
Contraception masculine: pourquoi la pilule ne passe pas ?

Là où une femme est potentiellement fertile quelques jours par mois au cours de ses cycles, un homme lui l’est tous les jours. Tant qu’un homme est en bonne santé, sa fertilité est (quasi) assurée. Dans un tel contexte, il paraitrait logique que la gent masculine ait aussi son rôle à jouer dans la contraception. Qu’au lieu de contrôler une fertilité passagère, on devrait peut-être s’intéresser à la constante. Mais force est de constater, que la pilule, chez les hommes, elle ne passe pas.
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Des recherches qui piétinent
«La pilule pour homme, elle n’existe pas encore, mais je crois avec confiance que nous l’aurons dans quelques année». C’est ce qu’affirmait le docteur Robert Schoysman devant les caméras de la RTBF en 1978. Plus de quarante ans plus tard, elle n’est toujours pas là notre chère pilule. Alors qu’est-ce qui s’est passé ?
Car malgré les énormes progrès de la science, actuellement, la seule méthode de contraception masculine officiellement reconnue et disponible est l’usage de préservatif. Et malgré quelques poussées et nouveautés, la situation n’évolue pas tellement. Oui, il existe des alternatives ou d’autres potentielles solutions, mais aucune ne semble trouver grâce aux yeux de l’OMS. Ces dernières restent donc très souvent marginalisées ou peu suivies, avec un réel manque de connaissance de la part du corps médical, ce qui n’encourage pas spécialement lest hommes a prendre une part active dans le domaine de la contraception.
« On est en retard sur le phénomène social », confie le Dr Cédric Pé, médecin généraliste et en planning familial à Bruxelles, à nos confrères de la RTBF. « Les médecins en tout cas, et les structures qui s’occupent de la contraception, on est en retard sur cette demande de contraception masculine. On a du mal à absorber la demande et on n’est pas assez formés pour cela. »
Changer de slip
Car malgré un manque de solution pérenne, les hommes semblent s’intéresser de plus en plus à la contraception. C’est ce que souligne le docteur Daniel Murillo, gynécologue au CHU Saint-Pierre à Bruxelles et formé en andrologie : «Ce sont les 20 à 30 ans qui sont vraiment intéressé par la contraception masculine » explique-t-il « Il y a chez eux une remise en question du partage de la charge contraceptive dans le couple.»
Parce que les hommes n’ont pas spécialement attendu la science pour essayer de faire bouger les lignes. C’est avec un slip que ceux-ci tente de contrôler, eux aussi, leur fertilité. Le principe ? Un slip « chauffant » ! Ce sous-vêtement pas comme les autres remontent les testicules de son porteur, augmentant donc légèrement leur températures ce qui permet l’arrêt de production de spermatozoïdes. Il est à porter 15 heures par jour, 7 jours sur 7 et ses effets sont totalement réversibles.
Cependant les professionnels des soins de santé tempèrent. Si il est vrai que cette technique semble faire ses preuves et semble être réellement efficace, elle n’est pas encore reconnue comme une méthode de contraception officielle.
De plus, cette pratique ne se démarre pas du jour au lendemain. L’homme intéressé doit d’abord se plier à une spermogramme afin de vérifier son taux de spermatozoïdes. Il doit ensuite porter le slip chauffant pendant trois mois, tous les jours, pour que le nombre de spermatozoïdes ne soit plus suffisant pour être fertile. Après cette période, il doit refaire une analyse pour vérifier qu’il est bien stérile. Et ce n’est qu’une fois que ce résultat est confirmé que le slip peut être utilisé comme moyen contraceptif.
Si la méthode peut faire sourire, elle reste néanmoins recommandée par des spécialistes. « C’est une méthode en toute autonomie, ce n’est pas hormonal, c’est sans intervention de tiers, il suffit de le porter du lever au coucher, 7 jours sur 7. Ça peut paraître contraignant mais je pense qu’on s’y habitue. Je trouve que c’est une bonne alternative qu’on peut se procurer assez facilement", conclut Daniel Murillo.
Le poids des traditions
Cependant, il parait pertinent de souligner que la méthode n’est pas dénuée de part d’ombre. Si elle semble effective, rien n’a encore été observé sur le long terme. Le risque de complication (cancer des testicules ou autres) n’est pas encore tout à fait éloigné non plus.
En 2022, la contraception reste donc bel et bien une histoire de femmes. Et la charge contraceptive pèse plus sur ces dernières. Rien que dans notre approche de l’éducation sexuelle chez les jeunes. "les jeunes femmes sont sensibilisées sur la contraception et les risques de grossesse et les jeunes hommes sur les infections sexuellement transmissibles (IST)", déplore Erwan Taverne, cofondateur de l'association Garcon (Groupe d'action et de recherche pour la contraception) et défenseur de la méthode du "slip chauffant".
Et comme l’explique Daniel Murillo, le manque de choix en matière de contraceptions masculine est également historique : « il y a plusieurs frein. D’abord, il y a eu le mouvement féministe dans les années 60, l’émancipation féminine et le contrôle de la fertilité. On a fait des études sur la contraception féminine. La première pilule a été commercialisée à ce moment-là. Et dans le même temps, il y avait aussi des pistes masculines mais qui ont été dirigées vers la contraception définitive, donc la vasectomie. D’autres pistes ont été explorées mais ne sont pas allés jusqu’au développement complet du produit mis sur le marché, notamment par manque d’intérêt des entreprises pharmaceutiques qui n’y voient pas d’intérêt commercial évident".
C’est peut-être là, au final, le frein le plus grand à la contraception masculine. L’industrie pharmaceutique et son intérêt mercantile qui malgré les véhémences des groupuscules féministes et l’envie de certains hommes de prendre part active dans la contraception, ne semble pas prête à évoluer…