
Coupe du monde 2022: le Qatar revoit (enfin) à la hausse le nombre de morts

Combien de migrants sont décédés à cause des chantiers de la Coupe du monde au Qatar? La question fait rage avec des écarts énormes entre les sources: au moins 6.500 selon une enquête du Guardian, seulement trois d'après les autorités locales (sans compter 37 autres qualifiées de «non liées au travail»). Ou du moins, ça, c'était le nombre donné par Doha jusqu'ici. Pour la première fois, un haut-responsable a osé citer un chiffre bien plus élevé que ces trois décès.
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Des aveux et une volonté de rassurer
Cet homme n'est pas n'importe qui puisqu'il s'agit de Hassan al-Thawadi, le secrétaire général du Comité suprême du Qatar en charge de l'organisation du Mondial 2022. Interviewé par Piers Morgan ce lundi 28 novembre, il a estimé qu'environ «400 à 500 travailleurs migrants» ont péri à cause des travaux, tout en ajoutant qu'il n'avait pas de montant exact et qu'«une mort est déjà de trop».
Cet aveu amène le journaliste a lui demander de réagir à ceux qui diraient que «400, c'est un prix trop grand à payer» pour organiser une Coupe du monde. Le responsable qatari répète alors que chaque décès est déjà de trop avant de louer les efforts de son pays pour palier au problème. «C’est simple : tous les ans, nos normes en matière de santé et de sécurité se sont améliorées, du moins sur nos chantiers, ceux du Mondial, à tel point que nous avons des représentants de syndicats allemands, suisses, qui ont commenté cette amélioration», explique-t-il.
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World Cup boss Hassan Al-Thawadi tells Piers Morgan 400-500 migrant workers have died as a result of work done on projects connected to the tournament.
"Yes, improvements have to happen."@piersmorgan | @TalkTV | #PMUQatar pic.twitter.com/Cf9bgKCFZe
— Piers Morgan Uncensored (@PiersUncensored) November 28, 2022
Encore une fois, le journaliste rebondit sur cette réaction pour poser une autre question sensible: «puisque vous reconnaissez que des améliorations ont été faites, qu'au début (de l'organisation du Mondial), les conditions n'étaient pas suffisantes?». «Des améliorations doivent être apportées» concède Hassan al-Thawadi. «Ce sont des améliorations que nous savions que nous devions faire en raison de nos propres valeurs», la Coupe du monde n''ayant selon lui jouer d'un rôle d'«accélérateur» dans ces changements, «qu’il s’agisse de nos normes de santé et de sécurité, de l’amélioration des normes d’hébergement ou du démantèlement du système de Kafala». Il estime que désormais, le Qatar serait une «référence» en la matière reconnue y compris par «les critiques les plus fortes».
Hassan al-Thawadi a enfin été amené à réagir à la polémique du brassard «One Love», que la FIFA a banni des terrains du Mondial alors que ceux-ci dénonçaient les discriminations, notamment envers la communauté LGBTQIA+. «Si cela a été fait spécifiquement pour s’adresser au Qatar, cela me pose un problème. (...) Si les nations européennes avaient prévu de le porter constamment, alors c’est à elles de décider», juge-t-il avant d'ajouter qu'il s'agit d'«une décision prise entre la FIFA et les nations européennes» sur laquelle il ne s'avance pas plus. Il assure seulement que les homosexuels sont en sécurité au Qatar (bien qu'officiellement, la loi punit de peines de prison ce type de relations sexuelles), voire même s'ils ont envie d'y habiter ou de se tenir la main en public, et que tout le monde est le bienvenu. Il conclut seulement en affirmant que l'homosexualité «ne fait pas partie de notre culture».
Des problèmes encore vifs
Ces propos rassurants ne devraient toutefois pas écarter toutes les inquiétudes émises par les ONG sur ces deux sujets. Dans le cas de la communauté LGBTQIA+, des officiels de la FIFA comme Joyce Cook avaient affirmé que «les drapeaux et t-shirts arc-en-ciel seraient tous les bienvenus dans les stades». Cela n'a pas empêché la fédération de football de bannir le brassard «One Love» au dernier moment. Des supporters ont également vus leurs vêtements arc-en-ciel confisqués. Le tout sans compter le fait que, comme l'a affirmé Human Rights Watch (HRW) en amont de la compétition, «les forces de sécurité arrêtent des personnes LGBT et leur infligent des abus».
Quant aux migrants victimes des chantiers du Mondial, «à la veille de la Coupe du monde de football, le Qatar et la FIFA ne s’étaient toujours pas engagés à remédier aux abus subis par de nombreux travailleurs migrants ayant rendu possible ce tournoi», fait remarquer HRW. «Les décès de proches et les expériences déshumanisantes qui ont émergé de cette Coupe du monde 2022 resteront longtemps dans les esprits après la fin du tournoi», a conclu Michael Page, directeur adjoint de HRW au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. «Mais le Qatar et la FIFA peuvent encore prendre des mesures pour remédier aux torts causés aux travailleurs migrants et aux familles lésées et s’appuyer sur les réformes pour que l’épidémie d’abus des travailleurs migrants puisse prendre fin».