Les effets pervers du porno sur notre cerveau et nos comportements

La science commence à révéler les conséquences neurologiques de l’addiction aux films porno. Elles sont carrément destructrices et vont jusqu’à modifier nos comportements.

Dépendance, dépression, dysfonctionnements sexuels… Le triste bilan des films “réservés” aux plus de 18 ans. © Adobe Stock

À quel point les contenus pour ­adultes modifient-ils notre physiologie et nos comportements ? Laissons de côté les arguments moraux ou religieux et examinons la ­consommation de films X sous l’angle purement scientifique. L’année dernière, Billie Eilish tirait la sonnette d’alarme. “Le porno a détruit mon cerveau !”, confiait la star californienne au micro de la radio américaine Sirius XM. La chanteuse aux sept Grammy Awards y révélait avoir commencé à ­consommer des films X dès l’âge de 11 ans. “J’avais l’habitude de regarder beaucoup de porno, pour être honnête. Ça m’aidait à me sentir cool. Je pense que cela a vraiment détruit mon cerveau et je me sens incroyablement dévastée d’avoir été exposée à tant de pornographie.” S’exprimant sur le risque d’addiction à ce type de contenus, auxquels elle était devenue complètement dépendante, Billie Eilish pointe également le côté artificiel de ces productions - “le corps des femmes ne ressemble pas à ça !” -, mais aussi la façon dont le porno a troublé ses relations ­sexuelles avec ses partenaires. “Les premières fois que j’ai fait l’amour, je ne disais pas non à des ­choses qui me déplaisaient. Je pensais à tort que ces pratiques m’attiraient.” La consommation d’images sexuellement explicites troublerait-elle la notion de consentement ? Que dit la science ?

L’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme l’American Society of Addiction Medicine, reconnaît aujourd’hui que la consommation de cybersexualité (films X, webcam porno…) peut devenir dysfonctionnelle et être associée à des symptômes addictifs. Comme la perte de contrôle ou l’incapacité de diminuer sa consommation de pornographie. Des études indiquent en effet que les personnes qui en font un usage compulsif en demandent toujours plus, même si elles n’aiment pas vraiment cela. Cette différence entre ce que l’on veut et ce que l’on aime est en réalité un symptôme du dérèglement du circuit de la récompense.

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Les vraies femmes vues comme du mauvais porno

Concrètement ? Notre logiciel neuronal est programmé pour répondre à la stimulation sexuelle par la sécrétion de dopamine, un puissant neurotransmetteur fournisseur de plaisir, de récompense, mais aussi de souvenirs. Lorsque le corps ressent le désir de sexe, le cerveau se rappelle alors où il peut s’en procurer. Mais des études scienti­fiques constatent que les gros consommateurs de porno préfèrent souvent se détourner, instinctivement, de leur partenaire pour assouvir leur plaisir devant un smartphone ou un ordinateur. La ­pornographie en ligne serait donc à ce point ­stimulante que le cerveau nous bombarde de dopamine. Et ces taux hormonaux anormalement élevés peuvent endommager le circuit de la récompense et engendrer une accoutumance. Sans oublier les autres symptômes liés aux décharges de dopamine, comme la dépression.

Les accros au porno deviennent donc insensibles aux sources naturelles de plaisir. D’autres études semblent d’ailleurs étayer cela en montrant que le streaming de films X à outrance peut créer des ­dysfonctionnements sexuels, comme l’incapacité d’atteindre l’érection ou l’orgasme avec un partenaire réel. “Les vraies femmes sont alors vues par les hommes comme du mauvais porno”, explique le neurochirurgien américain Donald Hilton à l’AFP. Insensibles aux charmes du sexe “ordinaire”, les addicts aux contenus X auraient alors tendance à rechercher des sensations fortes dans des vidéos de plus en plus trash. Les données communiquées par les grosses plateformes en ligne comme celles fournies par des études indépendantes révèlent d’ailleurs que la grosse majorité des films X les plus visionnés par les internautes contiennent des ­scènes d’agressions physiques sur des femmes. Et cette exposition aux films pornographiques ­violents inquiète particulièrement ce médecin.

Ceci est un extrait de notre dossier Faut-il interdire le porno ?

