Vous êtes stressé, au point de tomber malade ou d'être incapable de continuer à travailler? Si c'est le cas, vous n'êtes pas seul. Selon une analyse des Mutualités Libres des chiffres de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (Inami), le nombre de burn-out a bondi de 66 % entre 2018 et 2021. Dans ce contexte, toutes les pratiques zen ont la côte, comme le yoga mais aussi d'autres méthodes pour ceux qui voudraient des alternatives. C'est le cas du reiki. Le concept de cette méthode de soins non conventionnelle: guérir les patients par imposition des mains, en touchant certains points du corps. Une technique qui gagne en popularité, parfois même en milieu hospitalier, mais qui reste considérée comme une pseudo-science. Si certains praticiens sont conscients des limites du reiki et ne promettent pas monts et merveilles, d'autres abusent de la confiance de leurs clients, avec des dérives tendant vers le sectarisme.
Une méthode qui puise ses origines dans des croyances japonaises
Pour remonter aux origines de ce mouvement, il faut retourner dans le Japon du début du XXe siècle. C'est là que l'on trouve celui qui est généralement considéré comme le fondateur du reiki, Makao Usui. Inspiré par les croyances orientales de circulation d'énergie au sein du corps, il met au point cette méthode censée rétablir l'harmonie de ces forces vitales connues sous le nom de "qi". Celle-ci se répandra ensuite dans le monde, en passant notamment par les États-Unis.
En résumé, il s'agit pour le praticien de servir de ses mains comme canal permettant à l'amélioration de la circulation énergétique. Certains parlent d'une acupuncture sans aiguilles. "C’est un toucher léger, attentif aussi, qui va passer par différentes positions", explique à la RTBF Benoît Urbain, bénévole reiki. "Autour de la tête de la personne, autour de son cou, éventuellement sur son cœur, sur son ventre. On va prendre les épaules, on va prendre les mains. Mais c’est toujours une façon de créer le contact. Et c’est à la faveur du contact qu’on crée qu’il se passe quelque chose".
L'existence de ce "qi" n'a toutefois jamais été établie, et il n'y a aucune base scientifique pour affirmer que cela aurait un quelconque impact sur la santé des patients. Pour l'instant, son seul effet reconnu serait le simple placebo, l'atmosphère zen aidant. L'efficacité du reiki serait ainsi reléguée au même niveau de tout ce qui peut vous faire sentir bien (promenade en forêt, détente à la maison, etc.).
Des praticiens parfois honnêtes, parfois pas
Il n'empêche que dans certains cas, le reiki pénètre dans les couloirs des hôpitaux. C'était par exemple le cas au CHwapi, l’hôpital de Tournai, où travaillait auparavant Benoît Urbain, bien que le rôle des praticiens était clairement distingué de celui des soignants. S'ils pouvaient aider certains patients à se détendre, c'était apprécié par le personnel, mais ça s'arrêtait là. "Nous ne sommes pas des guérisseurs", prévient d'ailleurs le bénévole. "On aide les patients à trouver ce lâcher-prise qui leur permet de passer à travers ou de passer au-delà des souffrances qui sont inhérentes à leur parcours médical. On n’a pas d’autre prétention que celle-là, mais visiblement le bien-être est là. Et on est heureux de savoir que ça fonctionne".
L'humilité est donc de mise ici, mais ce n'est pas toujours le cas. Interrogé par la Voix du Nord, Christian Cabus, correspondant du GEMPPI (Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée en vue de la Protection de l’Individu) dans les Hauts-de-France, alerte sur les dérives possibles du reiki: "Il y a 20 000 praticiens en France, et je dirais que 95% d’entre eux sont des gens qui ne font que du bien-être. Mais pour certains, on a des signalements assez graves, des personnes qui tombent sous la coupe d’un gourou".
Quand le reiki rime avec secte
Le Miviludes, une mission de l'État français chargée de lutter contre les sectes, a d'ailleurs étudié le cas du reiki. Cette organisme "a tenu à mettre en garde le public sur les risques à la mise en œuvre d’une technique qui, en l’absence de formation reconnue sur le plan légal, peut induire un amateurisme de la part de certains pseudo-praticiens", prévient auprès de Slate sa coordinatrice, Audrey Keysers. Des associations de victimes ont ainsi recueilli des témoignages accablants. On peut par exemple citer le cas d'un projet de reiki en Savoie, "La ferme des deux soleils", qui a amené des adeptes à rompre avec leurs familles, leurs vies professionnelles, en investissant des sommes folles dans la fameuse ferme.
Face à de tels cas, le Miviludes a fait part de sa préoccupation sur son site, comme lorsque le reiki est proposé pour prendre en charge des troubles psychologiques liés à l’enfance: "Si elle ne met pas toujours directement en danger l’enfant, cette méthode induit néanmoins une perte de chance vis-à-vis de l’amélioration de son état de santé et des possibilités réelles et durables de guérison".