Le don de sang des homosexuels doit-il être autorisé sans abstinence?

Des associations veulent la fin de l'abstinence requise pour le don de sang des homosexuels. Une position en partie appuyée par un avis du CSS.

Don de sang
Une personne faisant un don son sang @BelgaImage

Il est nécessaire d'aligner la période d'abstinence avant un don de sang des homosexuels à celle des hétérosexuels et de réviser le questionnaire préalable au don, plaident mercredi plusieurs associations LGBTQIA+ dans une carte blanche. Cette prise de position intervient alors qu'un vote visant à réduire la période d'abstinence avant le don de sang de 12 à 4 mois pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d'autres hommes (HSH) est annoncé jeudi. Pour appuyer sa position, Prisme (ex-Arc-en-ciel Wallonie) se repose sur un récent avis du Conseil Supérieur de la Santé (CSS).

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Un principe de précaution caduc et discriminatoire

«Bien que cette stratégie puisse apparaître comme une stratégie 'par étapes' censée aboutir dans 'quelques années' à la fin totale de cette discrimination, nous sommes d'avis qu'il faut dès à présent aligner les périodes d'abstinence entre donneurs hétérosexuels et homosexuels en fonction de leurs comportements sexuels à risque individuels et réviser le questionnaire préalable au don du sang pour ne plus discriminer ni exclure les donneurs sur base de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leurs caractères sexuels», demandent les signataires.

Selon ces derniers, les deux arguments opposés à un traitement indifférencié pour tous, à savoir «le principe de précaution lié à une plus forte prévalence du VIH chez les HSH et la difficulté que supposerait une auto-évaluation des risques par les donneurs de sang», sont caduques. Concernant le VIH, d'autres pays, comme l'Afrique du Sud ou l'Argentine, ont prouvés par l'expérience qu'ouvrir les dons de sang aux donneurs à risque augmentait les volumes de sang donnés «sans qu'aucun changement significatif n'ait été observé en ce qui concerne le VIH et d'autres infections sexuellement transmissibles», à condition de mettre en place des systèmes adéquats d'analyse du sang.

Le questionnaire pré-don, lui, est discriminatoire car basé sur le sexe du partenaire du donneur et non sur son comportement sexuel. «Cela signifie que le seul fait d'être homosexuel interdit de facto de donner son sang», s'insurgent les signataires. Ce questionnaire doit être adapté afin de considérer non pas l'orientation sexuelle des donneurs mais bien leurs pratiques car seules ces dernières permettent réellement d'apprécier le risque lié au don de sang. En outre, le questionnaire pré-don comporte la question «Votre sexe actuel correspond-il à votre sexe enregistré à la naissance?», qui constitue un traitement discriminatoire envers les personnes intersexes ainsi que les personnes transgenres et alimente la confusion entre sexe et genre. «À l'heure où la Croix-Rouge de Belgique connaît une baisse inquiétante du nombre de dons de sang. La Belgique doit adapter la loi du 5 juillet 1994 relative au sang et aux dérivés du sang d'origine humaine pour qu'elle respecte les droits fondamentaux des personnes LGBTQIA+», concluent les associations.

Un risque si bas que l'obligation d'abstinence «ne semble plus légitime»

Auparavant, Arc-en-Ciel Wallonie (depuis renommée Prisme) avait mis en évidence le fait que le 28 mars dernier, le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) s'était déjà prononcé sur la question du don de sang pour les hommes homosexuels et bisexuels. Dans cet avis, le CSS déclarait: «le risque de transmission du VIH par transfusion a atteint en Belgique un niveau tellement bas qu’il ne semble plus légitime de justifier un ajournement temporaire spécial des donneurs hommes ayant des rapports sexuels entre hommes» (HSH). «Les données provenant d’autres pays, évaluées ici et auparavant, dans l’avis CSS de 2016, montrent fondamentalement qu’une bonne observance des règles de sélection lors de l’entretien pré-don et un dépistage génomique performant permettent de maintenir la sécurité transfusionnelle et dans certains contextes de l’améliorer», ajoute le CSS. Il s'avère d'ailleurs que les homosexuels sont plus attentifs à se faire tester pour le VIH. Le dépistage tardif ne concerne ainsi que 20% des HSH, contre 50% pour les hétérosexuels.

Le membres du Conseil ont ensuite discuté des recommandations à donner aux autorités en la matière. Fallait-il réduire la durée d'abstinence des HSH à quatre mois (comme le prévoit le nouveau projet de loi) ou la supprimer complètement? La question a fait l'objet d'un rude débat. Quatre des huit experts en transfusion mobilisés ont demandé à ce que la levée totale de ce critère soit «envisageable à court terme, sous réserve d'une concertation des acteurs du secteur et d'une organisation professionnelle des adaptations nécessaires, notamment des questionnaires et des entretiens pré-don». Quatre autres experts ont toutefois préféré l'option des quatre mois.

La Belgique devient aujourd'hui de plus en plus isolée en Europe de l'Ouest sur l'imposition d'une abstinence aux homosexuels donnant leur sang. L'Italie a déjà supprimé cette mesure au début des années 2000. Depuis, les Pays-Bas, l'Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni ont fait de même. Le 16 mars 2022, la France a décidé de lever à son tour l'obligation d'abstinence.

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