La vaccination obligatoire admissible pour le CSS, les experts réservés

Pour le CSS, la vaccination obligatoire anti-Covid est envisageable selon une démarche balisée. En même temps, les experts montrent leurs réserves.

Vaccination anti-Covid à Liège
Vaccination anti-Covid à Liège @BelgaImage

Une obligation vaccinale d'une durée limitée est admissible, estime le Conseil supérieur de la Santé (CSS) dans un avis rendu public vendredi. En parallèle, après quatre journées d'auditions en commission santé de la Chambre, il ressort que l'obligation vaccinale en population générale contre le Covid-19 ne convainc pas ou peu les experts, même si cette option reste préférable à la mise en place d'un pass vaccinal. Avant le début de ces auditions, il n'existait déjà pas de majorité politique en faveur de l'obligation pour toute la population. Cette éventualité semble encore s'éloigner davantage. Au total, seule l'Absym (Association Belge des Syndicats Médicaux) s'est prononcée résolument en faveur de cette obligation vaccinale. Les autres experts entendus ont apporté de nombreuses nuances et bémols.

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Une obligation sur mesure selon l'objectif des autorités

Le CSS était invité dans l'après-midi par la commission santé de la Chambre. Dans un communiqué publié avant l'audition de son président Jean Nève, il estime toutefois que la pertinence de l'obligation vaccinale devrait être revue régulièrement, par exemple chaque année, en fonction de l'avancée des connaissances sur des futurs variants, des nouveaux vaccins (en cours de développement) et la situation épidémiologique du moment.

Le CSS met aussi l'accent sur l'objectif que les autorités politiques souhaitent poursuivre. Par exemple, si l'objectif des autorités est de réduire la mortalité, l'obligation pourrait ne s'appliquer qu'aux personnes de - par exemple - plus de 65 ans. Si l'objectif principal est de soulager le système hospitalier et de minimiser le report des soins, une limite d'âge à partir de 40 ans et plus serait pertinente. Une obligation pour l'ensemble de la population adulte pourrait, elle, avoir comme objectif de limiter la surcharge de travail des médecins généralistes et des soins primaires.

Une obligation contre-productive?

Avant le CSS, l'Institut Fédéral des Droits Humains (IFDH) s'est également exprimé devant les députés. Selon sa présidente Eva Brems, la vaccination obligatoire peut être compatible avec les droits humains, mais uniquement si elle est nécessaire pour protéger la santé publique et si les sanctions en cas de non-respect sont proportionnées. L'IFDH a par ailleurs appelé à une évaluation du système du Covid Safe Ticket (CST) : «il faut démontrer qu'un certificat sanitaire prévient les infections et contribue ainsi à la protection de la santé publique. Lorsque le certificat ne remplit plus cette fonction, sa nécessité doit être reconsidérée». Pour l'IFDH, la proposition du commissaire corona Pedro Facon de passer à un pass vaccinal est «problématique».

Heidi Larson, de la London School of Hygiene & Tropical Medicine, également invitée, a pour sa part attiré l'attention des députés sur le risque d'une approche «top-down» (du haut vers le bas) qui pourrait renforcer l'hésitation vaccinale. L'introduction d'un pass sanitaire a ainsi permis d'augmenter les taux de vaccination, mais pas la confiance dans les vaccins, a-t-elle observé. Une approche locale et de terrain est à ses yeux préférable.

L'importance de cette approche au plus près du terrain a été confirmée par Wouter Arrazola de Oñate, du Fond flamand des Affections Respiratoires (Vlaamse Vereniging voor Respiratoire Gezondheidszorg en Tuberculosebestrijding - VRGT) et Pierre Smeesters, infectiologue à l'Hôpital universitaire des Enfants-Reine Fabiola à Bruxelles. «Une obligation vaccinale ne fonctionne pas très bien et peut avoir des effets contre-productifs», a dit le premier en exprimant des craintes d'effets sur les autres programmes de vaccination. La confiance est également le maître-mot prononcé par M. Smeesters, qui juge «compliqué» de passer à l'obligation. «Il est normal d'avoir besoin d'explications et de pédagogie. Un travers constaté est de trop se concentrer sur la frange extrême - complotiste - du spectre des hésitants». Selon lui, le travail d'information peut se réaliser via plusieurs axes : organiser, éduquer, expliquer et «débunker» (démythifier).

