
Vaccination contre le Covid-19: une quatrième dose pour qui et pourquoi?

Depuis des mois, on l’annonçait, cette dernière campagne de vaccination. Et depuis des semaines on la repoussait… Foi de spots radio et de messages publicitaires cette fois, c’est la bonne. Les modalités de délivrance mettront probablement un peu de temps à trouver leur vitesse de croisière. À partir de ce 12 septembre, toutes les personnes considérées comme à risque et le personnel de première ligne - les personnes de 65 ans et plus, les immunodéprimés, le personnel des maisons de repos et celui du secteur de la santé - recevront par la poste une invitation à se faire vacciner. Ensuite, la campagne visera le reste des Belges. Pour cette deuxième phase, la stratégie sera différente au nord et au sud du pays. En Wallonie, seuls les habitants de plus de 50 ans recevront une invitation personnelle. À Bruxelles, une invitation sera envoyée uniquement aux plus de 65 ans. Mais les moins de 65 ans pourront bénéficier gratuitement de la 4e dose du nouveau vaccin ARNm “bivalent”, car basé sur deux souches Covid à la fois: l’originelle et une souche Omicron. Il vient d’être approuvé par l’Agence européenne des médicaments (EMA) et peut donc être enfin délivré.
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Ce que l’on peut retenir des informations officielles tient en fait en une phrase: toute personne âgée de plus de 18 ans aura la possibilité de bénéficier d’un rappel automnal. Pour les enfants et les jeunes, des données scientifiques supplémentaires sont encore attendues. Donc, ce n’est pas à l’agenda. Cependant, les stagiaires dans les institutions de soins et les jeunes vulnérables de moins de 18 ans bénéficieront d’une exception et pourront recevoir une dose supplémentaire. Il faut reconnaître que le ton utilisé dans la littérature d’info-coronavirus.be au sujet de cette quatrième dose est sensiblement différent des précédentes campagnes. Ici, pas de “fortes recommandations” qui, alliées au “pass sanitaire”, équivalaient dans les faits à une obligation vaccinale. On indique, sans dramatiser, que ce n’est pas obligatoire mais que plus il y aura de personnes protégées du Covid, moins notre système de soins sera surchargé. Alors, cette 4e dose, pour qui et pourquoi?
“Pour des raisons économiques et médicales: à tout le monde…”
Steven Van Gucht est virologue, spécialisé dans les zoonoses émergentes, il est président du Comité scientifique et chef du service Maladies virales de Sciensano.
“Je crois que cette 4e dose est très fortement recommandée pour les gens qui sont à risque: les gens âgés, avec une faible immunité ou des comorbidités (maladies de cœur, maladies pulmonaires, diabète, hypertension, etc.). Mais aussi pour toutes les personnes âgées de plus de 50 ans pour leur éviter qu’elles ne développent des formes graves de la maladie. On l’a montré: le vaccin fonctionne bien, mais, avec le temps, la protection diminue. Et donc le risque de devenir très malade augmente. Surtout lorsque la dernière dose date de plus de 6 mois. Les prévisions sont très claires: la circulation du virus va exploser durant l’automne et pendant l’hiver. On risque une nouvelle vague et sur une très longue période. Se faire vacciner en septembre et en octobre devrait permettre au système de soins de santé de fonctionner correctement. Je crois également qu’il est utile que les gens âgés de 18 à 50 ans se fassent vacciner. Même si l’on sait statistiquement que les gens appartenant à cette tranche d’âge ne souffrant pas de comorbidités ont très peu de chances d’atterrir à l’hôpital avec un Covid sévère.
Le risque ne se situe pas dans les possibilités d’engorgement du système hospitalier mais a trait à l’économie. La prise de la 4e dose par les 18-50 ans limitera l’absentéisme dans les entreprises. Les jeunes en bonne santé peuvent, sans pour autant aller à l’hôpital, contracter le virus du Covid qui va les éloigner du travail pendant une ou deux semaines. Sans compter qu’ils peuvent également souffrir pour certains d’entre eux d’un Covid long. D’après les études faites sur la population pour la 3e dose, prendre la 4e devrait pour ces jeunes de 18-50 ans limiter les risques de souffrir de symptômes “grippaux” dus à un potentiel Covid de 50 %. La balance bénéfices/désagréments est donc encore favorable. La Flandre va inviter tous les adultes âgés de plus de 18 ans. À Bruxelles et en Wallonie, il faudra être plus proactif, mais ce sera également accessible à tous les adultes âgés de plus de 18 ans. Le vaccin bivalent commence à être livré, on ne s’attend pas à des problèmes de logistique. Et ça, c’est une bonne nouvelle parce que son efficacité couvre deux souches du virus, donc il est plus efficace que le précédent.”
“Plutôt en fonction de l’état général de la personne…”
Nathan Clumeck, professeur émérite de l’ULB et chef honoraire du service des maladies infectieuses du CHU Saint-Pierre, est membre de l’Académie royale de médecine de Belgique.
“Je suis pour la quatrième dose pour les personnes les plus vulnérables. Parce qu’elles vont perdre l’immunité conférée par la 3e dose et parce que le virus risque également de muter. On considère arbitrairement que les personnes les plus vulnérables sont âgées de plus de 65 ans. Mais c’est toujours la même chose avec les limites d’âge: vous pouvez avoir des personnes de 50 ans qui ont, de fait, un âge biologique de 70 ans comme vous pouvez avoir des gens de 70 ans âgés biologiquement de 50 ans… C’est plutôt en fonction de l’état général de la personne. À la suite d’une discussion avec votre médecin traitant qui vous connaît bien, il vous conseillera ou pas prendre cette 4e dose. Cette quatrième dose, c’est ce nouveau vaccin bivalent qui contient la souche originale, la souche Wuhan, et la souche Omicron. Pour une primo-vaccination, on garde le “vieux” vaccin avec la souche “Wuhan”. Ce vaccin bivalent “booste” le vieux vaccin et crée une immunité pour le variant Omicron.
En fonction de l’évolution du Covid, on pourrait adapter le potentiel 5e vaccin à une troisième souche, etc. Mais s’il n’y a pas de nouvelles souches, on pourrait s’en tenir à un “booster” qui réactiverait l’immunité par rapport aux souches présentes. Encore faut-il être capable de fabriquer une réponse immunologique. Si vous êtes un patient cancéreux en chimiothérapie, le booster - ou le vaccin pour une primo-vaccination - ne servira pas à grand-chose puisque vous avez un système immunitaire quasiment absent. Là encore, votre médecin traitant pourra vous indiquer que bien qu’étant une personne vulnérable, votre état exige, non pas un vaccin ou un booster mais un traitement substitutif comme des anticorps monoclonaux ou du Paxlovid. C’est pour cela que les recommandations ne sont pas toujours claires et difficiles à intégrer. On pose la question depuis une perspective de santé publique, c’est-à-dire en termes de populations. Alors que les gens raisonnent en termes d’individus. Ainsi, un message de santé publique peut être entendu par quelqu’un qui ne se sent absolument pas concerné parce qu’il n’appartient pas à une catégorie. À tort ou à raison. Le médecin traitant viendra, lui, individualiser le message à l’état réel de son patient…”