
Théâtre: Raymond Goethals marque un but au KVS

Ça commence comme dans l'arène d'un stade surchauffé. Un homme seul en scène avance sous les cris des supporters, la carrure imposante. Au-dessus de lui, des archives filmées d'un match de foot eighties défilent sur un écran géant.
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Peu à peu, les cris disparaissent, l'homme se sert une bière dans un minibar et vous regarde. Prêts pour les confidences? Il vaudrait mieux car cet homme c'est Raymond Goethals, figure incontournable de l'histoire du ballon rond belge, pour ne pas dire de la Belgique tout court. Aux antipodes de l'exercice biographique classique, ce Raymond mis en scène par le documentariste Manu Riche s'impose plutôt comme une évocation ironique et tendre d'un personnage national, sans s'attarder sur les affaires douteuses de l'ancien entraîneur de l'OM. Raymond pourrait aussi être n'importe quel Raymond abîmé par la vie, et c'est ce qui nous touche.
A la demande du très avant-gardiste Théâtre flamand de Bruxelles (KVS), Thomas Gunzig s'est réapproprié le mythe en mettant à nu les failles d'un homme que rien ne prédisposait à un tel avenir sportif. Un type mal-aimé par son père, qui compare sa naissance à "une erreur que l'arbitre aurait pas vue", un peu comme la présence de la Belgique en quart de finale à la Coupe du monde 1986.
"Ce quart de finale Belgique-Espagne n'aurait pas dû exister. Une erreur de l'histoire." Le texte oscille habilement entre souvenirs personnels et actions footballistiques mémorables, d'un but de Maradona au coup de boule de Zidane, livrant une morale émouvante faite de bon sens commun. Mais la vraie trouvaille de ce seul en scène c'est d'avoir osé le bilinguisme total. Chaque phrase en français est reprise et réinterprétée en néerlandais, créant une langue nouvelle, mêlant les deux sonorités. Une prise de risque scénique que seul l'immense comédien flamand Josse De Pauw pouvait se permettre. Costume en lin élimé et stature charismatique, il accomplit un véritable tour de force, une acrobatie linguistique et poétique à laquelle de très rares comédiens belges pourraient se frotter. La très grande classe.
RAYMOND. Jusqu'au 10/3. KVS, rue de Laeken 146, 1000 Bruxelles. 02/210.11.00. www.kvs.be