MC Solaar : "Il y a plein de bonnes choses en hip-hop, à commencer par l'école belge"

Avec “Géopoétique”, le rappeur revient dans la lumière après avoir profité autrement de la vie pendant dix ans.

Avec "Géopoétique", MC Solaar revient dans la lumière après avoir profité autrement de la vie pendant dix ans. ©Benjamin Decoin

"Je me sens mieux depuis que mon album est sorti”, confie Claude Honoré M’Barali, quarante-huit ans, alias MC Solaar. “J’ai le sentiment d’avoir accompli quelque chose. Un disque, c’est palpable, c’est du concret. Ces dernières années, je sentais dans le regard des gens qu’on me prenait pour un glandeur et qu’on se posait des questions à mon égard, du genre “qu’est-ce qu’il fout de ses journées, le mec?”.”

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Paru le mois dernier, son album “Géopoétique” rompt un silence de dix ans. En début d’interview, Solaar nous rappelle avoir été marqué par une couverture du magazine The Source, la bible américaine du hip-hop qui disait “There is no come-back in hip-hop”. Pourtant il l’a fait. Et malgré l’accueil mitigé dans certains médias, le disque a dégommé Orelsan au sommet des charts en France. Tout un symbole. “Il faut relativiser. J’imagine qu’il y a inévitablement un phénomène de curiosité à mon égard de la part de ceux qui m’aiment. Et ceux qui me détestent ont pris un malin plaisir à en faire des tonnes.Télérama a écrit trois pages sur le disque pour dire qu’il ne fallait pas l’acheter. Au bout du compte, “Géopoétique” fait l’actualité, les gens ont envie de l’écouter et réagissent.”

Solaar reste Solaar

Un mec intelligent, instruit, qui use (et parfois abuse) des figures stylistiques ainsi que du name-dropping dans ses textes. Les mots, c’est son truc. Les sons, il laisse ça à des gens de confiance. “Sur le disque, je voulais un morceau jazz, un autre funk, un hommage à Gainsbourg et aussi un peu de musique classique. Je n’ai pas envie d’être attaché à une école particulière. J’ai fait appel à des compositeurs qui suivent comme moi l’air du temps même si l’album ne sonne pas forcément moderne.”

Pendant ces dix dernières années, Solaar n’a pas fait grand-chose sur un plan médiatique, mais il a observé et profité de la vie. “Au milieu des années 2000, j’avais lu un bouquin qui revendiquait le droit aux loisirs et ça m’a plu. Si tu as envie d’aller au zoo, pourquoi attendre “une bonne occasion”? Fais-le. Je n’étais pas lassé du milieu musical, mais je voulais voir d’autres choses. Le seul truc qui m’a manqué, c’est la scène et l’adrénaline qu’elle engendre. Pour moi, c’est passé très vite. Mais quand je suis revenu, je me suis rendu compte que beaucoup de choses avaient changé. Il y a plein de bonnes choses en hip-hop aujourd’hui, à commencer par l’école belge. Stromae, je kiffe. Roméo Elvis, je kiffe. Damso, je kiffe. Orelsan aussi. C’est du hip-hop décomplexé. Contrairement à beaucoup de rappeurs français, ils ont sauté l’étape américaine. Ils ne sont pas dans le rap de confrontation. Ils font leur truc. Ils racontent des histoires, leur histoire, dans un mélange de réalisme cru et de surréalisme poétique. C’est cool.”

Solaar sur les réseaux sociaux

Dans les critiques négatives de “Géopoétique” revient souvent le côté daté, “d’un autre âge”, des morceaux. L’intéressé sourit. “Même à mes débuts, on disait que je faisais du rap de vieux. Hormis ma chanson écrite pour le film La haine en 1995 et un morceau contre l’apartheid qui n’est jamais sorti, je n’ai jamais été dans le rap d’affrontement. J’aime bien décrire des réalités sociales mais j’essaie toujours d’apporter quelque chose de positif. Je me suis aussi fait une règle d’honneur de toujours défendre et respecter la femme. Une question d’éducation et de caractère. À vingt ans, je ne me voyais pas dire “Sale pute” dans une chanson et après aller saluer ma boulangère en lui expliquant que ces insultes, c’était juste du délire de rappeur. J’aime rester cohérent. Et puis, il ne faut pas écraser les gens sans raison uniquement parce que tu as un micro.”

À la fin de son nouvel album, “P’tit Claude” interpelle l’auditeur. “Regarde comme la vie est belle”, chante-t-il. “C’est un truc que je me dis tous les jours depuis le passage à l’an 2000. Cette nuit-là, j’ai eu une révélation. “Claude, sois positif.” Et ça fonctionne. Même quand je traverse des périodes sombres, je me focalise sur la porte de sortie, là où il y a de la lumière.” Solaar a promis de se mettre sur les réseaux sociaux. Bloqué pour une sombre histoire de droits, son back catalogue devrait être enfin disponible en streaming. Malgré Télérama, “Géopoétique” vient d’être certifié or et la tournée s’annonce plutôt bien. Vu comme ça, la vie est belle pour MC…

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