En quête d'un véritable «saut qualitatif»

Selon le Comité de bioéthique, cette obligation vaccinale doit être assurée par un schéma vaccinal étayé par un consensus scientifique clair, ce qui, à ses yeux, n'est pas le cas pour le moment en raison des incertitudes planant autour de l'évolution de la pandémie.

Certains experts, dont le professeur Vincent Yzerbyt (UCLouvain), du groupe psychologue et corona, ont toutefois appelé à anticiper en cas de résurgence d'un variant plus virulent. Son collègue Maarten Vansteenkiste, professeur en psychologie sociale à l'UGent qui participe au baromètre de la motivation, a jugé qu'imposer la vaccination était «peu efficace», au regard du fort taux de vaccination que connaît la Belgique. Le caractère «irréductible» ou «noyau dur» des personnes qui ne sont pas encore vaccinées à également été pointé. Pour Unia, l'obligation vaccinale est uniquement justifiée en cas de vrai «saut qualitatif» dans la lutte contre la pandémie, ce qui ne semble pas être le cas dans le contexte actuel.

Les auditions ont été notamment marquées par la suggestion de Marius Gilbert (ULB). Le professeur a proposé d'obliger les personnes non vaccinées à s'entretenir avec du personnel soignant formé à cet effet. Cet entretien obligatoire n'aurait pas pour objectif de «convaincre» mais bien de «rétablir la confiance, de mieux comprendre la décision de ne pas se faire vacciner et d'informer».

La vaccination obligatoire en population générale n'a pas davantage convaincu les experts en microbiologie. Emmanuel André (KULeuven) a ainsi estimé qu'il était peu probable que l'on ait encore besoin de booster à l'avenir pour les personnes ne souffrant pas de comorbidités. Le vaccin a permis de franchir un premier palier d'immunité, les paliers suivants pouvant alors être franchis plus facilement grâce aux futures infections.

Crash test

D'un point de vue juridique, si le fédéral prenait la décision de procéder à la vaccination obligatoire, celle-ci devrait aussi passer un «crash test» juridique préalable, a expliqué le professeur Marc Verdussen (UCLouvain). Bernard Dubuisson professeur en droit de la responsabilité et droit des assurances à l'UCLouvain, a lui appelé à confirmer explicitement dans l'éventuelle loi la compétence du Fonds des Accidents Médicaux pour l'indemnisation des patients victimes d'effets indésirables «suffisamment graves».

La vaccination obligatoire du personnel soignant, actuellement sur la table du kern, a été peu abordée en tant que telle. Le Covid Safe Ticket et l'éventualité de passer d'un pass sanitaire à un pass vaccinal a par contre été rejetée à l'unanimité par les experts entendus. «À choisir, on préfère une obligation vaccinale à un pass vaccinal», a notamment lancé la Ligue des Drois Humains (LDH). La conférence de présidents, chargée d'organiser les travaux de la Chambre, a confié mercredi à la commission santé d'également procéder à un débat sur ce point. La discussion sur la manière de travailler reprendra lors de la prochaine séance de commission mardi prochain.

Les travaux concernant l'obligation vaccinale ne sont pas clos. La commission procédera encore à l'audition de Pedro Facon le 16 février après-midi. Le commissaire corona a déjà rendu un rapport dans lequel il a exprimé sa préférence pour un pass vaccinal plutôt qu'une obligation vaccinale. La commission entendra également les partenaires sociaux, à une date encore indéterminée. Plusieurs députés ont aussi suggéré d'entendre des experts en matière de protection des données personnelles.

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