C’est bientôt – encore – la guerre

Après "Au revoir là-haut", prix Goncourt 2013, Pierre Lemaitre livre "Couleurs de l’incendie". Deuxième volet d’une trilogie française, magnifique portrait de femme composé sur le trait d’union entre une guerre et une autre.

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Comme pour montrer ce dont il est capable lorsqu’il se confronte à la force des mots, Pierre Lemaitre ouvre Couleurs de l’incendie par une scène magistrale. En février 1927, le cortège funéraire emmenant Marcel Péricourt à sa dernière demeure s’apprête à s’élancer  lorsque son petit-fils, Paul, sept ans, s’écrase sur le cercueil de l’illustre défunt. L’enfant s’est jeté du deuxième étage de l’hôtel particulier où vit sa famille, assise sur l’immense fortune construite par feu son grand-père, un banquier dont l’influence nationale se mesure à la présence de hauts personnages – politiques et industriels – assistant à ses obsèques qui virent au drame.

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C’est le début d’une fresque romanesque puissante et tourbillonnante au centre de laquelle se débat Madeleine Péricourt, fille unique du mort et mère accablée du jeune suicidé. Toute la vie de la maison Péricourt et tous les efforts du personnel sont désormais concentrés sur le bien-être du petit Paul, cloué sur une chaise roulante. Divorcée («Son ex-mari, Henri d’Aulnay-Pradelle, croupissait en prison après un procès retentissant»), l’héritière affronte son destin dont elle ignore encore qu’il est entre les mains de Gustave Joubert, ex-prétendant et fondé de pouvoir de la banque dont elle est la propriétaire. Mais plus pour longtemps…

Trahie, abusée, ignorante des mécanismes de l’économie, Madeleine est l’héroïne d’une vie qui va se retourner contre elle. Couleurs de l’incendie est le récit de sa vengeance… L’histoire d’une femme seule contre tous qui compose son retour sur la scène mondaine du Paris des années 30, ville frivole et sourde aux premiers crépitements d’un incendie qui, au loin, va faire basculer l’Europe dans la guerre. Prix Goncourt pour Au revoir là-haut (épisode de la guerre 14-18 récemment vu au cinéma dans une flamboyante adaptation d’Albert Dupontel), Pierre Lemaitre livre le deuxième volet – magnifique et classique - d’une trilogie réactivant le pur plaisir qu’on trouve à fréquenter le roman français.

Couleurs de l’incendie, Pierre Lemaitre, Albin Michel, 535 p.   

 

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