
Pourquoi il ne faut pas boycotter la Coupe du Monde au Qatar

C’est la question qui fait débat ces dernières semaines. Tellement qu’elle en est devenue presque anodine. Elle s’insinue dans chaque résumé d’après-matchs, dans les salons cossus et moins aisés, mais aussi dans les allées des bureaux et jusque dans les émissions culturelles. « Et toi, tu vas regarder la coupe du monde au Qatar ? » Un camp se fait majoritairement entendre, celui des anti. Pourtant, comme le précisait l’acteur Roschdy Zem, il est un peu tard pour crier au boycott.
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Ce mardi 20 septembre, l'acteur français était invité dans « C à vous » aux côtés de Virginie Efira pour faire la promotion du film de Rebecca Zlotowski, « C'est trop tard. On parle beaucoup du boycott de la Coupe du monde mais elle a lieu dans deux mois. L'attribution pour organiser la Coupe du monde a eu lieu il y a 10-12 ans, je crois [le Qatar a été désigné pays hôte du Mondial 2022 le 2 décembre 2010, ndlr]. Ni les instances politiques, ni les instances sportives, ni les joueurs, même vous les médias allez rendre compte des résultats. Pourquoi aujourd'hui on prend en otage le spectateur en disant de ne pas regarder la Coupe du monde ? On savait à qui on donnait la Coupe du monde. On savait qu'il y aurait des stades avec l'air conditionné, on savait qu'on irait chercher de la main d'œuvre au Pakistan, en Inde, etc. »
De plus en plus de villes ou de bars refusent également de diffuser les matchs comme pour les autres Coupes. Mais soyons rationnels, l’organisation d’une diffusion sur écran géant aurait de toute façon été plus complexe en plein mois de décembre, avec des factures énergétiques plus hautes que jamais. Il est donc important de remettre les choses dans leur contexte. Et peut-être offrir un autre point de vue.
Passer à un autre mode d’action
Même l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International n’appelle pas au boycott de la CDM au Qatar. L’association entend au contraire, profiter de cette compétition pour braquer les projecteurs sur la situation. Ils alertent sur les conditions qui ont été dramatiques pour bon nombre de travailleurs migrants depuis des années. Sur les chantiers, du travail sous des fortes chaleurs : 40 à 50 degrés, 10 à 12 heures par jour, avec zéro ou un jour de repos par semaine.
Comme on peut lire dans un communiqué publié sur le site d’Amnesty Belgique « Afin de remédier à la longue liste de violations commises depuis 2010, lorsque la FIFA a attribué au Qatar l’organisation de la Coupe du monde 2022 sans exiger aucune amélioration des protections au travail, les organisations demandent à la FIFA d’allouer un montant au moins équivalent aux 420 millions d’euros de primes prévus lors de la Coupe du monde. »
Un boycott contre-productif
Ronny Blaschke, journaliste indépendant spécialisé dans le football, écrit dans les colonnes d’ISPO et dans le livre « Boycott du Qatar ! » : « Selon les normes européennes, dont les syndicats ont évolué au fil des générations, le Qatar est arriéré. À l'aune de la région du Golfe, qui ne connaît pas les mouvements de travailleurs, le Qatar est un modèle pour l'avenir. » Il prévient des risques du boycott de la Coupe du monde de football pour ne pas freiner les progrès apparemment visibles au Qatar : « Un boycott serait une erreur totale. Cela ne ferait que renforcer les conservateurs au Qatar au lieu de soutenir les forces de la réforme. »
S’il faut boycotter la coupe du monde au Qatar, il faut boycotter le football tout le temps
Des montants pharaoniques, des transactions plus qu’étranges, des scandales, des backshish, de la corruption… Des termes qui se retrouvent dans toutes les strates de l’industrie du football, à grande ou à petite échelle. On n’a pas attendu une coupe du monde au Qatar pour que ces problématiques naissent. Doit-on encore rappeler que le fonds « Qatar Sports Investments », ou QSI pour les intimes, a pris le contrôle du PSG à 100% en 2012 ? Ou encore qu’à la fin de la saison 2009-2010, le Cheikh Abdallah Bin Nasser al-Thani a fait l’acquisition de Malaga pour la somme de 36 millions d’euros ?