
Blanche : "Je sais où je veux aller"

7 mai 2017. Devant 750 millions de téléspectateurs, Ellie Delvaux, alias Blanche, hisse la Belgique à la quatrième place du Concours Eurovision de la chanson avec City Lights. En trois minutes et trente secondes, elle quitte l’adolescence et cesse d’être ”la candidate de The Voice qui reprenait Adele”. Coécrit avec Pierre Dumoulin du groupe liégeois Roscoe, City Lights se classe dans dix-sept classements iTunes en Europe et lui vaut une pluie de récompenses. Disque d’or en Autriche, disque d’or en Suède, platine en Belgique, D6bels Music Awards, Mia’s flamands, European Border Breakers Award à l’Eurosonic de Groningen… Not bad, not bad.
“Un sentiment étrange, analyse un an plus tard Blanche. J’ai l’impression d’avoir vécu dans une bulle pendant l’Eurovision, un peu comme si c’était une autre personne qui chantait City Lights à ma place. À mon retour en Belgique, la première chose que j’ai voulu faire, c’est manger un hamburger au Quick de l’aéroport. J’avais ensuite une réunion avec le mouvement de jeunesse que j’animais et le lundi matin, je retournais à l’école. Assez bizarrement, ce n’est qu’en regardant à la télé le Concours Eurovision 2018 que je me suis rendu compte de ce que j’avais vécu l’année dernière. Tout est revenu comme dans un flash: le stress de la demi- finale, le choix des robes, les interviews, la Belgique que je représentais…”
Ellie a terminé ses secondaires. Elle ne s’occupe plus de mouvements de jeunesse et n’a gardé “que les amis(e)s qui ont toujours été là”. Quelques jours avant de souffler ses dix-neuf bougies (le gâteau est commandé pour ce 10 juin), Blanche publie son nouveau single Wrong Turn sur le label belge indépendant [PIAS]. Une chanson née lors d’un atelier d’écriture auquel elle a participé l’été dernier. Une chanson épique. Une chanson moderne évoquant “ces changements de trajectoire qui entraînent doutes et questionnements”. Bref, pour faire court, un tube en puissance.
Mental exceptionnel
Pour le coup, et même si Ellie Delvaux signe les crédits aux côtés du fidèle Pierre Dumoulin et du hitmaker flamand Andras Vleminckx, Wrong Turn n’est pas autobiographique. Les bifurcations, les hésitations, les demi-tours, les faux raccourcis, ce n’est pas son truc. “Les doutes, ils viennent quand on ne sait pas où on veut aller. Moi, je sais très bien ce que je veux. Je suis certaine d’avoir pris les bonnes décisions. Je suis sur une ligne droite et je regarde devant moi.” À ce mental, exceptionnel pour son âge, il faut ajouter un timbre de voix hors du commun et un naturel plutôt réservé qui font de Blanche une artiste atypique pour sa génération.
Des Nuits réussies
Blanche n’est pas du genre à étaler sa vie privée sur Instagram ou à dégainer du ”like” au quart de tour sur Facebook. Annoncé sans tralala, son premier concert live, le 27 avril dernier aux Nuits Botanique, a fait l’événement ayant eu lieu plus tôt qu’avant. Les raisons sont multiples. La qualité musicale, la richesse du nouveau répertoire, l’assurance vocale de son interprète et l’apport indéniable des deux musiciens qui l’accompagnent: le claviériste/guitariste François Gustin et le batteur Bryan Hayart, tous deux membres de Girls In Hawaii. Question crédibilité et positionnement artistique, c’est un joli coup. “Avec François et Bryan, nous étions bien préparés pour les Nuits. Ils ont une expérience scénique que je n’ai pas et n’ont cessé de me donner des conseils. Un truc tout con comme savoir où poser sa bouteille d’eau, mais aussi comment construire sa setlist pour maintenir l’intensité pendant cinquante minutes. Je n’étais pas du tout flippée aux Nuits et je suis contente de notre concert. Je ne dis pas que tout était parfait, mais c’est rassurant pour la suite.”
La suite, ce sont les Francofolies de Spa comme concert exclusif cet été en Wallonie. À la rentrée, il y a aussi une prestation au Paradiso d’Amsterdam (une ancienne église transformée en salle), une date à Vienne et d’autres en Belgique. L’album, lui, est attendu pour 2019. “Je préfère ne pas donner de date. Les choses vont à leur rythme. Je suis impatiente comme toutes les jeunes femmes de mon âge, mais je ne veux rien forcer. J’ai fait mon éducation musicale sur Internet en piochant à gauche et à droite. Voici un an, j’ai enfin pris goût à écouter des albums dans leur entièreté, non seulement de A à Z, mais en commençant par la chanson A et en terminant par la chanson Z. Il y a encore de jeunes artistes pour qui c’est important de construire un disque de cette manière. Je pense notamment à Alt-J, à l’Anglais Keaton Henson ou encore Lorde avec “Melodrama”. Moi aussi, j’ai cette ambition.”
Délaissé par les jeunes artistes au profit du français, l’anglais permet à Blanche de s’attaquer plus facilement à d’autres marchés (l’Allemagne où elle a déjà été invitée en télé en prime time, les pays scandinaves, mais aussi la Flandre). Ce choix entretient aussi le parfum de mystère autour d’une chanteuse qui ne se dévoile pas facilement. À l’heure où les nouvelles stars de la pop surcommuniquent, voilà encore une manière intelligente de se démarquer. “Les gens qui écouteront mon album comprendront que mon univers ne se limite pas à City Lights.”