
[BD] XIII - Toujours... treize excitant

La lecture de votre article continue ci-dessous
Lors de sa première apparition, le plus célèbre des amnésiques avait le karma en berne.Une balle dans la tête, c'est habillé avec des fringues pas possibles qu'il reprend connaissance. C’est sans portable, avec des téléphones à cadran, et des ordis gros comme des brouettes qu’il entreprend de découvrir son identité.Il faut dire qu'on était en 1984 quand celui qui pensait, tout comme nous, s'appeler Steve Rowlands, s'échoue, à moitié mort et amnésique, sur cette plage des USA fantasmées par Jean Van Hamme.Et pour ne rien simplifier, il ne tarde pas à être accusé du meurtre du président des États-Unis!Non, vraiment, il n'était pas aidé, le pauvre garçon.
Pourtant, il entre par la même occasion dans le cercle très prisé des thrillers stars des ventes. Pionniers du marketing en BD, les XIII deviennent vite incontournables chez les libraires... Et les supermarchés! Vingt albums et un bon millier de pages plus tard, il s'en est passé des choses au pays de XIII: complots mis à jour, courses-poursuites haletantes, avancées technologiques... Et création d'une véritable licence. Du mug à la série télé, en passant par les films et les spin-off, on ne compte plus les produits dérivés estampillés XIII, qui augmentent les 22 tomes originaux aujourd'hui disponibles.
En BD, XIII est sans doute la poule aux œufs d'or qui aura le plus échappé (de justesse, genre oblige) à la mort. Avec des chiffres de ventes pareils, Dargaud serait bête de lui tordre le cou. Mais quand, d'album en album, les plus efficaces et exotiques tueurs se massent à ses trousses, l'exercice devient périlleux. Surtout s'il est question de préserver qualité, fraîcheur et surprise, volonté affichée par l'éditeur, d'autant que depuis le tome 19, Jean Van Hamme et William Vance, les pères fondateurs, ont quitté l'aventure XIII. Ils abandonnent derrière eux un Jason Mac Lane qui en sait un peu plus sur son passé, mais dont la mémoire reste bien sûr criblée de trous noirs, histoire de laisser les coudées franches au tandem de repreneurs de la licence… Ceux-ci démarrent un nouveau cycle, dont ce Retour à Greenfalls est le troisième épisode. En musique, le troisième album est souvent celui de la maturité, après la surprise du premier et le stress du deuxième. Ici, c'est pareil, la greffe a l'air de prendre, dans une sorte de transition douce: Jigounov et Sente enquillent les albums avec un plaisir palpable, pour ne pas dire lisible. Le dessin, plus rond et charnel que celui de Vance, reste diablement efficace. Et le scénario remet avec délice le couvert "van hammien" de paranoïa et de traumas U.S. mâtinés de fascination pour le grand complot. Action, rebondissements, humour à tendance virilo-militaire: tout tend à faire de ce vingt-deuxième album un XIII à part entière, un très efficace page turner qui se donne les moyens de son ambition: faire passer un bon moment, sans révolutionner les codes du neuvième art, ni ceux de la littérature de gare, dans le sens le plus noble du terme. En bonus, un petit cours d'histoire des États-Unis et un flash-back vers le 17esiècle. Mais de quoi pourrions-nous nous plaindre?
> XIII: RETOUR A GREENFALLS, I. Jigounov/Y. Sente, Ed. Dargaud, 48 p.