Vaccins contre la variole du singe: pourquoi la Belgique en a moins que ses voisins?

La Belgique est en retard sur de nombreux pays d'Europe de l'Ouest quant au nombre de vaccins disponibles contre la variole du singe, et cela s'explique.

Vaccins pour la variole du singe
Doses de vaccins pour la variole du singe, à Chicago le 18 juillet 2022 @BelgaImage

Depuis quelques jours, une nouvelle phase de la vaccination contre la variole du singe a commencé en Belgique. Réservée d'abord aux personnes avec un contact non-protégé à haut risque avec des malades, dont les soignants, elle est désormais accessible à des groupes supplémentaires. Peuvent ainsi se faire vacciner les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes et ayant déjà été exposés à d'autres virus type VIH ou ayant contracté «au moins deux maladies sexuellement transmissibles au cours de la dernière année». Idem pour les travailleurs du sexe masculins et transgenres, les personnes à risque avec troubles immunitaires, ainsi que le personnel de laboratoire chargé des cultures virales.

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La campagne de vaccination avance donc et pourtant, l'écart est désormais évident entre la Belgique et les pays voisins. Comparativement, le nombre de doses est très bas chez nous. Un fait qui met en lumière les différences de stratégies sanitaires entre États.

Le retard sans équivoque de la Belgique

Si on fait les comptes, la Belgique ne dispose pour l'instant que d'une commande de 3.040 doses. Puisqu'il faut à chaque fois deux injections (sauf exceptions), cela revient à vacciner seulement 1.500 personnes. Une livraison de 30.000 autres doses n'arrivera qu'à partir d'octobre prochain. Passons maintenant à nos voisins. En France, la vaccination a débuté fin mai. Selon le ministre de la Santé François Braun, 11.000 individus ont déjà pu recevoir une injection et le gouvernement «a déstocké 42.000 doses, 32.000 sont déjà disponibles, pour 7.000 personnes vaccinées». Aux Pays-Bas, où la campagne de vaccination a commencé la semaine dernière, 32.000 habitants vont être vaccinés. Le Royaume-Uni bénéficie déjà de 30.000 doses et devrait en recevoir bientôt 100.000 autres. Enfin, en Allemagne, 40.000-45.000 doses sont disponibles depuis début juillet, sans compter les 200.000 qui arriveront fin septembre.

Logiquement, tous ces pays peuvent dès maintenant élargir leurs groupes cibles plus rapidement qu'en Belgique. En France par exemple, les communautés où de nombreux cas ont été répertoriés, à savoir notamment les homosexuels et bisexuels multipartenaires, peuvent avoir accès à la vaccination. Il est également possible de faire dans ces pays une vaccination complète de deux doses espacées d'au moins quatre semaines, là où la Belgique ne peut pour l'instant en offrir qu'une seule (outre-Quiévrain, une dose est suffisante pour ceux déjà vaccinés contre la variole classique, et il en faut trois pour les immunodéficients).

Des stocks préexistants aux commandes: à chacun sa tactique

Pour comprendre pourquoi la Belgique est à ce point à la traîne, il faut regarder aux précautions prises par chaque pays. Aux Pays-Bas, les autorités «ont complètement remplacé il y a quelques années leur stock classique de vaccins antivarioliques par des vaccins de troisième génération, que l'on peut utiliser contre le variole du singe», explique à la VRT le vaccinologue Pierre Van Damme de l'université d'Anvers. La France dispose aussi d'un stock «très conséquent» selon François Braun, qui n'en précise pas exactement l'ampleur en vertu du principe du «secret défense». En Allemagne, le gouvernement est rapidement passé à l'action pour faire une commande nationale.

Chez nous, la stratégie a été différente. La Belgique s'est associée à d'autres pays européens pour faire un achat groupé auprès du seul fournisseur existant, Bavarian Nordic. Les 160.000 doses commandées doivent maintenant être réparties (selon le nombre d'habitants, de contaminés, des stocks déjà disponibles, etc.). La Belgique en a ainsi reçu quelques-unes, là où certains États n'ont pour l'instant rien du tout comme le Danemark. Au Luxembourg, la première livraison (1.400 doses) ne devrait arriver qu'au cours du mois d'août. Madrid en a reçu 5.300 fin juin et ne devrait en recevoir que 7.000 de plus d'ici quelques semaines, alors que l'Espagne est l'un des pays les plus touchés par la maladie.

Une hausse exponentielle des cas qui inquiète

Parmi les professionnels de santé, ce manque de vaccins est de plus en plus préoccupant au vu du nombre de contaminations. Bien que la variole du singe soit généralement une maladie bénigne (avec de rares hospitalisations), des cas de décès hors-Afrique commencent à être répertoriés: deux en Espagne, un au Brésil, un en Inde et un au Pérou. «Ce qui inquiète, c'est l'allure de la courbe [des infections, ndlr] qui est exponentielle», explique à France Info le Pr Éric Caumes, spécialiste des maladies infectieuses. En Belgique, 393 infections ont été confirmées. En Espagne, ils sont près de 4.000 et en France environ 2.000.

Le problème, c'est aussi que la demande est énorme. En Allemagne, malgré un apport total prévu de 250.000 doses, l'association AIDS-Hilfe voudrait que Berlin fasse une commande supplémentaire pour en avoir au total un million et ainsi pouvoir satisfaire tout le monde. En Belgique, Jean-Christophe Goffard, directeur du service de médecine interne de l’hôpital Erasme, fait savoir à la RTBF que dans le centre de santé sexuelle de son établissement, «on a déjà probablement 1200 candidats et nous sommes un petit centre par rapport à d’autres». Pour l'heure, seuls neuf centres de référence existent. «Si le nombre de cas augmente et s’étend à la population générale, parce qu’on n’a pas réagi assez vite avec la vaccination, c’est inquiétant. On aurait dû faire comme la France, vacciner déjà bien plus tôt, malheureusement, on est de nouveau un petit peu en retard par rapport à d’autres pays. Ça nous arrive souvent. Je pense que le processus de décision en Belgique est parfois un peu lent». «Par rapport à la demande extrêmement importante de vaccination, que ce soit en Belgique ou dans d'autres pays à travers le monde, il n'y a pas assez de doses pour vacciner cette population. Ces personnes continuent donc d'être exposées jour après jour à ce virus et donc l'épidémie continue à progresser, bien qu'on ait un outil à disposition», conclut le virologue Emmanuel André.

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