Moustique magazine

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Ça rend con du cortex

Selon lui, ces contenus feraient des ravages sur les cerveaux, notamment les plus jeunes. “L’apprentissage sous un état de dépendance sculpte le cerveau de manière très dommageable. La récompense de la ­pornographie est un processus de marquage particulièrement puissant que le cerveau n’oublie jamais. Un enfant de 12 ans qui voit de la pornographie hardcore va se dire “c’était génial”. Il peut certes être effrayé, mais ce sentiment sera supplanté par la fascination. Le porno est en train de détruire la faculté de ressentir des émotions.” Décédé l’année dernière, le professeur américain de physiologie et de pathologie Gary Wilson a été l’un des pionniers de la ­recherche sur les effets neurologiques du porno. Auteur du livre Your Brain On Porn, il s’est beaucoup intéressé au côté addictif des films X et à leur impact sur le cortex préfrontal. Cette région du cerveau, active dans la régulation de la volonté, qui atteint sa maturité vers l’âge de 25 ans et nous permet de réfléchir de façon plus sophistiquée et de mieux contrôler nos pulsions et nos passions. À l’instar de la toxicomanie, l’exposition prolongée à ces contenus X provoquerait ainsi une érosion de ce cortex. Le cerveau régresse, fatigue et craque beaucoup trop vite quand l’envie de porno se fait sentir. En quelque sorte, les films pour adultes nous rendraient plus juvéniles.

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Et que penser des résultats obtenus par l’étude sur les impacts neuronaux de l’utilisation intensive de X menée par l’institut Max-Planck de Berlin? Ces scientifiques ont remarqué que les plus gros ­consommateurs étaient aussi ceux qui avaient le moins de matière grise… Ils ont en tout cas établi une association négative entre les heures de pornographie et le volume de matière grise dans le striatum, cette zone du cerveau essentielle dans la prise de décision. Cette hyperactivité neuronale causée par l’exposition au porno entraînerait donc elle aussi une usure du cerveau et un besoin accru de stimulation sexuelle. Ce qui pourrait également expliquer que les consommateurs de porno ont tendance à s’orienter vers des contenus de plus en plus extrêmes. Mais est-ce une simple corrélation ou est-ce un lien de causalité ? Est-ce que les ­personnes qui ont à la base moins de matière grise dans cette partie du cerveau sont davantage ­attirées par ces contenus hyper-stimulants ou, au contraire, est-ce l’exposition à ces films qui pro­voque une régression de cette structure neuronale ? D’autres recherches doivent être menées pour en avoir le cœur net.

Pousse-au-crime

Enfin, la consommation frénétique de porno ne serait pas seulement néfaste pour les consommateurs et leurs partenaires, mais inciterait aussi à commettre des actes d’agression sexuelle. Des scientifiques, notamment de l’Université de Cambridge, attribuent ce phénomène à l’action des neurones miroirs. Des cellules qui s’activent de la même manière lorsqu’on réalise un acte ou que l’on voit cette action effectuée par quelqu’un d’autre. Le cerveau ne distingue plus alors le réel de l’imaginaire. 22 études provenant de 7 pays ont établi des associations entre cette consommation de sexe virtuelle et des agressions réelles. À noter qu’il s’agit le plus souvent de violences verbales, même si l’association avec des agressions physiques est également significative. À nouveau, vu le succès du porno en ligne et des nouvelles ­formes de consommation à venir, il semble urgent de mener des études complémentaires et de prendre en compte le plus de variables possibles. Car si le streaming de contenus pour adultes ne frappe pas tout le monde de la même manière, les plus vulnérables semblent l’être de plein fouet.

X virtuel, risques XL ?

Le porno 3D a été un flop. Celui en réalité virtuelle (VR) fait un tabac. Si le métavers Horizon Worlds, cet univers virtuel développé par la maison mère de Facebook, a déjà été le théâtre des premières agressions sexuelles, Mark Zuckerberg ne semble pas vraiment ouvert à l’idée d’y autoriser des contenus explicites. Le PDG promet même d’établir des “niveaux de sécurité à la Disney”. Reste que l’Oculus Quest, le casque virtuel développé par son conglomérat technologique, permet déjà de visionner des films X. Et des centaines de sites répertorient des vidéos et jeux sexuels spécialement conçus pour la VR. Sur l’une des plateformes reines du porno, on en dénombre déjà plus de 4.000. Alors que l’on découvre à peine les conséquences néfastes de la surconsommation de films X sur nos cerveaux, on n’ose imaginer les dégâts que pourrait provoquer cette immersion complète à 360°.

porno en 3D réalité virtuelle

Le porno en
réalité virtuelle
cartonne. On
n’ose imaginer
les dégâts
provoqués par
cette immersion
complète à 360°. © Adobe Stock

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