
Papillomavirus: pourquoi une vaccination est importante, nécessaire et sûre

Longtemps réservé aux filles, le vaccin contre les papillomavirus humains (HPV) concerne désormais également les garçons. Une extension nécessaire à la fois pour les protéger de certains cancers et pour espérer in fine éliminer totalement ces maladies.
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Les plus jeunes prioritaires
En Belgique, le Conseil Supérieur de la Santé recommande la vaccination contre les infections à papillomavirus humains à trois groupes prioritaires. Sont concernés les filles et garçons de 9 à 14 ans inclus, les jeunes femmes et hommes de 15 à 26 ans inclus qui n’ont pas bénéficié de la vaccination préventive généralisée, et enfin des personnes dont les défenses immunitaires sont affaiblies. Seules les femmes enceintes ont une contre-indication.
En France, la vaccination anti-HPV est recommandée chez les filles de 11 à 14 ans depuis 2007, et chez les garçons du même âge depuis 2021. À partir du 2 octobre 2023, l'Hexagone entreprendra une vaccination généralisée et gratuite des collégiens de 5e dans certaines régions. Elle sera précédée d'une campagne de communication sur la vaccination dès lundi.
Des effets indésirables démentis "par d'énormes études"
Comme l'explique au Huffington Post la docteure Hélène Péré, du service de virologie de l Hôpital européen Georges-Pompidou à Paris, si la vaccination concerne en priorité les jeunes, c'est lié au fait qu'"on veut intervenir en amont de la sexualité, parce qu’on sait que l’exposition va se faire à ce moment-là". "Les enfants doivent avoir des anticorps neutralisant pour empêcher l’infection par ce virus HPV au moment de l’exposition".
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"En plus de ça, il y a eu des fausses informations concernant le déclenchement d’effets indésirables, notamment en termes de maladies auto-immunes. Certains médecins conseillaient même aux jeunes filles de ne pas faire ce vaccin contre le papillomavirus. Mais ça a été complètement démenti par d'énormes études de l’OMS et de l’ANSM sur des énormes cohortes de patientes vaccinées, qui montraient qu’il n’y avait absolument pas d’augmentation d’incidence de ces maladies auto-immunes", précise Hélène Péré.
En Belgique, l'ASBL Question Santé note sur son site que "les vaccins contre le HPV sont généralement bien tolérés, plus de quinze ans de recul et de nombreuses données disponibles en attestent". "L’effet indésirable le plus fréquent, signalé par près de 80% des vaccinés, est une douleur à l’endroit où la piqure est réalisée. Des maux de tête, des nausées et des maux de ventre sont rapportés chez environ 15% des personnes. Des malaises sont aussi possibles. Ce risque est similaire à d’autres vaccins réalisés à l’adolescence. Ces effets indésirables sont en général d’intensité légère à modérée et se résolvent spontanément. La seule précaution à prendre lors d’un malaise est d’éviter la chute".
Éviter des cancers causés par ce virus omniprésent
Chaque année en France, les HPV, abréviation anglaise pour "human papillomavirus", sont responsables de plus de 6.000 nouveaux cas de cancers, le plus souvent du col de l'utérus, qui provoque 1.100 décès par an, de la vulve ou du vagin, mais aussi de la sphère ORL, de l'anus ou encore du pénis. Une étude récente publiée dans The Lancet a montré que, à un moment donné, 31% des hommes de plus de 15 ans sont infectés par un virus de type HPV. Plus important, un homme sur cinq (21%) est porteur d'un HPV oncogène, c'est-à-dire potentiellement cause d'un cancer. Si les principaux touchés ont entre 25 et 29 ans (35%), tous les hommes sexuellement actifs sont "un réservoir important d'infections génitales par le HPV", poursuit l'étude.
"Cette méta-analyse du Lancet confirme des éléments empiriques et théoriques: le virus HPV se trouve partout, il est extrêmement transmissible", a commenté à l'AFP Emmanuel Ricard, porte-parole de la Ligue contre le cancer et médecin de santé publique. Selon le Centre international de recherche sur le cancer, cité par The Lancet, environ 69.400 cas de cancer chez les hommes causés par le HPV ont été recensés en 2018 dans le monde.
Vacciner les garçons présente donc un premier bénéfice évident: l'injection les protège directement contre les cancers et verrues de la sphère ano-génitale (pénis et anus) pour lesquels l'efficacité du vaccin est déjà établie. Autre gain attendu: "Une protection probable contre des cancers ORL, plus fréquents chez les hommes, induits par des HPV", indique à l'AFP Judith Mueller, médecin épidémiologiste, professeure à l'École des hautes études en santé publique (EHESP) et chercheuse à l'Institut Pasteur.
Limiter la transmission
En janvier dernier, Arthur Sadoun, patron du groupe français de communication Publicis, avait brisé un tabou sur ce lien méconnu en évoquant publiquement son cancer des amygdales, causé par un HPV. Il avait aussi invité à témoigner l'acteur américain Michael Douglas, également touché par un cancer ORL dû au virus.
Vacciner les jeunes garçons, futurs partenaires sexuels et conjoints, doit aussi permettre de diminuer le risque de transmission de ces virus. "Les garçons se contaminent avec des filles, les filles avec des garçons, et il y a des filles qui se contaminent avec des filles et des garçons avec des garçons", résume Emmanuel Ricard. "À un moment, si on veut arrêter la circulation du virus, il faut vacciner tout le monde".
Un argument retenu par Rémy Bellet, cadre dans l'assurance, qui n'a pas attendu la campagne de vaccination prévue au collège dans les classes de 5e, pour faire vacciner Paul, son fils de 12 ans: "Ma femme a eu un HPV précancéreux. À cette occasion nous avons appris que les garçons étaient aussi porteurs du virus et qu'un vaccin existait", raconte-t-il. "Il nous a semblé évident qu'il fallait le vacciner".
Sur le plan pratique, "la recommandation vaccinale non genrée sera plus facile à promouvoir", estime Judith Mueller: "La communication n'a plus besoin d'être ciblée uniquement sur les jeunes filles, mais seulement sur les jeunes". Selon la chercheuse, vacciner les garçons est d'autant plus important que la couverture actuelle n'est aujourd'hui "pas encore optimale". Fin 2022, 48% des filles et 13% des garçons de 15 ans avaient reçu au moins une dose de vaccin.
"La vaccination des garçons aura clairement un impact sur la santé des femmes en permettant d’accélérer la réduction du risque du cancer du col de l'utérus", estime Mme Mueller. "Avec une bonne information des familles, les futures campagnes au collège ont le potentiel de hausser la couverture vaccinale chez les filles et les garçons à un niveau qui donnera une protection importante".