
Deux fois plus de cancers du pancréas en Belgique: quelles en sont les raisons?

Selon les chiffres du registre belge du cancer, il y a aujourd'hui deux fois plus de patients atteints du cancer du pancréas comparé à il y a 15 ans. C'est ce que relève cette semaine le quotidien flamand De Morgen qui a contacté plusieurs hôpitaux pour savoir si cette tendance se reflétait sur le terrain. Résultat: entre la période pré-Covid et janvier 2023, l'augmentation est de 25 à 60% selon les établissements. Une tendance d'autant plus inquiétante que le cancer du pancréas est particulièrement mortel. Selon la Fondation contre le cancer, le taux de survie n'est que de 13%. L'organisation déclare que les «facteurs de risque sont assez mal connus», mais elle note malgré tout que plusieurs causes peuvent être pointées du doigt.
La lecture de votre article continue ci-dessous
La cigarette, cet éternel ennemi
Pour la Fondation contre le cancer, le principal risque de développer un cancer du pancréas est le tabagisme. «Les fumeurs sont deux fois plus souvent atteints que les non-fumeurs», déclare-t-elle. À l'échelle individuelle, la consommation de cigarette «multiplierait par trois le risque de cancer pancréatique», précise la Fondation Arc pour la recherche sur le cancer, qui estime que 30% des cas recensés dans le monde serait lié au tabagisme (actif et passif).
La question, c'est de savoir pourquoi le nombre de cancers du pancréas explose alors que les Belges se détournent progressivement du tabac. Selon les derniers chiffres, on compte aujourd'hui 24% de fumeurs et malgré un rebond de ce pourcentage pendant la crise du Covid, la tendance est bel et bien à la baisse. En 2013, ils étaient 27%, selon la dernière enquête de la Fondation contre le cancer.
À lire: Que manque-t-il aux fumeurs pour qu'ils arrêtent de fumer?
D'après le professeur et chirurgien pancréatique Nouredin Messaoudi, de UZ Brussel, les effets du tabagisme peuvent toutefois se faire ressentir sur le long terme. «L'effet des personnes dans la trentaine qui arrêtent de fumer ne devient perceptible qu'à l'âge de 70 ans» à ce niveau-là, affirme-t-il au Morgen. Or 84% des cas de cancers du pancréas recensés en Belgique apparaissent après 60 ans, d'où le besoin de rester attentif à d'éventuels signaux de l'apparition de la maladie pour les fumeurs et ex-fumeurs.
Obésité, alcool et diabète: le combo mortel
Un autre facteur du cancer du pancréas, c'est l'obésité, notamment en cas de «régime alimentaire riche en graisses et en protéines animales», précise la Fondation contre le cancer. Une consommation élevée et régulière d’alcool n'aide pas puisque cela favorise le développement d’une inflammation chronique locale du pancréas, ajoute la Fondation Arc. Puis c'est sans compter sur le diabète de type 2. Les personnes qui ont développé cette maladie ont deux fois plus de risque d'être atteint d'un cancer du pancréas.
À lire: Chiffres, traitement, coût... Où en est-on avec le diabète ?
Sur ce dernier point, l'Agence InterMutualiste (IMA) note qu'entre 2008 et 2017, de plus en plus de Belges sont diabétiques. D'après ses données, le pourcentage de patients en Belgique est passé de 5,1% à 6,1% de 2008 à 2017. Après 65 ans, ce chiffre a bondi de 15-16% à 17-18%, soit à nouveau l'âge où se développent la majorité des cancers du pancréas. Mais cela ne pourrait être que la pointe émergée de l'iceberg. L'Institut de santé Sciensano affirme en effet qu'«un quart des patients souffrant du diabète de type 2 en Belgique ignore ce diagnostic. La prévalence du diabète en Belgique est donc probablement plus élevée».
Quant à la surcharge pondérale, elle concerne aujourd'hui 59,5% des adultes (67% chez les hommes, 52% chez les femmes), selon un rapport publié en 2022 par l'OMS. Il apparaît aussi que 23% de la population belge est décrite comme obèse (24% chez les hommes, 22% chez les femmes). Au niveau européen, le nombre d'adultes obèses a augmenté de 138% entre 1975 et 2016.
La loterie des gènes
Parmi les derniers facteurs de risque connus pointés par la Fondation contre le cancer, on trouve des prédispositions familiales. Chez certaines personnes, une mutation génétique particulière a été identifiée, parfois pas. Lorsque c'est le cas, il s'agit notamment «des mutations des gènes BRCA 1 ou 2 (impliquées dans les formes héréditaires de cancer du sein et de l’ovaire), ou du gène CDKN2A (qui augmente aussi le risque de mélanome)». «Des maladies héréditaires comme le syndrome de Peutz-Jeghers ou la pancréatite héréditaire sont aussi des facteurs de risque», note l'organisation.
À lire: «Quand on parle de cancers, on n’a pas encore atteint le pic de la vague»
La recherche scientifique doit toutefois faire des progrès dans ce domaine pour comprendre tous les tenants et aboutissants. Selon la fondation Arc, «on estime que 90 % des gènes de prédisposition impliqués dans le développement de cancers du pancréas sont encore à identifier».