
Typh Barrow, talent brut

Amoureuse des sonorités organiques, des mélodies qui font bouger les lignes et d’une certaine idée de la culture pop telle qu’elle a été initiée avec un soin artisanal dans les années septante, Thyph Barrow ne pouvait pas trouver meilleur cocon pour son premier album que les studios Abbey Road, à Londres. C’est dans ce lieu mythique, où résonnent encore les mini-symphonies pop des Fab Four, que l’artiste belge a enregistré plusieurs chansons de “Raw”. Il se trouve que ce sont les plus réussies du disque. Sans contestation aucune. Nous pensons à The Absence qui, sous de belles couleurs blues, évoque “le sentiment du lendemain matin où tu te réveilles le cœur défoncé”. De Londres, Typh (Typhène à l’état civil) nous a aussi ramené la ballade Daddy’s Not Coming Back qui a déjà connu une belle carrière en radio et aussi To Those Who Wait, titre complètement barré où les guitares psyché s’en donnent à cœur joie. Ailleurs, l’auditeur découvrira aussi une rythmique reggae (Yellow Eyes), un refrain ragga qui n’évite pas la comparaison avec Selah Sue (Taboo) ainsi que des titres piano/voix plus proches de la tradition variétés.
Oui, cette auteure-compositrice et interprète peut être fière de ce premier album. Elle y a mis toutes ses années d’apprentissage. Et aussi, selon la formule consacrée, ses joies, ses peines et sa vision du monde moderne. “En toile de fond de cet album, il y a l’envie d’explorer plusieurs styles différents et le souhait de travailler de manière organique”, explique-t-elle. “J’ai voulu revenir à la définition de base de l’expression “faire de la musique”, soit se retrouver à plusieurs musiciens dans la même pièce et jouer ensemble. À Abbey Road, les chansons ont été enregistrées d’une traite, sans métronome, sans découpage. Dans la vie, je suis plutôt du genre perfectionniste mais sur “Raw”, je voulais privilégier l’émotion à la perfection. “Raw” signifie “brut” en anglais. Un qualificatif qui colle parfaitement à l’esprit du disque.”
Solfège et piano bar
Derrière le piano et la voix singulière de Typh Barrow, on trouve les musiciens de The Heliocentrics. Avec plusieurs albums à son actif, ce collectif anglais a aussi apporté son ouverture d’esprit à des artistes aussi divers que l’Éthiopien Mulatu Astatke ou au saxophoniste nigérian Orlando Julius. “J’ai grandi avec la collection de vinyles de mon père: Stevie Wonder, Marvin Gaye, Bill Withers, des trucs de blues ou de jazz. Les membres de The Heliocentrics partagent la même culture musicale éclatée. Dimitri Tikovoï (Placebo, Moby), le producteur de “Raw” m’a mis en contact avec eux. Ces mecs sont fabuleux. Ils n’ont rien à prouver à personne et jouent vraiment pour le plaisir de jouer. Malgré leur expérience, ils restent très humbles et m’ont fait comprendre qu’ils se mettaient au service de mon album.”
Passée par le solfège, le Conservatoire royal de Bruxelles et la dure école des pianos bars, Thyph Barrow a gagné ses galons sur scène avant de réaliser “Raw”. “J’ai toujours baigné dans la musique. J’ai commencé le piano à l’âge de cinq ans. Deux ou trois ans plus tard, je pensais déjà au chant, mais je me rendais compte que ma voix était différente des autres filles. On m’appelait “monsieur” quand je répondais au téléphone, la prof de solfège me mettait dans la classe des mecs. Dans le hit-parade, la mode était aux voix féminines qui montaient très haut. Quelque part ce fut un déclic pour moi. Ça m’a poussé à travailler encore davantage et proposer des choses plus personelles. Comme je n’avais pas le timbre adéquat pour interpréter les chansons des autres, j’ai commencé à écrire les miennes.”
Déjà nommée en 2016 aux D6bels Music Awards sur foi d’une tournée live à succès et de deux EP’s, Typh Barrow sera en lice ce 26 janvier dans la catégorie ‘Artiste féminine de l’année’ aux côtés de Mélanie De Biasio et de Noa Moon. Trois talents qui, contrairement, aux nommés dans la catégorie masculine, signent à la fois les musiques et les textes de leurs chansons. “Pour être honnête avec vous, je n’ai pas d’angoisse particulière par rapport à la sortie de mon album. J’espère bien sûr qu’il va plaire au public. Si ce n’est pas le cas, je serai déçue. Mais personnellement, la satisfaction est énorme. “Raw” ressemble exactement au disque que je voulais faire. Je ne regrette rien.”