
Dour 2017: ce qu'on a aimé jeudi

Cheveu en quatre
A la gauche, on a Cheveu, un trio rock bordelais et souvent bordélique. A notre droite, c'est Doueh, formation saharienne à la discographie aussi sinueuse que torturée. Voici un an Cheveu se rend à Dakhala, cité paumée du Sahara. Les trois garçons viennent s'aérer et trouver de nouveaux compagnons d'aventure. Le résultat de ce mariage nord-sud débouche sur l'album Dakhla Sahara Session, jam enivrante qui débouche sur une tournée. A la Caverne, il n'y a pas grand foule pour les voir. Normal, le collectif Bruxelles Arrive fout le boxon au même moment sur la scène principale The Last Arena. Les absents ont tort. Et ceux qui sont là n'en reviennent pas. Ce n'est pas le disque de l'année, ce ne n'est pas le concert de l'année. Mais ça fait plaisir de voir des musiciens issus de cultures différentes mettre leur instinct créatif au service d'une trance hypnotique. Les mecs de Cheveu balancent une boucle, empilent des guitares, la troupe de Doueh rajoute percussions, voix féminine incantatoire et instruments traditionnels. Ce n'est pas de la musique du monde. C'est de la musique pour tout le monde. Voilà le genre de concerts qu'on ne voit qu'à Dour.
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La classe Loyle Carner
«J’enchaîne actuellement un paquet de festivals, et vous savez quoi, les mecs? Je n’ai jamais reçu un tel accueil.» Loyle Carner, rappeur londonien de 22 ans qui a signé son premier album Yesterday’s Gone en janvier dernier, est particulièrement ému ce jeudi après-midi lorsqu’il se produit sous le chapiteau Jupiler Boombox du Dour Festival. Et nous le serions aussi à sa place. Entre chaque morceau interprété par cet artiste sensible qui verse dans le hip-hop confessionnal, ce ne sont que clameurs, applaudissements et cris de ralliement (ici, c'est "Doureuhhhhhh!"). Et c'est parfaitement mérité.
Sur scène, il est comme à la maison. A l'arrière, et bien en vue, Loyle a posé un maillot de Manchester United (le N°7 comme celui que portait Eric Cantona), club préféré de son beau-père décédé voici quelques années. Le DJ est caché par un comptoir/bibliothèque et il y a aussi un fauteuil en cuir fatigué sur lequel il vient parfois se reposer entre deux salves de flow. Tous les morceaux de Yesterday's Gone y passent. Des trucs personnels. Des trucs de famille où il question de disparition précoce, de passage à l'âge adulte, de liaisons sentimentales qui débutent sur les chapeaux de roue et s'achèvent de manière tragique. Rien de bien original, sauf que Carner y met tout son coeur, impose un flow fluide et élégant pour sublimer des beats fortement influencés par le hip-hop old school. Déjà un des meilleurs moments du festival et quelques points en bonus pour le titre du meilleur disque hip-hop cool de l'année.
IDLES, la bonne idée
Barrés et barbus, punks et moustachus, les cinq mecs d’IDLES déboulent de Bristol avec une énergie folle. Rassemblés sous les voûtes de La Caverne, les Anglais débitent des tranches de rock’n’roll à scander le poing levé. Groupe engagé, IDLES refait le monde – et le portait de Theresa May – dans des chansons qui donnent envie de tout défoncer. Véritable voisin de palier de la Fat White Family, IDLS maîtrise furieusement son sujet. Une belle découverte.
La prière soul-funk de St.Paul & The Broken Bones
Dans La Petite Maison dans la Prairie, on nage en plein trip rétro. Soul, gospel ou funk: la veine afro-américaine martèle sous la tempe détrempée de sept blancs becs originaires de Birmingham, localité accrochée le long des routes d’Alabama. Rien de bien neuf sous le soleil, mais on doit bien l’avouer : on n’a pas vu venir l’insolation. Chez St.Paul & The Broken Bones, le premier coup de chaud tient d’abord aux cuivres. Brûlants, incandescents, ils tapissent chaque morceau du concert. Ensuite, il y a la voix. Au micro, Paul Janeway se déhanche avec de faux airs de Philip Seymour Hoffman et un véritable costume de crooner. Habité par l’âme d’Al Green, dévoué au culte de James Brown, le chanteur-prêcheur donne son cœur aux musiques noires américaines. Le concert de St.Paul & The Broken Bones fait monter la température d’un cran. Puissant.
Savoir-Faire
À l’heure de la sieste, dans Le Labo, c’est "Gaule-wave" et gymnastique. Punk, slips colorés et tecktonik. Trio parisien déluré – et vaguement dépravé –, Faire débarque à Dour avec une panoplie digne d’un gogo-dancer en trance dans un club gothique des tropiques. Entre vagues de synthés new-wave, guitares électriques et refrains chipés dans les coulisses de la variété, la musique du groupe course La Femme au galop. Bon délire et pogos en prime. Influencés par les années CBGB, la disco et les mangas du club Dorothée, ces jeunes gens mödernes impressionnent dans les (grosses) montées et les (mauvaises) descentes. Complètement barrés, torses nus, les garçons de Faire déballent du single (Marie Louise) et dévoilent un énorme potentiel scénique. A suivre de près.
Temples
En 2014, lorsque cette formation née dans les brumes de Kittering publie son premier album Sun Structures, Noel Gallagher, pourtant du genre avare de compliments, qualifie Temples de meilleur nouveau groupe anglais. Trois ans plus tard, Temples a raté son deuxième disque (Volcano) et a noyé son psychédélisme vintage dans la pop synthétique. Temples est redescendu de l'estrade,a revu ses ambitions à la baisse et reste un bon groupe de rock capable de tenir en haleine une foule addict aux effluves de guitares et de pédales wah-wah. Avec son look de membre de Martin Circus pério de Ma-Ry-Lène, le bassiste assure comme une bête. On entend moins de synthés que sur Volcano. Le single Certainty est une sacrée foutue bonne chanson et le chanteur/guitariste James Edward Bagshaw fait même l'effort de parler en français et de crier "Doureuhhhhh!". Un concert de rock cool à l'heure de l'apéro. Santé.