
Yves Van Laethem répond aux questions des vaccino-sceptiques

Ce mardi, l’UNamur a présenté les résultats de son étude sur l’hésitation vaccinale. Les chercheurs ont pour cela soumis 84 questions à 3.700 personnes ayant d’abord refusé le vaccin avant de finalement franchir le pas. Ils ont ainsi pu établir les principales raisons qui ont justifié leurs réticences. Parmi ces arguments, on retrouve le manque de recul, la crainte des effets secondaires ou encore la composition des vaccins. Mais est-ce que cette inquiétude est fondée? Pour le savoir, nous avons interrogé le virologue Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral Covid-19, et ce sur chacun de ces points.
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Q.: L’un des principaux motifs d’hésitation vaccinale, c’est le manque de recul par rapport à un vaccin récent. Pourquoi les experts et les médecins sont si peu inquiets sur le fait que ces vaccins ne datent que d’il y a un an et utilisent parfois une technologie aussi nouvelle que celle de l’ARN messager?
Yves Van Laethem: Le principe de l’ARN messager a été découvert il y a 15-20 ans et a jusque-là été utilisée pour des pathologies comme les cancers, ou lors d’essais thérapeutiques sur la dengue notamment. Cela donnait le background suffisant pour l’utiliser avec le Covid-19 puisque la seule chose qui n’avait pas été faite avec les vaccins à ARN messager, c’était d’en faire un en série à une aussi grande échelle.
D’autre part, il faut expliquer que si ces vaccins ont été si rapidement mis au point, c’est que l’on connaissait déjà la protéine S qui était la porte d’entrée des différents coronavirus. Le génotypage du coronavirus du Covid-19 a été fait en janvier 2020, soit très rapidement, et cela a permis de passer vite à la conception d'un vaccin.
Pour le reste, on a encore raccourci la conception de ces produits en réduisant au maximum les délais de traitement des dossiers, vu que c’était une priorité absolue. Cela a d’ailleurs eu pour effet que d’autres dossiers, dont des vaccins pour des pathologies différentes, ont été un peu mis à l’écart.
Il y a enfin un dernier élément d’explication: les usines produisant les composants du vaccin ont tout de suite été dédiées à la confection de ces produits anti-Covid, de manière à lancer la vaccination dès que leur efficacité était confirmée. Et tout cela a été rendu possible parce que les États ont avancé des milliards de dollars aux firmes. C’est ce qui a fait qu’il n’a pas fallu 8-10 ans pour aboutir à l’approbation d’un vaccin, ce qui est d’habitude le délai normal.
Mais il n’y a pas moins de garde-fous pour autant afin de s’assurer que tout se déroule bien dans les règles? Ce ne sont que les obstacles administratifs qui ont été enlevés?
Exactement! Même pour les autres vaccins, il ne faut pas 8-10 ans pour les créer. Ça, c’est pour pouvoir les utiliser. Et maintenant, un an environ après la mise au point des vaccins anti-Covid, on a même un recul très important sur leur utilisation. Il faut savoir que 95% des effets secondaires des vaccins, de manière générale, ont lieu dans les six semaines après l’injection, comme le font savoir les Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC).
Et qu’en est-il des 5% restants? Doit-on être inquiet à ce propos?
Non parce que ce sont des effets extrêmement rares, que ce soit pour les vaccins ou d’autres produits pharmaceutiques par ailleurs. Jamais dans l’histoire il n’y a eu une sorte de vague importante d’effets secondaires graves sur des personnes vaccinées et ce bien après les injections. Il n’y a donc rien pour penser que ce serait le cas ici.
Par rapport aux effets indésirables du vaccin Covid-19 justement, outre les pathologies bénignes (fièvre, douleurs…), que représentent les réactions graves, à la fois quantitativement et qualitativement?
