
BD: vieilles gloires et mission gros sous

Achille Talon (51 ans) revient. Lucky Luke (67) redégaine. Blake et Mortimer (68) ressuscitent. Spirou (75) n’a jamais cessé ses espiègleries. Avec ces personnages qui n’en finissent pas de survivre à leurs auteurs originaux, les têtes de gondole BD se transformeraient-elles en maison de retraite de luxe? Heureux administrateur délégué de Dupuis, Olivier Perrard confirme: les vieux poids lourds, ça pèse.
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"Chez Média-Participations (Dupuis, Dargaud, Lombard, Kana…), 50 % du chiffre d’affaires sont générés par la vente des albums de vingt héros" , explique-t-il. François Le Bescond, directeur éditorial de Dargaud, renchérit: "Blake & Mortimer ou Lucky Luke, ce se sont des centaines de milliers d’exemplaires garantis à chaque sortie. Je ne le cache pas: ça permet à Dargaud d’avoir une assise financière importante".
Mais les choses ne sont pas si simples au royaume des phylactères. "L'opération est délicate, poursuit Olivier Perrard. C’est beaucoup plus difficile de "remettre le feu" sous un héros existant que de sortir un premier tome. C’est certes moins compliqué pour la vente et le placement - en gros, les gens connaissent le personnage - mais en termes de "sell-out" - l’appréciation, les commentaires des lecteurs, déçus ou pas - le risque est énorme."
C’est là le nœud du problème: les héros plaisent, mais faut pas pousser. Car si les ados devenus adultes sont prêts à se replonger dans les nouvelles frasques de leurs idoles de jeunesse, et supporter de les voir évoluer dans un décor contemporain, ce n’est pas à n’importe quel prix. Emile Bravo, qui a repris, le temps du fantastique Journal d’un ingénu, le personnage de Spirou, lui donnant au passage une épaisseur jamais acquise en cinquante ans d’aventures trépidantes, a non seulement offert à Dupuis un carton commercial, mais aussi critique. "Les reprises, ça marche si c’est bon et si ça a du sens, commente Bravo. Mais c’est un équilibre complexe… Blake et Mortimer, par exemple, il faut avoir été ado - et garçon! - pour y comprendre quelque chose. Ce n’est pas Spirou qui compte, c’est ce qu’on en fait..."