Dogman : La revanche des petits

Dogman, le thriller de Matteo Garrone nous plonge dans une Italie malade et révèle un acteur d’exception.

Dogman © Prod

"Mais qui est ce type ? Comment est-on passé à côté de lui durant toutes ces années ?” À la sortie de Dogman, thriller de Matteo Garrone présenté au Festival de Cannes en compétition officielle en mai dernier, les mêmes questions fusent au sujet de l’acteur Marcello Fonte. Et une évidence s’impose d’elle-même, mettant d’accord, chose très rare, tout le petit monde de la critique cinéma : la Palme d’or d’interprétation ne peut échapper à ce petit bonhomme de 39 ans tout mince aux allures du Al Pacino de L’épouvantail de Schatzberg.

Dogman s’avère une plongée saisissante dans l’Italie des démunis, où la magouille permet de garder la tête hors de l’eau.

Il y joue, époustouflant de naturel, le rôle d’un toiletteur pour chiens vivant chichement dans une Italie miséreuse, et dont le destin va basculer un jour où il est incapable de dire “Non“ à la terreur du quartier, un colosse accro à la dope comme un molosse à son os. Rencontré un bon mois plus tard à Bruxelles, Fonte, qui a passé le plus clair de son adolescence dans un petit village de Calabre, semble s’excuser d’être là, mais ses yeux s’illuminent lorsqu’on lui demande de nous raconter son parcours : “Un jour, je travaillais comme assistant social avec une petite troupe de théâtre amateur d’anciens détenus. Un des acteurs principaux de la pièce est mort subitement et je l’ai remplacé. C’est là qu’un agent de Scorsese m’a remarqué et j’ai figuré dans son film Gangs of New York.” Le plus drôle, c’est que rêvant depuis toujours d’être acteur, Fonte ignorait qui était Scorsese ! C’est d’ailleurs avec une fierté non dissimulée qu’interrompant l’interview, il nous montre un selfie aux côtés du cinéaste de Taxi Driver chez lequel il était allé dîner la semaine précédente.

Marcello Fonte, Prix d'interprétation masculine dans "Dogman" lors du 71ème Festival International du Film de Cannes © Borde Moreau / Bestimage

Mais on en oublierait presque ce retour réussi de Garrone au polar brut après son éblouissant Gomorra. Thriller en forme de conte noir sur la violence ordinaire, Dogman s’avère une plongée saisissante dans l’Italie des démunis, où la magouille permet de garder la tête hors de l’eau et où les combats pour retrouver sa dignité ont une odeur de soufre. Jusqu’au-boutiste, Garrone ne laisse pas de place à la moindre parcelle de sentimentalisme. Poussé dos à son destin par une brute épaisse, c’est dans ses derniers retranchements, au cœur de sa propre bestialité que le petit toiletteur pour chiens devra aller puiser pour résoudre jusqu’au tragique son équation intime : celle d’un homme qui désirait simplement vivre sa vie en paix avec ses chiens, sa gamine et ses amis du quartier.

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