Santé mentale : les Belges prennent trop d'antidépresseurs, et mal

Les Belges consomment-ils trop d'antidépresseurs ? Avec 362 millions de doses en 2021, sans compter les anxiolytiques, la réponse est oui.

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Les chiffres donnent le tournis. Selon la Mutualité libre, un Belge sur 10 - et surtout des femmes - a consommé des
­antidépresseurs entre 2018 et 2020. En 2021, plus de 362 millions de doses ont été délivrées en pharmacie. De nombreux malades les cumulent avec des anxiolytiques ou des médicaments apparentés (Xanax, Zolpidem, Lexotan ou autre Valium) dont 1,1 million de doses journalières définies (“DDD”) ont été consommées la même année.

Face à ces chiffres, de nombreux médecins et spécialistes de la pharmacologie tirent la ­sonnette d’alarme. “Nous utilisons beaucoup trop d’antidépresseurs et d’anxiolytiques”, lâche le Dr Isabelle Dagneaux, à la fois généraliste à Ottignies et philosophe de la santé. “Trop”, cela veut dire que parmi le(s) million(s) de patients belges actuellement sous traitement, certains ne devraient pas l’être. “Les antidépresseurs ont été conçus pour traiter la dépression moyenne et sévère. Or ils sont trop souvent prescrits pour traiter des formes légères de la maladie.” Pour ces derniers, mieux vaudrait privilégier le sport ou un suivi thérapeutique.

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Risque de dépendance

Le docteur Éric Constantin, directeur médical de la Clinique Notre-Dame des Anges à Liège, ancien chef de clinique en psychiatrie à Saint-Luc, ­souligne lui aussi cet état de fait: “On prescrit trop de benzodiazépines (la grande famille des médicaments contre l’anxiété, ndlr) à des gens qui présentent de l’anxiété chronique, alors qu’il n’est pas recommandé d’utiliser ces médicaments à long terme à cause d’un risque de dépendance physique et psychologique”. Il pointe en outre le risque d’accoutumance au Xanax et compagnie. La tolérance des patients est renforcée avec le temps. S’ils consomment le produit sur le long terme, ils doivent augmenter les doses pour ressentir des effets similaires. En plus de prendre “trop” de médicaments, les Belges les prendraient donc “mal”.

Mais si les médecins connaissent ces abus, pourquoi continuent-ils à en prescrire autant ? On peut citer au moins trois "coupables" : les médecins généralistes qui manquent de temps, les patients eux-mêmes qui réclament de plus en plus d'antidépresseurs et les industries pharmaceutiques qui mènent des campagnes de marketing intenses.

Retrouvez notre dossier complet : La Belgique sous antidépresseurs

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