
Lambda, Epsilon, Iota, Kappa…: les nouveaux variants du Covid-19 sont-ils dangereux?

Ces derniers jours, la Belgique doit faire face à un nouveau défi: le variant Delta, reconnu comme 60% plus contagieux que celui Alpha et désormais dominant chez nous. La hausse récente des cas de Covid-19 serait en partie liée à sa présence. Et voilà que ce mercredi, le journal Het Laatste Nieuws fait savoir que notre pays a détecté son premier cas de variant Lambda (détecté pour la première fois au Pérou). Au même moment, toute une série d’autres noms à consonnance grecque commencent à apparaître: Iota, Kappa, Êta, etc. Malgré tout, les autorités sanitaires ne se montrent que moyennement préoccupées à leur sujet, contrairement au variant Delta.
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Lambda, un variant pas si virulent que ça?
Il existe bien un classement des variants selon leur niveau de dangerosité supposée. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) distingue ainsi les variants dits «préoccupants» de ceux «d’intérêt». Parmi les premiers, on en retrouve quatre: Alpha (auparavant appelé anglais), Bêta (sud-africain), Gamma (brésilien) et Delta (indien). Alpha s’est rapidement imposé en Belgique au début de l’année 2021 et aujourd’hui, Delta fait craindre l’arrivée d’une «quatrième vague» de contaminations (même si les hospitalisations pourraient rester faibles là où la couverture vaccinale est bonne, l’efficacité des vaccins étant prouvée contre cette mutation).
L’OMS a également identifié quatre variants «d’intérêt»: Êta (originaire de plusieurs pays), Iota (venu des États-Unis), Kappa (indien) et enfin le fameux Lambda. Si ce dernier retient autant l’attention, c’est qu’il s’est rapidement répandu en Amérique latine. Il est depuis mars responsable de la quasi-totalité des contaminations au Pérou, son pays natal. Il possède une mutation spécifique (affectueusement surnommée L452Q) qui améliorerait l’affinité du coronavirus avec des récepteurs cellulaires. D’autres mutations présentes sur la protéine Spike pourraient aussi le rendre plus résistant aux vaccins actuels.
Mais pour l’instant, les scientifiques ne sont pas tous d’accord sur ce type de constatations. Le Pérou ne séquence que peu les cas de Covid-19 et il est impossible de confirmer si le variant Lambda est bel et bien plus contagieux et/ou insensible aux vaccins. Le virologue Emmanuel André a d’ailleurs fait savoir qu’au Chili, les données montraient que le variant Lambda semblait plus faible que celui Gamma au Brésil. Autrement dit, il n’aurait aucune chance face à Delta. Et s’il ne s’impose pas, le problème ne se pose pas. Dans l’hypothèse où Lambda gagnerait finalement du terrain, il n’est pas impossible que l’OMS le classe comme variant «préoccupant», mais ce n’est pas le cas pour l’instant.
Well, I do not think there is a reason for alarm: genomic surveillance data from Peru does not allow to tell much, but if you have a look at Chile, it seems that C.37 (Lambda) does not make it against P.1 (Gamma). So the chance is limited that it will make it against Delta. pic.twitter.com/5g0aQoIxYL
— Emmanuel André (@Emmanuel_microb) July 6, 2021
Des variants d’intérêt a priori trop faibles face à Delta
Autre «variant d’intérêt»: Kappa. C’est en réalité un des cousins les plus proches de Delta, d’où l’attention qui lui est accordée. Il a réussi à s’implanter dans plusieurs pays mais comparé à son grand frère, sa présence est anecdotique. Cela justifie qu’il ne soit pas classé comme «préoccupant».
Le variant Iota, détecté pour la première fois à New York, possède pour sa part des mutations (surnommées E484K et S477N) lui conférant des caractéristiques assez similaires à celles de Lambda. C’est ce qui lui a visiblement permis de s’étendre à l’international mais sans grand succès. «Les données épidémiologiques montrent une nette diminution de sa détection aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde après un pic atteint début avril, témoignant d'une moindre compétitivité par rapport à d'autres variants», fait savoir Santé publique France dans un rapport daté du 16 juin.
Enfin, il y a le dernier variant «d’intérêt»: Êta. Il est aujourd’hui surtout présent en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord, en Inde et au Nigéria. À nouveau, c’est la même histoire: il possède plusieurs mutations encore peu connues qui pourraient le rendre plus menaçant, mais sa contagiosité est visiblement moindre à celle du variant Delta puisqu’il ne s’impose pas face à celui-ci.
Epsilon et Delta Plus: une notoriété non-justifiée?
Ces derniers jours, un autre variant se fait petit à petit une place dans l’actualité: Epsilon. Il n’est pas classé dans les classements de l’OMS cités ci-dessus mais dans la liste des variants étudiés. Originaire de Californie, il n’est pas nouveau puisqu’il a été détecté dès mars 2020. Il n’est pas menaçant a priori puisqu’il ne s’est pas tellement propagé, à une exception près début 2021 aux USA. Il possèderait trois mutations sur sa protéine Spike et on connaît maintenant la chanson: cela pourrait avoir un effet sur la contagiosité et la résistance aux vaccins. Mais encore une fois, rien n’est certifié et ses améliorations ne pourraient avoir qu’un impact que très limité (une baisse de 2% à 3,5% sur l’efficacité des vaccins par exemple selon une étude de l’Université de Washington). Auparavant classé «variant d’intérêt», l’OMS l’a rétrogradé le 6 juillet dernier car il ne serait même pas capable de s’imposer face au variant Alpha, qui était la norme avant l’arrivée de Delta.
Enfin, terminons par le variant qui possède un nom a priori loin d’être rassurant: Delta Plus. Vu sa parenté avec sa souche originelle, il a tout de suite attiré l’attention. Selon le gouvernement indien, sa transmissibilité pourrait être encore accrue et il pourrait s’attaquer plus férocement aux cellules pulmonaires. Mais de nombreux experts critiquent la précipitation des autorités indiennes vu que les données à ce sujet sont encore très peu nombreuses. C’est le cas de Ravindra Gupta, immunologiste à l'université de Cambridge, qui estime que la mutation détectée (surnommée K417N) ne devrait pas modifier fondamentalement le variant Delta, ni le rendre encore plus dominant. L’Inde reste néanmoins sur ses gardes et a classé Delta Plus dans sa propre liste des variants «préoccupants». Du côté de l’OMS, Delta Plus n’est pas différencié de Delta.