
Musée de la Photo à Charleroi: Les univers contrastés de Freed, Lueck et les autres

Sous le titre évocateur de Worldview, toute la complexité du monde selon Leonard Freed occupe la grande salle du Musée de Charleroi.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Photographe engagé, aujourd'hui disparu, Freed a parcouru le monde toute sa vie, à commencer par New York où il est né en 1929 dans une famille ouvrière juive d’origine russe. Son travail se répartit à Charleroi en plusieurs sections (Un nouveau monde, Un ancien monde, Un monde blanc, Un monde en désordre, Un monde sans fin). Un mariage hassidique à Brooklyn y côtoie le mur de Berlin, la mafia sicilienne, la guerre des Six Jours. Quel que soit le lieu où Freed travaille, son regard est acéré, en phase avec son temps, concentré avec la même acuité sur le sourire d’une femme flic jouant avec des mômes à Harlem que sur les manifestations contre la guerre au Viêtnam ou sur les fonctionnaires de Wall Street.
Membre de l’agence Magnum, grand admirateur d'Henri Cartier-Bresson, Freed est toujours présent là où ordre et désordre se confrontent. Il ne se définit pourtant pas comme photojournaliste, mais comme auteur. Ce qu’il véhiculait en priorité, disait cet homme discret, ce n’était pas les faits, mais l’émotion. Les paysages sont pour lui des contextes, jamais une fin en soi. C’est sans doute pour cela que ses photos nous bouleversent encore avec une telle force.
A l’été 1956, Freed est en reportage en Allemagne lorsqu’il entend parler de la catastrophe de Marcinelle. Il y fonce à moto. Sa veuve, Brigitte Klück, présente lors du vernissage de l’expo, vient de faire don au Musée des 17 clichés, totalement inédits, réalisés par son mari. Photos de funérailles d’une poignante sobriété, revenues là où elles sont nées, que l’on ne découvre pas dans cette exposition d’un très haut niveau.
Très différent, le monde de la jeune Américaine Simone Lueck (The Once and The Future Queens). Si ce n’est qu’ici aussi, l’humanité est omniprésente. Pas un instant son regard n’est méprisant pour ces femmes vieillissantes, Mara, Claudia, Sharon qui prennent en toute liberté des poses glamour à la Marilyn Monroe, pour entrer un moment dans un rêve de cinéma. Sous le strass, le glauque? On a plutôt envie de dire un regard plein de tendresse lucide porté par une femme jeune sur un rêve permettant de transcender un quotidien peu glorieux qui se trame en coulisses.
Troisième expo au Musée: l’Hennuyer Fernand Dumeunier (+1968) et ses portraits, lumineuses sculptures de visages.
Galerie du Soir: Epiderma, de Sébastien Marcq (1971). Le noir et blanc au service de miteuses marches de marbre, de perles d’un lustre défraîchi. Un univers sombre, silencieux et oublié. Un travail à suivre. - P.N.
> Jusqu'au 15/5. Musée de la Photo, av. Paul Pastur 11, 6032 Charleroi. Du ma. au di. de 10 à 18h. De 3 à 6 €. Moins 12 ans: gratuit. 071/43.58.10. www.museephoto.be