Pour les vaccins à ARN messager, il y a deux réactions de ce type. La première, c’est l’allergie anaphylactique. Cela a été constaté avec les vaccins pour le Covid-19 comme pour les autres ou même des médicaments comme la pénicilline. Mais on est dans des fréquences très faibles et il n’y a pas de phénomène particulier dans le cas présent. Et lorsque cela arrive, on peut combattre cela grâce à une piqûre d’adrénaline. La deuxième réaction, c’est le lien possible avec de rares myocardites chez les jeunes vaccinés (un cas pour des centaines de milliers chez les garçons). Cela est traité avec des anti-inflammatoires et de la cortisone, et cela n’a jusqu’à présent pas entraîné de séquelles.
Puis avec les vaccins à vecteur viral comme l’AstraZeneca, il y a les fameux cas de thrombose. Pour le coup, c'est vraiment une pathologie sévère. La survenue est de 1 pour 100.000-150.000 et cela a été constaté chez les jeunes. C’est pourquoi les jeunes ont été écartés de ce type de vaccin (la jauge a été placée vers les 40 ans en Belgique).
Est-il est possible de prévoir plus précisément quel type de personne est susceptible de contracter ce genre de complications graves?
Pour les cas de thrombose, la seule indication qu’on ait, c’est l’âge. Quant aux chocs anaphylactiques, ce sont généralement ceux qui ont des antécédents d’allergies sévères à certains composants présents dans le vaccin.
À propos de la composition des vaccins justement, des vaccino-sceptiques craignent parfois qu’il y ait des adjuvants ou du sel d’aluminium. Ici, il s’avère qu’il n’y en a pas ici. Mais plus généralement, qu’est-ce qu’il y a dedans exactement?
Pour le savoir, il suffit de lire la notice. Tout est là et ce n’est pas un secret. Mais globalement, il y a, outre de l’eau, des composants pour stabiliser le produit.
Il y a aussi ceux qui doutent que l’efficacité du vaccin soit fondée, par exemple quand ils entendent que telle personne vaccinée a attrapé le Covid-19 et que le vaccin n’empêche pas la transmission. Quelles informations a-t-on sur ce point?
Pendant longtemps, on a manqué d’informations sur la transmission mais maintenant, on sait que celle-ci diminue d’environ 80%, quel que soit le vaccin anti-Covid utilisé, une fois que la vaccination est complète. On sait aussi que ces mêmes vaccins empêchent à plus de 80%, et même souvent plus de 90%, de contracter une forme grave du Covid-19 et de finir à l’hôpital en soins intensifs. Mais cela n’empêche pas forcément tout le monde de développer des formes bénignes du type mal de tête, syndrome grippal, etc. C’est comme une ceinture de sécurité: cela empêche de mourir mais il n’est pas exclu d’avoir quelques bobos, voire dans de rares cas de finir à l’hôpital. Maintenant, si on parle d’une personne de 90 ans qui est très fragile, oui, le vaccin n’est pas parfaitement efficace. Mais c’est une constatation que l’on a pour tous les vaccins, pas seulement pour ceux du Covid-19.
Puis une des grandes inconnues, c’est le temps de protection du vaccin. Un an environ après la mise au point de ces produits, que peut-on dire à ce sujet?
On sait maintenant qu’après une vaccination complète, la mémoire cellulaire permettant de faire face au virus reste bien stable et présente. Avec le recul actuel, cette efficacité peut être au minimum confirmée pour au moins 9-12 mois. Mais rien n’indique que cela s’arrêterait là, même si on ne peut pas pour l’instant établir une durée précise. On entend beaucoup parler de troisième dose et il n’est pas exclu que certaines personnes fragiles en auront besoin. De ce que l’on sait aujourd’hui, seule une minorité de la population serait susceptible d’avoir cela. Les autres ont sûrement beaucoup de temps devant eux avant d’avoir éventuellement un rappel.
La conclusion que l’UNamur met en avant, c’est que c’est souvent une discussion avec le médecin généraliste qui amène les vaccino-sceptiques à se faire finalement vacciner, et que la vaccination en centre est un obstacle pour ceux-ci. La Belgique réfléchit-elle déjà à passer plus par les médecins?
C’est ce qu’on appelle la phase 3 de la vaccination, où le médecin généraliste sera plus présent. Cela sera facilité par le fait que même un vaccin comme celui de Pfizer n’a plus besoin de puissants congélateurs pour être conservé.