
Coronavirus: que sait-on de la 4e dose?

Alors que la campagne de rappel de vaccination bat son plein, l’idée d’une 4e dose fait son chemin en Belgique. Ce dimanche 9 janvier, le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke a expliqué que cette nouvelle dose était actuellement étudiée par le Conseil supérieur de la Santé. « C’est pour les gens qui ont reçu une 3e dose qui n’était pas vraiment un booster. Ils ont reçu une 3e dose de base nécessaire pour leur immunité », a expliqué le ministre sur le plateau de RTL-TVI. En précisant que cette 4e dose n’était, pour l’instant, « pas à l’ordre du jour » pour l’ensemble de la population. Il faut dire que la campagne de rappel n’est pas encore terminée pour la population générale.
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La France réfléchit, elle aussi, à l’injection d’une 4e dose à certaines catégories de la population. Ce mardi 11 janvier, le ministère français de la Santé a indiqué en être « à peu près au même stade que les autres pays européens sur ces questions, en attente de position des autorités scientifiques ».
Que dit la science à ce jour sur la question?
Les pays qui administrent une 4e dose de vaccin sont encore peu nombreux. Israël a commencé à le faire au début du mois de janvier, en tout cas chez les 60 ans et plus. Au Chili, les autorités ont décidé la semaine dernière d'accélérer la campagne de 4e dose. Elle est administrée depuis ce lundi aux personnes immunodéprimées. Et devrait être élargie aux plus de 55 ans à partir du 7 février. Au Brésil, les personnes dont le système immunitaire est affaibli peuvent également en bénéficier.
Les données sont donc encore peu nombreuses. Les experts semblent en tout cas s'accorder sur l'intérêt d'une 4e dose pour les personnes fragiles et âgées. Gili Regev, la chercheuse en chef d'une étude israélienne, estime que cette dose est une bonne chose pour les groupes vulnérables. Les résultats ont montré une multiplication par cinq des anticorps, après injection. La chercheuse juge cependant que cela n'est « pas suffisant ». Dans une interview accordée au site d’information israélien Ynet, elle explique que, selon les résultats préliminaires de l’étude, les gens retrouvent des niveaux d’anticorps similaires à ceux constatés peu de temps après la troisième dose. Et de conclure: « Je ne suis pas certaine qu'il faudrait la donner à tout le monde, nous avons besoin de plus d'informations ».
L'administration d'une 4e dose à l'ensemble de la population semble, à l'heure actuelle, peu pertinente aux yeux des experts.« Les avis sont partagés », nous explique l'immunologue Eric Muraille. Il rappelle d’ailleurs que l’Organisation mondiale de la Santé n'est pas favorable à l'administration de cette 4e dose à l’ensemble de la population. Mais plutôt à un meilleur accès aux vaccins à l'échelle mondiale.
Il faut dire qu'on ignore encore pendant combien de temps exactement le booster va conférer une protection. « En Israël, on a des données qui montrent que l’efficacité 3e dose diminue dans le temps. Ça a l’air de diminuer moins vite (que la deuxième), mais ça diminue », nous explique l’immunologue.
L’Agence européenne des Médicaments se montre elle aussi frileuse sur la généralisation d'une 4e dose. « Si nous avons une stratégie selon laquelle nous vaccinons tous les 4 mois, nous finirons par avoir potentiellement des problèmes de réponse immunitaire », a déclaré Marco Cavaleri, chef de la stratégie vaccinale de l’Agence, dont les propos ont été rapportés par l'AFP. « Et deuxièmement il y a bien sûr le risque de lassitude la population avec l’administration continue de doses de rappel ». Selon le responsable, « les pays devraient plutôt commencer à penser à espacer les rappels à des intervalles plus longs et à les administrer au début de l’hiver, comme le vaccin contre la grippe ».
Une 4e dose d’un vaccin adapté à Omicron?
C'est aussi l'avis du patron de Moderna, Stéphane Bancel. Le 6 janvier dernier, le directeur français de la firme a déclaré que « nous aurons besoin de booster à l’automne 2022 et au-delà ». Précisant qu’il serait « surpris » de voir les effets de la 3e dose se maintenir au fil du temps.
Il est rejoint par l'immunologue Eric Muraille, pour qui la question de la 4e dose ne devrait se poser qu'à l'automne prochain. D'autant plus que le groupe Pfizer a promis un vaccin spécifique au nouveau variant pour le mois de mars. Reste cependant que le processus d'autorisation par les régulateurs, mais aussi d'achats et de production des sérums prennent du temps. Ce nouveau vaccin pourrait ainsi n'être disponible qu'à l'été. Une période qui coïncide avec un ralentissement de l’épidémie. Selon Eric Muraille, cette 4e dose d'un vaccin « spécial » Omicron sera « certainement » nécessaire « pour les personnes âgées et à comorbidité pour le prochain hiver. Cela rentrera en quelque sorte dans un schéma comme celui de la grippe, avec une actualisation de la vaccination pour ces personnes ».
De manière globale, l'immunologue estime que ce vaccin adapté sera plus intéressant dans l’optique d’une 4e dose. « Omicron est vraiment à part par rapport aux autres variants. Si ça continue comme ça, on va s’éloigner de plus en plus du variant original, qui a servi à faire le vaccin. Et on risque d’avoir mécaniquement des rappels moins efficaces », nous explique-t-il. « Si un vaccin adapté à Omicron sort dans quelques mois, il est clair que ce sera mieux d’utiliser celui-là, plutôt qu’un vaccin adapté à la souche originale, qui n’existe plus vraiment dans la nature ».
Quant à la généralisation potentielle de cette 4e dose, l'expert concède que cela dépendra de l’évolution du virus. « Si le virus continue à évoluer et à faire des « sauts » comme il l’a fait avec Omicron, si on se retrouve encore avec un virus très différent de la souche originale, il faudra d’autres vaccins. Et une partie de l’immunité qu’on aura construite sera perdue ». « Mais on n’en est pas là », précise Eric Muraille. Qui souligne que le pic Omicron va renforcer fortement l’immunité de la population, avec la vaccination et le nombre important de personnes qui vont être infectées dans les prochaines semaines.