
La Belgique à la conquête de l'Ouest

Selah Sue sera-t-elle la première artiste belge depuis Sœur Sourire, en 1963, à être numéro un au hit-parade américain? Beaucoup y croient, et pas seulement dans l'entourage proche de la chanteuse louvaniste. Déjà écoulé à 400.000 exemplaires en Europe (dont 200.000 en France) depuis sa parution en 2011, le premier album de Selah Sue sort en juin aux Etats-Unis, agrémenté de trois chansons bonus. L'opération charme sur le continent nord-américain a été déclenchée voici plusieurs semaines par Gentle, son efficace bureau de management gantois, et les résultats concrets dépassent toutes les espérances. A tel point qu'on ne parle même plus de buzz à son sujet mais de réalité.
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En décembre dernier, la prestigieuse maison de disques Columbia lançait l'offensive en se félicitant dans la presse économique d'avoir signé avec Selah Sue un contrat de distribution pour le marché américain. Columbia n'en est pas à son premier gros coup d'importation d'une chanteuse européenne puisque c'est sur ce label que sortent les albums d'Adele chez l'oncle Sam. Avec le flair qu'on lui connaît, le très influent magazine musical Rolling Stone en a rajouté une couche en classant notre compatriote dans sa watch list annuelledes dix artistes à suivre en 2012. Not bad, not bad... Malgré un agenda chargé (elle remplit encore le Zénith de Paris le 28 mars et celui de Lille le 30), Selah Sue a effectué un premier voyage promotionnel aux Etats-Unis en février dernier. Comme à son habitude, elle y est allée en crescendo mais avec générosité. Une séance photo, un concert acoustique privé pour les grands pontes de Sony/Columbia et une session live pour le site Web du Rolling Stone Magazine (ben tiens!).
Les réactions ont été dithyrambiques. Wyclef Jean, également signé chez Columbia, a été conquis au point de vouloir travailler avec elle. La chanson Please, que Selah interprète en duo avec le chanteur R&B Cee Loo, également coach dans la version télé américaine de The Voice, figure dans le trailer de la saison 5 de la série Mad Men. Deux autres morceaux tirés de son album (This World et Break) ont également été retenus pour des séries en cours de tournage sur la chaîne télé ABC. This World est aussi la bande-son de la nouvelle publicité pour le parfum Eau Jeune Emprise. Du haut de ses vingt-deux ans, Selah Sue garde la tête bien sur les épaules. "Ce qui m'arrive est incroyable, je vais de bonne surprise en bonne surprise. Mais je vis ça très bien et je me concentre sur la musique." Bien entourée, intelligente, sereine et disposant déjà d'appuis importants (comme celui de Prince), Selah Sue ne ratera pas son coup. Elle est prête pour l'Amérique et l'Amérique est prête pour elle.
Un rêve américain devenu réalité
On peut prévoir le même scénario pour le comédien anversois Matthias Schoenaerts. Monumental dans Rundskop (Tête de bœuf), film belge de Michaël R. Roskam sélectionné aux oscars cette année dans la catégorie meilleur film étranger, Matthias Schoenaerts s'est taillé une pièce de choix dans le paysage américain. Magistral en éleveur de bœufs qui trempe dans la mafia des hormones, l'acteur de 34 ans est bien parti pour être le Robert De Niro belge.
Il revient tout juste de Hollywood avec dans la poche un contrat avec la célèbre agence CAA (Creative Artists Agency) qui travaille avec Sean Penn, Brad Pitt ou George Clooney. Excusez du peu, mais on ne voyait pas comment cet acteur labellisé flamand pouvait passer inaperçu aux USA. Sa performance dans Rundskop (Bullhead en anglais) rappelle effectivement celle de De Niro dans Raging Bull de Scorsese il y a trente ans. Même présence physique (Matthias n'a pas hésité à prendre vingt-sept kilos de muscles pour le rôle), même charisme à l'écran, même passion dans le travail. Un rôle coup de poing, qui lui ouvre les portes de Hollywood.
Matthias Schoenaerts est désormais pris en charge par l'agent Hylda Queally, qui gère directement les carrières de Kate Winslet, Marion Cotillard ou Michelle Williams. Elle a bombardé la boîte aux lettres de Matthias de scénarios, mais rien ne peut être encore annoncé. "Il faut que j'achète un nouvel appartement pour mettre tous ces scénarios!", plaisante-t-il. "Je reçois des choses d'un très haut niveau, ça devient presque difficile de choisir! Je ne veux pas faire dix films en même temps. Je veux continuer à travailler à l'instinct, en privilégiant le sentiment et l'émotion, parce qu'au final, c'est ça qu'on partage sur un écran. Le cinéma doit rester un rapport humain."
Comme Selah Sue, il est loin de prendre la grosse tête. Matthias est plutôt du genre à rester calme. "A Hollywood, on vous ouvre beaucoup de portes, mais il ne faut pas entrer partout! La politique du cinéma industriel ne m'intéresse pas. Et puis Hollywood reste un milieu très conservateur. La génération du Nouveau Hollywood a vieilli. Le cinéma américain a un peu perdu son âme. Le cinéma européen m'intéresse davantage. C'est là qu'on prend le plus de risques."
Nous, on le verrait bien chez Darren Aronofsky (Black Swan, The Wrestler) ou chez James Grey (Two Lovers) qui parviennent à se libérer du système des studios, mais c'est avec le réalisateur flamand Erik van Looy qu'il vient de boucler le remake américain de The Loft (gros succès en Flandre en 2008). En attendant Hollywood, il y aura le Festival de Cannes où Matthias devrait présenter cette année le dernier film de Jacques Audiard, De rouille et d'os, l'histoire d'un boxeur engagé dans des combats clandestins, face à Bouli Lanners et Marion Cotillard. "Je viens de travailler avec l'un des plus grands cinéastes du monde à mes yeux. Aux Etats-Unis, tout le monde le connaît. C'est ce cinéma-là qui m'intéresse, un cinéma qui ne fasse pas que divertir les gens, mais qui les inspire aussi." Matthias, c'est sûr, tu nous inspires.