
Benedict Cumberbatch, le cerveau derrière le Brexit

La tasse de thé de Theresa May devait avoir un arrière-goût amer ce matin. Après un report au mois de décembre, la Première Ministre défend cette semaine face au parlement britannique son projet d'accord de divorce avec l'UE. Ses opposants risquent d'être (encore plus) remontés après la diffusion hier soir sur la chaîne de télévision Channel 4 d'un docufiction sensationnel... Emmené par le génial Benedict Cumberbatch, Brexit : the Uncivil War plonge le spectateur dans les coulisses de la campagne pro-leave précédent le referendum de 2016. "Tout le monde sait qui a gagné. Mais peu de gens savent comment", tease malicieusement la bande-annonce.
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Produit par HBO, le film entend faire la lumière sur les circonstances qui ont mené au "plus grand tremblement de terre politique depuis la chute du Mur de Berlin". Effectivement, outre-Manche, les répliques s'enchaînent depuis deux ans sans interruption.
Nouveau combat politique
"Meet the man behind the Brexit." Benedict Cumberbatch incarne Dominic Cummings, individu pratiquement inconnu du grand public qui, derrière les charismatiques Nigel Farage ou autre Boris Johnson, a orchestré toute la campagne menant au vote pour la sortie du Royaume-Uni de l'UE. L'exercice était périlleux : le Brexit occupe toujours le cœur de l'actualité au Royaume-Uni, mais la presse britannique s'est largement enthousiasmée pour ce film. En un peu plus de 90 minutes, il était sans doute compliqué de s'arrêter sur tous les détails comme la condamnation des organisations Vote Leave et Leave EU pour avoir dépassé les plafonds de campagne. Mais le film parvient à brosser le portrait à peine exagéré d’une nation gouvernée par des charlatans et manipulée par des algorithmes.
Au-delà de la xénophobie ou des mensonges (les soi-disant 380 millions de Livres que les britanniques donnaient chaque semaine à l'UE), Brexit : The Uncivil War raconte surtout l’émergence d’un nouveau combat politique, sur les réseaux sociaux - la campagne "Take back control" ("Reprenez le contrôle") a été quasi intégralement diffusée sur les médias numériques pour toucher directement un public influençable. Le trailer fait clairement référence aux tactiques soupçonnées de l'utilisation de données personnelles des votants pro-Brexit lorsque Cummings parle de "hacker le système électoral" et conduire une stratégie basée sur les réseaux sociaux qui "nous permettra de mettre toutes les chances de notre côté".
Mauvais timing?
Le timing choisi pour la diffusion n'est pas anodin alors que le Royaume-Uni semble plus divisé que jamais sur le fait de quitter ou non l'UE. Les personnalités et politiques militent d'ailleurs pour l'organisation d'un nouveau référendum, arguant que le résultat serait tout autre aujourd'hui si la campagne était organisée sans tricherie (le leave l'avait emporté à 51,89% seulement).
Sur les réseaux sociaux, de nombreux Britanniques ont exprimé leur désapprobation par rapport au film et le fait qu'il soit produit par HBO (chaîne américaine), alors que les États-Unis sont également en pleine névrose et enquêtent sur une possible interférence russe dans la campagne présidentielle de Trump... Cummings, le "héros" campé par Cumberbatch, avait en tout cas refusé de comparaître devant une commission d'enquête de la chambre des communes britannique sur l'utilisation des fake news pendant la campagne.
Le film va-t-il relancer les investigations ? Dans tous les cas, ce sera trop tard pour empêcher le Brexit. Avec ou sans accord avec l'UE, le divorce effectif est fixé au 29 mars. À moins d'un second référendum...