
Yves Coppieters: "On met en place une mesure dont l'efficacité n'est pas tout à fait prouvée"

A quelques heures du nouveau Codeco, le professeur en santé publique à l'ULB s'est dit confiant quant à l'évolution épidémiologique au sein de notre pays. "On voit que malgré la reprise des activités, la rentrée des classes, etc. les chiffres de l'épidémie restent sous contrôle et même sont tout à fait positifs pour l'instant", a noté l'expert, avant de souligner tout de même que le changement de saison pourrait avoir un impact sur les chiffres.
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Pourtant, les indicateurs sont moins bons qu'à la même période l'année passée. Comment l'expliquer ? "Le profil de l'épidémie a tout à fait changé", a expliqué Yves Coppieters. En effet, le variant Delta est désormais la souche prédominante, puisqu'il représente près de 98% des infections en Belgique. Or, il s'agit d'une souche "plus contaminante" et "potentiellement plus virulente aussi", a rappellé l'expert. "Des gens encore fragiles qui ne seraient pas vaccinés ou mal protégés par cette immunité vaccinale peuvent encore développer des formes graves". Selon lui, c'est ce qui explique les chiffres moins bons que l'année passée.
En effet, il y a actuellement 220 patients qui nécessitent, en Belgique, des soins intensifs. C'est près du double par rapport à la même période il y a un an. "Les personnes semblent toujours être des personnes à risque de faire des formes graves du Covid-19. C'est-à-dire, des personnes âgées de plus de 65 ans ou des personnes avec de fortes comorbidités, que ce soit l'obésité ou le diabète, par exemple. Dans le dernier rapport de Sciensano, on voit que 3 à 5% de ces personnes sont vaccinées, donc la majorité des personnes sont bien non-vaccinées". Mais le pourcentage des patients vaccinés pourrait être sous-estimé, a postulé Yves Coppieters. Il semble en effet qu'il y ait environ 10% des patients actuellement hospitalisés qui sont vaccinés (partiellement ou complètement). "Cela reste faible par rapport à la proportion des patients hospitalisés", a conclu l'expert.
Le professeur de santé publique est également revenu sur l'obligation du port du masque. "Je ne suis pas sûr que ce soit un débat intéressant à ce stade-ci. Je pense que c'est essentiellement un débat politique. Sur le plan sanitaire, on comprend tous et toutes que ce masque est bien une protection individuelle et collective et qu'on doit le mettre de façon raisonnable dans certaines situations", a tranché Yves Coppieters. Selon lui, la Flandre veut montrer son avance sur les autres Régions quant à la vaccination et, surtout, montrer à la population vaccinée quel est l'avantage d'avoir été vaccinée. "Cela passe éventuellement par la levée des gestes barrières et des mesures sanitaires", a concédé l'expert, qui a tout de même pointé une erreur de timing. "A l'entrée de l'automne et de l'hiver, c'est un peu précoce par rapport à la reprise des contaminations qui sera inévitable. On sera plus dans des situations à risque", a conclu l'expert.
"Si c'est sous la contrainte, c'est un peu triste..."
Le professeur de l'ULB a attribué son carton vert à la reprise du présentiel dans l'enseignement supérieur. "Quel bonheur de revoir des gens dans les couloirs, des étudiants devant les secrétariats, de revoir un peu de vie !". Yves Coppieters a tenu à exprimer son admiration aux étudiants, concernant le courage dont ils font preuve depuis le début de la crise.
Enfin, Yves Coppieters a adressé son carton rouge aux conséquences de la mise en place du Covid Safe Ticket, qui va entraîner "l'augmentation potentielle du clivage dans la société entre des groupes. On avait déjà un clivage entre les vaccinés et les non-vaccinés, maintenant on va augmenter ce risque, comme c'est le cas en France. Je pense que c'est une erreur. On avait une confiance dans les politiques publiques et j'ai peur qu'il y ait une petite perte de confiance de la part d'une certaine tranche de la population", a expliqué l'expert.
Dans la seconde partie de l'émission, Yves Coppieters est revenu sur ce clivage créé par le pass sanitaire. "Je ne suis pas sûr que la Belgique devait s'imposer ça", a ajouté le spécialiste en santé publique, même s'il a concédé que beaucoup de pays européens l'utilisent déjà. "Je trouve que la Belgique, qui avait très bien avancé dans sa vaccination et était l'un des premiers pays européens, pouvait encore trouver d'autres solutions avant de d'envisager de parler d'obligation vaccinale ou de Covid Safe Ticket, qui sont quand même des mesures contraignantes". Pour l'expert, il n'est pas non plus certain que ces mesures aient un impact sur les groupes cibles qui ne sont pas encore vaccinés. "Si l'objectif est de diminuer la transmission du virus dans la population. Je ne suis pas sûr que le Covid Safe Ticket soit efficace.On met en place une mesure dont l'efficacité n'est pas tout à fait prouvée. (...) Cela va surtout augmenter la vaccination chez les jeunes", a-t-il regretté, avant de conclure : "si c'est sous la contrainte, c'est un peu triste".