
Rock Werchter 2018: le top/flop de la première journée

Vingt-quatre groupes ou artistes, quatre scènes, 85.000 personnes et une température moyenne de vingt-cinq degrés… Le festival Rock Werchter, qui se déroule jusqu’à ce dimanche 8 juillet, a démarré sur les chapeaux de roue ce jeudi. On vous fait un rapide débrief avant de reprendre la route… Le reportage photographique est signé Mathieu Golinvaux.
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Vince Staples déçoit
Pour cette première journée, les groupes à guitare ont laissé une meilleure impression que les artistes hip-hop et r&b. Très attendu et très fréquenté, le concert du rappeur américain Vince Staples a tourné ainsi en pilote automatique. Inventif et nuancé sur ses productions studio, Vince Staples ne montre quasi rien sur scène où il déroule un set calé sur sa clef USB. Le public était chaud boulette et méritait un peu plus d’enthousiasme de sa part.
Black Beatles
Plus ludique et plus dynamique, le duo de Tupelo Rae Sremmurd a été bien plus convaincant sur la Main Stage. Actifs et bosseurs comme des fourmis, les frangins Slim Jxmmi et Swae Lee ne lésinent pas sur leur énergie pour aller chercher le public et le faire vibrer sous les beats de leur nouvel et triple album "SR3MM" paru le mois dernier. Livrée stratégiquement en plein milieu de concert, leur version éblouissante de Black Beatles reste sans conteste un des moments forts de cette première journée de festival.
Back To Seattle
On passe ensuite à l’une des toutes grosses sensations de cette première journée. Alice In Chains, l’un des quatre Big Four de la scène grunge de Seattle avec Nirvana, Soundgarden et Pearl Jam (à l’affiche de Rock Werchter ce samedi), est de retour sur scène et dans les bacs. Annoncé pour le 24 août, le nouvel album "Rainier Fog" (dont le titre est inspiré du Mont Rainier qui domine la ville de Seattle) se veut à la fois un hommage aux icones disparues de la scène locale et un cri d’espoir. Emmenées par le jeu incisif et personnel du vétéran chevelu Jerry Cantrell et la voix puissante de William Duvall (qui a remplacé le regretté Layne Staley décédé d’une overdose en 2002), les nouvelles compositions du groupe n’ont rien à envier à leurs classiques des années 90.
On pense notamment au single The One You Know composé par Cantrell "à l’époque de la disparition de Bowie" ou à So Far Under, écrit comme un exutoire par Duvall. Entre heavy metal à fortes influences Black Sabbath, rock grungy bien sale et richesses harmoniques, les extraits des albums "Face Lift" (1990) et de "Dirt" (1992) passent toujours bien la rampe et séduisent une nouvelle génération comme l’illustre le beau bordel provoqué dans les premiers rangs par des jeunes festivaliers qui n’étaient, pour certains, pas né quand Alice In Chains a explosé. Quant aux fans de la première heure, ils restent toujours ébahis de la similitude entre la voix de Duvall et celle de Staley. Grand concert. Moustique publiera une interview d’Alice In Chains à la sortie de "Rainier Fog".
La classe Gorillaz
Tête d’affiche incontestable de cette première journée, Gorillaz a livré le concert parfait. Entre un best of qui n’oublie rien et une découverte du nouvel album "The Now Now", plus pop et plus intimiste, paru la semaine dernière (voir notre interview exclusive de Damon Albarn Gorillaz “Nous sommes les agriculteurs de la pop”), les 85.000 spectateurs n’ont pas eu à choisir. Et c’est tant mieux. Charismatique et plus en avant que jamais (il chante sur quasi tous les titres), Albarn montre toute sa sensibilité sur les nouvelles compositions Humility, Magic City, South Eye ou encore Hollywood. Entouré d’un groupe pléthorique qui prend un réel plaisir à bousculer les lignes, Gorillaz sort la grosse artillerie (Last Living Souls, On Melancholy Hill, Tomorrow Comes Today, Clint Eastwood, Dirty Harry, Feel Good Inc.,…) et y rajoute la classe et la bonne humeur. « Nous avons le pouvoir de nous aimer », chante Gorillaz. C’est vrai. . En rappel, en fan absolu de Chelsea qu’il est, Damon s’amuse à changer les paroles de l’emblématique Kids With Guns pour évoquer Eden Hazard. De couleur jaune, son sweat laissait toutefois l’ambiguïté quant à son favori du quart de finale de ce soir. Sacré Damon…
Kali Uchis : la voix à suivre
Dans la vie de Snoop Dogg, il y a eu deux grandes révélations: les champs de ganja et Kali Uchis. Si on connaît les effets que lui procure sa première découverte, la seconde met actuellement les sens du monde en alerte avec une musique imaginée à la croisée du R&B, de la soul et d’une pop sensuelle à souhait. Depuis qu’elle a prêté sa voix à une mixtape bien fumeuse du Snoop en 2014 ("That’s My Work Vol 3"), la petite Colombienne de Los Angeles suscite l’excitation des plus grands : Gorillaz, Major Lazer ou Tyler, The Creator sont ainsi venus la débaucher pour pimper leurs répertoires. Rose tatouée sur la main, Kali Uchis débarque à Rock Werchter au beau milieu de l’après-midi, vêtue d’une robe jaune canari, plutôt sexy. Entre pépins de soutif et soutien indéfectible de trois musiciens, la diva – désormais comparée à Amy Winehouse – fait la part belle aux morceaux de son premier album, "Isolation". Avec ses chansons conçues aux côté de Damon Albarn BadBadNotGood, Kevin Parker (Tame Impala), Tyler, The Creator et autres Bootsy Collins, Kali Uchis a de quoi faire briller le soleil pendant toute l’année. On l’adore. Et on vous en reparle très vite dans Moustique.
Queens of the Stone Age : taille patron
Dans le monde du rock, chaque décennie a ses patrons. Mais depuis l’avènement du nouveau millénaire, Josh Homme et ses Queens of the Stone Age règnent sans partage sur le royaume des guitares. C’est que le big boss du groupe californien a repris à son compte les plans de Jimi Hendrix, ZZ Top, Black Sabbath et Led Zeppelin. Soit l’assurance de briller en toutes circonstances. Ce jeudi soir, sur la scène principale de Rock Wercter, les Américains ont délivré un show parfait. Chemise de bûcheron, corps d’ours brun, Josh Homme tient la baraque avec une assurance défiant toute concurrence. Dans un va-et-vient permanent sur la ligne du temps, le cerveau des opérations revisite sa discographie : sept albums et deux décennies millésimées. Entre les rouleaux compresseurs d’antan (The Lost Art of Keeping a Secret, Go With the Flow, Little Sister, A Song for the Dead) et les tubes méchamment dansants du dernier "Villains" (The Way You Used to Do), la décharge électrique est à l’image de la maîtrise : totale. Surtout, Josh Homme et les siens partagent réellement l’instant avec le public. Loin du concert en roue libre des têtes d’affiche interchangeables, les Queens of the Stone Age ancrent leur performance dans la réalité de Rock Werchter. Un fan déguisé en Spiderman atterrit ainsi soudainement sur scène, le batteur Jon Theodore s’offre un solo d’anthologie sur No One Knows, tandis que Josh Homme dédicace un morceau à Gorillaz (The Evil Has Landed). Un moment parfait.