
Sport féminin recherche public désespérément

Manque de visibilité, de moyens et d’intérêt, les sports féminins peinent à décoller. Et ce malgré des bonnes performances dans certaines disciplines. En effet, selon une étude de l’Université de Cambridge, les compétitions féminines seraient trois fois moins exposées dans les médias que celles des hommes. Cette visibilité plus faible tend à diminuer les sponsors, les droits médias et la rémunération des joueuses.
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« Que ce soit sur le terrain ou en dehors, les femmes ont toujours du mal à se faire une place dans le domaine sportif. Bien que l’on tente d’atteindre l’égalité dans de nombreux domaines, la pratique sportive a longtemps été vue comme une pratique masculine, où sexisme et stéréotypes persistent » maintiennent Constance Chuiton et Nicolas Denecheau dans le leur essai « Genre et Marketing » publié en 2020.
Avec comme effet l’annulation du tour de Belgique de cyclisme féminin par exemple, ou une sous-représentation des compétition sportives à nos écrans.
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Une économie du sport à deux vitesses
En 2019, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel relevait que seulement 14,3% des retransmissions sportives diffusées en linéaire par la RTBF étaient consacrées au sport féminin en 2019.
Avec une moyenne mondiale de 4%, la Belgique fait certes mieux qu’ailleurs mais ce manque de visibilité est lourd de conséquences, comme le souligne Nicolas Delorme, sociologue du sport dans les lignes d’Ouest France.
« On a une économie du sport à deux vitesses entre sport masculin et féminin, en partie liée à ce manque de médiatisation, souligne-t-il. L’affaire Mediapro a rappelé qu’une énorme partie des revenus du sport vient des droits TV. Moins un sport est médiatique, moins il est facile de le vendre. On va moins attirer les sponsors, les spectateurs, vendre des maillots… Au final, on a très peu de sport féminin professionnalisé, quelques équipes de football, de handball, de rugby. On est surtout dans un statut semi-professionnel. »
Vers un mieux
Face à cette situation loin d’être égale, la RTBF a fait du sport féminin l’un de ses nouveaux piliers en 2023 et s’engage à diffuser plus de compétitions sportives féminines sur ses antennes.
En 2021, on constatait déjà une bien meilleure visibilité pour les athlètes féminines avec près de 500 heures de live et de retransmission qui y sont consacrés, soit 25% des compétitions sportives diffusées. Et le média l’assure, il compte bien continuer à s’engager dans cette direction. » Le nouveau contrat de gestion de l'entreprise publique prévoit au moins 250 heures de diffusion de compétitions féminines sur l'année, et ce sera le cas en 2023. Notamment avec la Coupe du monde féminine de football mais pas seulement, on essaye de présenter un éventail assez large de discipline. Nous ne considérons pas ces impératifs comme des obligations mais bien comme des opportunités, nous avons la volonté de mettre en avant ces athlètes », maintient Benoit Delhauteur, le responsable des sports à la RTBF dans un des articles du média.
« Laissez-nous une chance »
Si le changement se fait tout doucement, il n’en demeure pas moins frustrant pour ces athlètes de se voir (quasi) constamment invisibilisées. Pour la joueuse américaine de tennis Jessica Pegula, numéro deux mondiale et membre du conseil des joueuses de la WTA, il est compliqué de se défaire de « l’impression que tennis féminin est sous-évalué en France ».
En effet, dans une chronique publiée sur la BBC, Pegula s’est dite « déçue » de la quasi absence totale de matches féminins lors des nights sessions à Roland-Garros.
« Seule une des dix night sessions a été offerte à des joueuses de la WTA » écrit-elle Et la situation est loin d’être neuve. Elle a même déjà été remontée auprès des organisateurs lors des éditions précédentes. « Cette année est d’autant plus décevante […] Nous n’avons constaté aucune amélioration […] Nous avons l’impression que notre produit est sous-évalué ici (en France) et en Europe en général »,déplore-t-elle.
La joueuse énonce les arguments avancés par les organisateurs du tournoi pour justifier ce choix « les matches masculins sont généralement plus longs, les matches féminins n’offrent pas un aussi bon rapport qualité prix, les rencontres ne sont potentiellement pas aussi excitantes ». Mais elle demande aux organisateurs de « mettre en valeur » le tennis féminin. « Vous devez nous donner une chance », écrit-elle. Sera-t-elle donnée ?