations ont été données via des newsletters. Dans plusieurs maisons de retraite, il y a eu des sensibilisations sous forme de rencontres avec des médecins spécialistes de la question, mais pas toujours en réussissant à convaincre.

Une étude franco-belgo-québécoise notait en janvier dernier à propos de la connaissance des vaccins parmi les soignants la chose suivante. «On croit souvent à tort que l'attitude des travailleurs de la santé doit être positive à l'égard des vaccins parce qu'ils ont une formation scientifique et médicale. Néanmoins, les travailleurs de la santé ne constituent pas un groupe homogène et la plupart ne sont pas des experts dans le domaine de la vaccination. […] De nombreuses études indiquent que les travailleurs de la santé hésitent à la vaccination, à des niveaux de prévalence et d'intensité qui varient inversement avec leur niveau de formation sur ce sujet».

Il n’empêche que lorsque des personnes veulent se renseigner sur le vaccin Covid, elles se tournent d’abord vers les soignants, quels qu’ils soient. Leur influence est donc non négligeable. «Les patients sont plus enclins à accepter un vaccin si celui-ci est clairement recommandé par leur médecin. […] Ils ont un rôle de conseil vis-à-vis de leur patientèle : 'si vous vous faites vacciner, je me ferai vacciner docteur'», explique à la RTBF Nicolas Dauby, chef de clinique adjoint au CHU Saint-Pierre et directeur de l’étude en Belgique.

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