
Journée de lutte contre le Sida: "on n'a jamais été aussi proche d'avoir un vaccin efficace"

En cette journée de lutte mondiale contre le Sida, Nathan Clumeck était invité à répondre aux questions de l'émission "Il Faut Qu'on Parle" sur DH Radio. Considéré comme le grand spécialiste belge du VIH, ce professeur émérite avait publié les premiers cas africains de la maladie qui habitaient en Belgique "à l'époque où nous étions encore sur la piste des homosexuels et des toxicomanes" comme il l'explique.
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Quelques décennies plus tard, la maladie se soigne de mieux en mieux en Belgique mais ce n'est malheureusement pas le cas partout dans le monde. Certains pays de l'Est et en Afrique sont encore assez démunis face aux traitements pour tenter de guérir du Sida mais depuis l'arrivée des traitements génériques, tout le monde peut en être soigné.
"Il y a eu une grande révolution dans la prise en charge des patients avec le VIH. Ce sont les traitements anti-viraux qui bloquent la réplication du virus et permettent à l'immunité de se restaurer. A partir de ce moment-là, la mortalité des patients a chuté de manière considérable et d'ailleurs j'ai toujours des patients qui sont sous traitement et que je suis depuis maintenant plus de 35 ans », explique Nathan Clumeck. "Ça a été une révolution mais il y a quand même eu des différences entre les différents pays. Au début ce traitement coûtait 1.000 euros par mois. C'est un peu moins aujourd'hui mais ce traitement était totalement inaccessible pour les pays en voie de développement. Il a fallu attendre l'apparition des génériques qui ont ramené le coût à 350 euros par an afin que le traitement s'étende dans les pays en voie de développement."
"Une banalisation de la maladie"
Le VIH étant un virus très virulent, il a toutefois un mode de propagation très limité puisqu'il n'est pas aérien contrairement au coronavirus qui touche beaucoup plus de personnes dans le monde depuis 2 ans maintenant. "Plus de 40 millions de personnes ont tout de même été touchées par le sida avec des dizaines de millions de personnes qui en sont décédées. Mais dans ce cas la transmission se fait par voies sexuelles principalement ou par échange de seringue », détaille le Professeur qui explique que le VIH reste un virus qui détruit l'immunité. "Il va au cœur de la défense immunitaire de l'individu et une fois que l'on est infecté, nous n'arrivons plus à nous débarrasser de ce virus, ce qui n'est pas le cas avec le SARS-Cov2."
Maladie connue depuis plus de 40 ans, le sida reste toutefois une maladie pour laquelle il faut encore chaque année, à la date du premier décembre, proclamé une Journée mondiale de lutte puisque aucun traitement à l'heure actuelle ne s'est avéré à 100% efficace pour la contrer. "L'avantage de cette journée mondiale est de rappeler que cette maladie existe toujours et qu'il y a une sensibilisation à faire vis à vis des jeunes qui pensent aujourd'hui que c'est une maladie de papa. Alors on ne meurt pas du sida si l'on prend le traitement mais il existe une banalisation de la maladie alors que dans certains pays, des personnes meurent encore du sida. »
"Ça reste un problème de santé publique"
Nathan Clumeck met aussi en garde contre la vulnérabilité particulière des femmes concernant le VIH. "Tous les jours, des milliers de femmes s'infectent encore car elles ignorent que leur partenaire ou leur mari est séropositif et qu'il n'y a pas de protection. En s'infectant, elles peuvent transmettre le virus à leur bébé donc ça reste un problème de santé publique mais il n'y pas la panique et le bouleversement de toute la société qu'il y a actuellement avec le coronavirus."
Des organismes restent toutefois toujours présents pour faire de la prévention au niveau de cette maladie face à laquelle il est facile de se protéger grâce aux préservatifs notamment. "Des Folders vont être distribués un peu partout aujourd'hui avec comme public cible les jeunes puisqu'ils n'ont pas connu l'arrivée de cette maladie et tous les dégâts qu'elle a causé à l'époque où il n'y avait pas de traitement."
La difficulté de trouver un vaccin
Le problème du Sida est qu'au jour d'aujourd'hui, aucun vaccin n'a encore été trouvé pour se débarrasser totalement du virus du VIH alors qu'il est connu depuis plus de 40 ans. Des espoirs sont toujours présents malgré tout comme l'explique le spécialiste des maladies infectieuses. "La difficulté de trouver des vaccins pour le VIH est liée au fait que le virus s'intègre dans le génome de la cellule qu'il infecte, contrairement au Sars-Cov2 malgré que ce soit aussi un virus à ARN. La différence c'est que dans le cadre du VIH, l'ARN rentre dans le DNA et il y reste caché, immobile, sans se manifester, tant qu'il y a un traitement. Pour arriver à le détacher du génome ça reste toutefois très compliqué et ce virus a tendance à muter très rapidement ce qui fait que plusieurs essais de vaccins n'ont malheureusement eu qu'un taux de reproduction de 30-35%. En comparant avec le coronavirus, on voit qu'il reste encore du chemin à parcourir."
La nouvelle technologie à ARN pourrait toutefois venir donner de plus grands espoirs. "L'utilisation de cette nouvelle approche pourrait s'avérer salvatrice dans quelques années. Depuis que je suis dans la maladie, c'est-à-dire 40 ans, on nous dit toujours que dans les 5 ans il y aura un vaccin efficace mais j'ai l'impression qu'on n'a jamais été aussi proche de la réalité que maintenant », reconnait Nathan Clumeck.
En ce qui concerne le jeu des cartons, Nathan Clumeck a décidé de donner le vert à la recherche des nouveaux traitements pour contrer le VIH. "Il existe déjà des traitements efficaces mais il y a encore moyen de les améliorer donc je donne mon carton vert à cette recherche. Une personne qui ne veut pas prendre un cachet par exemple peut désormais faire une injection intra-musculaire qui la protège pendant deux mois. Pour certains c'est un soulagement car ces personnes ne doivent pas penser à prendre leur médicament tous les jours."
Au niveau du carton roue, c'est vers les vaccins contre le sida qu'il se dirige. "C'est un gros carton rouge car comme je l'ai dit plus tôt cela fait plus de 40 ans que cette maladie est connue et nous n'avons toujours pas trouvé la solution mais j'espère vraiment qu'avec les nouvelles technologies nous allons résoudre ce problème. La recherche pour contrer ce virus est vraiment passionnante mais le public n'a pas la perception de l'importance de ces recherches."