
Maman, J.K. Rowling dit des gros mots

Vendredi 28, 10 heures. "- Bonjour, mademoiselle, j'aimerais savoir si vous avez reçu le livre de J.K. Rowling? - Oui, Monsieur. - Vous en avez reçu combien? - On en a reçu beaucoup, il y en aura assez." Une heure plus tôt. Tous les libraires du royaume construisent des piles et des murs de Une place à prendre de J.K. Rowling à s'en rompre les poignets.
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Dans les supermarchés, qui s'apprêtent à accueillir les familles pour les grosses courses du week-end, d'autres exemplaires poussent, attendant les clients. Partout, le premier livre post-Harry Potter de la maman d'Harry Potter soigne sa réputation de tête de gondole.
La romancière (dont la fortune doit tourner autour des 700 millions d'euros) est au centre d'une campagne de lancement aussi massive qu'inutile - son roman devrait attirer le chaland sans trop de problème la semaine de sa sortie.
Le client achètera, dans un premier temps, vierge de toute critique, l'ouvrage n'ayant été envoyé à la presse que le jour de sa mise en place en magasins. Le tout est de savoir si la courbe des ventes ne plongera pas en deuxième et en troisième semaine d'exploitation du produit...
L'histoire de Une place à prendre (680 pages bien tassées pour les longues soirées d'automne) commence par un mal de crâne. "Barry Fairbrother ne voulait pas aller dîner. Une migraine épouvantable le harcelait depuis le début du week-end, et il était embarqué dans une course contre la montre pour rendre un article à temps avant le bouclage du journal local." Ainsi commence l'aventure...
Malheureusement, on n'ira pas beaucoup plus loin dans les présentations avec Barry Fairborther, quelques pages plus loin, il est déjà mort. La dispariton de ce conseiller paroissial de Pagford, petite bourgade anglaise digne d'apparaître sur un tableau campagnard, va ouvrir la compétition pour sa succession. C'est que l'annonce de sa disparition n'a pas vraiment plongé tout le monde dans le chagrin... Pourquoi une partie de la population de Pagford se rejouit-elle du décès de Fairbrother? On n'en dira pas plus, on en a déjà assez révélé.
Dans ce suspense de voisinage, qui mêle humour noir et satire sociale, on ne retrouve rien de l'univers d'Harry Potter - sauf peut-être le goût typiquement british de certains décors à la Laura Ashley. Harry, Ron et Hermione n'y retrouveraient pas leurs balais, ni quoi que ce soit du pensionnat de Poudlard, leur créatrice ayant clairement décidé de passer à autre chose.
Ils auraient plutôt tendance à se boucher les oreilles, tant Rowling en impose en grossièretés. Sous sa plume, les "gros con", "petit branleur", "putain", "espèce de traînée" et autres "salope de snobinarde de merde" ou "une monumentale paire de loches bien grasses et juteuses" relevant de la pure excentricité sinon du syndrome de Gilles de la Tourette.
La dimension adulte du livre se fait entendre dans la critique sociale que J.K. Rowling met en place autour de questions liées à l'immigration et à la consommation de drogues - ce qui est étonnant, mais pas totalement renversant.
Personne ne nous fera croire que J.K. Rowling est devenue, par la grâce de la fermeture de l'entreprise Potter, une romancière engagée. Il n'en reste pas moins que Une place à prendre est un roman facile et agréable à lire, un peu "à l'ancienne", qui rappelle des feuilletons rétro comme Peyton Place ou même l'ambiance country des enquêtes de l'inspecteur Barnaby.
Une place à prendre
J.K. Rowling
Grasset, 680 p.