Notre système de pension est injuste : voici 5 discriminations à corriger

Le système de pension génère aujourd’hui un tas de discriminations. Un retraité n’égale pas un autre retraité dans notre pays.

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C'est vrai. On n’a que trois systèmes de pension par rapport aux 49 régimes ­différents de la France. Sauf que dans les pays scandinaves, un statut unique réserve à chaque retraité le même traitement. Chez nous, la pension des ­fonctionnaires est totalement privilégiée même si ces derniers ne bénéficient pas, par exemple, de voitures de société qui sont un sursalaire devenu fréquent chez les salariés.

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Discriminations de statut

Près de 40 % des fonctionnaires prennent leur pension à 60 ans ou même avant alors que 80 % des indépendants prennent leur retraite à 65 ans ou plus tard. Autre avantage: les fonctionnaires qui ont épuisé leurs jours de congé pour maladie peuvent être mis à la pension pour maladie. Les demandes en ce sens aboutissent dans 30 % des cas plutôt que d’adapter le poste de travail de la personne. Seuls les fonctionnaires bénéficient aussi d’une adaptation au bien-être. Cela s’appelle la péréquation: l’adaptation au bien-être au-delà de l’index. “La moitié des per­sonnes de la fonction publique sont aujourd’hui ­contractuelles et ont donc les mêmes conditions que des salariés. C’est une injustice énorme”, fustige Jean ­Hindriks, expert en pensions, prof à l’UCLouvain.

Certes, on a avancé. On a harmonisé le système des indépendants et des salariés et les deux systèmes commencent à se rejoindre. “Mais on l’a fait vers le haut et ça a augmenté les dépenses. Depuis 2003, les dépenses augmentent deux fois plus vite que les cotisations qui rentrent. Or, un salarié paie des cotisations de même que son employeur alors qu’un indépendant paie seul.” Ce n’est pas rien, ce n’est pas tout. Chez les fonctionnaires, la pension est calculée sur les dix dernières années; pour le salarié le calcul se fait sur l’ensemble de la carrière, y compris les premières années où l’on gagne peu. “Ce qui explique que les pensions des fonctionnaires sont en moyenne 70 % plus élevées que celles des indépendants et salariés.” “On peut imaginer des différences. Égaliser la pension des salariés et des fonctionnaires, ça ne va pas non plus puisque les salariés ont généralement un second pilier de pension et pas les fonctionnaires”, modère Pierre Devolder, ­professeur à l’UCLouvain. Et puis, aujourd’hui, ­seules les administrations locales sont responsabilisées par rapport aux coûts de pension qu’elles supportent à hauteur de 43 % du montant perçu par leurs fonctionnaires.

La Finlande a introduit un système d’experience rating: l’employeur doit supporter les coûts des pensions, ce qui diminue le chômage des plus âgés. Aux Pays-Bas, les employeurs doivent cofinancer jusqu’à deux ans les indemnités maladie pour leur personnel. D’où une baisse du taux de malades chez les 55 ans et plus.

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Discriminations de genre

En Belgique, la pension moyenne des femmes est aujourd’hui inférieure de 26 % à celle des hommes. Près de la moitié des femmes ont une pension inférieure à 1.000 euros par mois. En matière d’inégalités entre les hommes et les ­femmes, la Belgique ne serait pas si mauvaise parce que beaucoup de ­femmes sont fonctionnaires en étant enseignantes ou infirmières, par exemple. Par contre, beaucoup de femmes salariées ont des ­carrières hachées afin d’élever les enfants. “Assimiler aux périodes travaillées uniquement les congés de maternité, comme le décide le gouvernement, ce n’est rien. Si une femme travaille à mi-temps pour élever ses enfants, elle perd la moitié de sa pension. Il n’existe chez nous aucune solidarité intrafamiliale. Certains pays font peser sur le couple le partage des pensions. L’écart entre les pensions des hommes et des femmes ne vient plus de différences de salaires mais du fait que 80 % des mi-temps sont occupés par des femmes”, tranche Jean Hindriks.

Discriminations chômeurs-travailleurs

L’Allemagne a reculé l’âge de la pension de 60 à 63 ans en limitant le chômage des travailleurs âgés à 24 mois. Les deux mesures prises ensemble ont fait ­augmenter l’âge effectif de la retraite. “Chez nous, le chômage est illimité dans le temps, ce qui en fait un cas quasi unique au monde et, en plus, cette période de ­chômage est assimilée dans le calcul des droits à la retraite”, dénonce Marjan Maes. La professeure de la KULeuven pointe aussi la discrimination qui relève des périodes de chômage assimilées. Ainsi, un chômeur de longue durée pourra accéder à la pension minimum et avoir dès lors une pension plus élevée qu’un indépendant qui a travaillé pendant 40 ans.

Discriminations entre générations

Le système actuel, et la protection systématique des droits acquis, est une injustice à l’égard des jeunes générations. Un scandale pour Kevin Hartmann Cortes, chercheur à l’UCLouvain. “On déplace les coûts des pensions sur les générations futures alors que les générations actuelles de retraités ont un niveau de vie plus élevé que celui de beaucoup de jeunes dont l’avenir est incertain sur le plan économique et à cause du ­changement climatique. Une solution serait d’augmenter les impôts que paient les retraités pour partager les coûts entre tout le monde.” Jean Hindriks insiste: “Prolonger les carrières fait peser la charge sur les per­sonnes encore actives tandis que modérer les revalorisations de pensions (notamment au-delà d’un seuil) organise une solidarité entre pensionnés et actifs dans l’effort”.

Discriminations entre métiers

Les contrôleurs aériens partent à la pension à 55 ans chez nous. En France, c’est à 59 ans et 60 ans aux Pays-Bas. Les problèmes oculaires seraient-ils différents d’un pays à l’autre? Bonne question. En attendant, la liste des métiers pénibles reste en rade. “Je comprends très bien qu’il y a des métiers lourds, mais ils existent aussi dans les autres pays. En Finlande et en Suède, l’âge moyen de départ est à 65 ans. Ce ne sont pas des pays destructeurs en matière de droits sociaux. Ils ont un taux de pauvreté plus bas qu’en Belgique”, s’exclame Marjan Maes.

Pension de retraite moyenne pour un célibataire

Pour un salarié ou un contractuel : 1.279 € net
Pour un indépendant : 1.000 € net
Pour une carrière mixte indépendant/salarié : 1.375 € net
Pour un fonctionnaire statutaire : 2.015 € net

Pension complémentaire moyenne

Capital pension complémentaire d’un salarié: 145 € net par mois
Capital pension complémentaire d’un gestionnaire indépendant: 303 € net par mois

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