
Le rapport choc sur l'état de santé de nos hôpitaux

Jamais la sortie de l’étude MAHA, menée par Belfius, n’a aussi bien collé avec l’actualité. Dans cette dernière, l’institution bancaire rappelle que le personnel hospitalier est mis à rude épreuve depuis le début de la crise et s’inquiète plus globalement de la situation financière des établissements généraux. En 2020, leur chiffre d’affaires a chuté de 3,5 % par rapport à 2019. Pour certains hôpitaux, la chute dépasse les 10 %. Dans un système de financement à l’acte, ils ont payé l’arrêt des soins non urgents (-60 % des admissions en avril 2020 et -18,2 % en moyenne sur l’année). Au premier semestre 2021, le nombre d’admissions était encore de 9,9 % inférieur au niveau de 2019. Cette réalité pourrait avoir des conséquences sur la qualité des soins. Un exemple que nous avait donné le directeur du Chirec: le retard d’une année ou deux sur le plan de renouvellement de machines IRM ou de scanners.
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La plupart des hôpitaux ont limité la casse. Ils le doivent aux aides gouvernementales. En effet, le constat est déjà terrible, mais il aurait pu être plus inquiétant encore sans l’avance de 2 milliards dans les soins de santé octroyée par le gouvernement fédéral et le financement structurel supplément de 1,2 milliard d’euros pour 2020, 2021 et 2022. Cette somme comprend une revalorisation salariale pour le personnel (600 millions d’euros), une hausse du budget alloué à la santé mentale (+ 200 millions d’euros) et le Fonds Blouses blanches (402 millions d’euros). Ce dernier vise à augmenter le nombre d’infirmiers au chevet des patients.
Pourtant, la situation du personnel reste critique. Belfius estime que, malgré le Fonds Blouses blanches, seuls 558 équivalents temps plein supplémentaires sont venus renforcer les 45.091 travailleurs soignants des hôpitaux généraux déjà en place. Cela nous rappelle que le problème d’attractivité de la profession d’infirmier remonte à des décennies. Ce n’est pas un hasard si la notion de “burn out” est apparue en 1970 dans le secteur des hôpitaux aux États-Unis, et pas ailleurs. Ce n’est pas d’ailleurs qu’une question financière. Les directions hospitalières peinent encore à trouver de la main-d’œuvre malgré les nouveaux budgets alloués. Elles s’échinent en outre à retenir le personnel en place sujet à des maladies professionnelles et à un épuisement généralisé. Bref, la crise des lits dont on nous parle à chaque vague est en fait plutôt une crise du personnel soignant. Grâce aux nouveaux financements et au budget ambitieux pour l’année 2022, la santé financière des hôpitaux devrait s’améliorer. La crise sanitaire cependant n’est pas terminée et les vocations infirmières n’apparaîtront pas en un claquement de doigts.

© BelgaImage
Dettes en baisse, mauvaise nouvelle
Alors que les recettes ont chuté, les fonds propres des hôpitaux ont paradoxalement augmenté en 2020. En cause, disent certaines directions hospitalières, des avances trop importantes reçues par le gouvernement pour traverser la crise. Celles-ci devront être remboursées en 2023. De leur côté, les dettes ont baissé (-5,1 %). Cela n’est pas forcément une bonne nouvelle car cela signifie que les investissements pour les “soins du futur”, commente Belfius, ont été moindres. Ils s’élèvent en 2020 à 655 millions d’euros. C’est 16 % de moins qu’en 2019.
Un besoin de réformes
L’étude MAHA a montré une fois encore, car c’était déjà le cas des éditions précédentes, que les hôpitaux généraux belges sont dans une situation budgétaire précaire alors que les défis sont incommensurables. Il est notamment demandé aux établissements de former des réseaux et d’adapter leur organisation et leur offre de soins. La transformation digitale et l’amélioration de la cybersécurité sont également coûteuses. C’est pourquoi Belfius alerte et, à travers l’étude, réclame une “profonde refonte du financement” des hôpitaux, comme le prévoit d’ailleurs l’accord du gouvernement De Croo.
Les infirmières en grève
La vaccination obligatoire pour les soignants pourrait encore aggraver la pénurie de personnel… Celle-ci est soutenue par 74 % des Belges, mais seuls 55 % estiment qu’il faut empêcher les non-vaccinés de travailler, selon un sondage Ipsos/Le Soir/RTL Info. Côté syndicats, on s’y oppose fermement. Depuis fin novembre, des centaines d’infirmières encadrées font grève. Elles dénoncent l’obligation vaccinale pour le personnel soignant, tandis que le projet de loi est considéré comme “stigmatisant, discriminant et inapplicable” par les syndicats. Ils pointent surtout le fait que la population générale, à ce stade, n’est pas concernée par l’obligation. Selon les derniers chiffres, mi-novembre, 89,74 % du personnel soignant était vacciné par deux doses.
Le chiffre
Sans les aides gouvernementales, Belfius estime que le résultat d’exploitation des hôpitaux généraux aurait été négatif de 737 millions d’euros. Le pire a été évité.