Charleroi, son amour

Oui, le photographe flamand Stephan Vanfleteren est un grand amoureux du Pays Noir. Et ça se sent au Musée de la Photo.

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Gilbert, le visage ravagé par la clope et la mauvaise santé. Et Christophe? Sous son gros bonnet de laine noire, le regard est clair, mais sans joie. Ailleurs, perdue dans un décor improbable, une petite fille s’essaie à rouler à vélo en éclatant de rire. Et là, un fier ado se la joue rockeur, façon Elvis, le regard porteur d’un rêve décalé, auquel on n’est pas certain qu’il croit vraiment (photo). Ces Carolos, qu’ils soient de La Docherie, de Jumet, Dampremy ou de la Ville Haute, le célèbre photographe flamand Stephan Vanfleteren les a croisés, un jour ou l’autre, lors de ses errances dans la ville hennuyère. Seul, libre comme un chien, se faufilant entre brouillard et néons, dans des rues où s’écroulent les souvenirs d’une industrie autrefois florissante, ou contemplant du haut d’un terril un paysage où les usines vomissaient autrefois des nuages de fumée, c’est surtout toute la décrépitude du monde qu’il croise. Oui, "Charleroi est malade, fatiguée, usée, calcinée, blessée, humiliée, mais ses habitants n’en sont pas moins les hôtes les plus chaleureux que j’aie jamais rencontrés en Belgique" dit-il, précisant que "leur cœur est comme une mine profonde et calme".

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Dernière exposition d’un cycle de cinq commandes photos entamé en 2010, c’est Vanfleteren, après Bernard Plossu, Dave Anderson, Jens Olof Lasthein et Claire Chevrier, que le Musée de la Photo a invité à dévoiler sa vision de Charleroi. Pour le photographe belge, l’exercice n’était pas tout à fait neuf puisque la ville était déjà présente, avec Bruxelles, Anvers, Liège et Ostende, dans un précédent travail intitulé Belgicum. Mais au terme de ce travail-ci, s’il ne ferme pas les yeux sur "une réalité qu’on est bien obligé de voir" dit-il dans l’ouvrage qui accompagne l’expo, il déclare non sans une certaine impudeur verbale: "J’aime Charleroi. Je l’embrasse sur la bouche malgré son haleine puante". Entre empathie et inquiétude, cet amour se traduit par une série de photos en noir et blanc, ravageuses mais aussi profondément humanistes. Ni portrait inutilement à charge, ni plaidoyer tout aussi inutilement naïf, le Charleroi de Vanfleteren dit les blessures, mais aussi la solidarité d’une ville où le gris est noir. Mais où il fera blanc un jour. Ce nouvel avenir, il y croit. Toujours dans ce superbe bouquin-catalogue, il raconte une "party" organisée au Rockerill (ateliers d’artistes installés dans un ancien bâtiment industriel). "J’y ai senti l’esprit du Velvet Underground du New York de naguère, mais "à la carolo". (...) C’est en marche. L’avant-garde est déjà là, devant les portes rouillées." Comment ne pas avoir envie d’y croire?

> CHARLEROI, STEPHAN VANFLETEREN, jusqu'au 6/12. Musée de la Photo de Charleroi. www.museephoto.be

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